1. Accueil
  2. Southern Africa
  3. Zimbabwe

Les fermiers blancs retournent chez eux

Plusieurs fermiers blancs, qui avaient choisi de quitter le Zimbabwe après avoir été dépossédés de leurs fermes, conformément à la politique de réforme agraire du président Robert Mugabe, retournent chez eux après que les promesses de plus verts pâturages en Afrique australe ont tourné court.

Justice for Agriculture – Justice pour l’agriculture - (JAG), une organisation indépendante créée en vue d’aider quelque 4 000 fermiers dépossédés de leurs terres après l’application du programme « accéléré » de réforme agraire décidée en 2000 pour redistribuer les terres agricoles aux fermiers noirs, a affirmé qu’une centaine de fermiers blancs, qui s’étaient expatriés afin de s’établir dans d’autres pays de la région, étaient retournés au Zimbabwe.

« Avec les fermiers, un problème ne vient jamais seul. Après les nombreux déboires qu’ils ont connus et qui les ont presque transformés en indigents dans des pays comme le Mozambique, la Zambie ou le Malawi, certains fermiers ont décidé de revenir, et davantage pourraient faire de même », a indiqué à IRIN John Worswick, le président du JAG.

A ce jour, le nombre de fermiers ayant quitté le pays en raison du programme de réforme agraire reste inconnu.

« Les difficultés étaient essentiellement d’ordre financier. En effet, après avoir été invités par des sociétés privées pour les aider à accroître la production agricole [dans certains pays], en particulier dans le domaine de la culture du tabac, ils ont créé des fermes mais n’ont pas été soutenus par leurs partenaires financiers ; ils n’avaient dès lors plus d’autre choix que de faire leurs valises et revenir ici, les mains vides », a dit M. Worswick.

Bien que pour les fermiers, les perspectives d’avenir au Zimbabwe ne semblent pas prometteuses, en raison de l’état de déliquescence de l’économie du pays et de l’absence de réelles possibilités d’investissement, M. Worswick a affirmé qu’il était optimiste quant à la restitution aux fermiers de leurs propriétés agricoles.

La plupart des Zimbabwéens tentent de survivre, malgré un taux annuel d’inflation de 4 000 pour cent – le plus élevé du monde – et une pénurie généralisée de produits de base et de devises étrangères.

« Les perspectives à long terme pour les fermiers sont prometteuses. Un jour, justice sera faite, même si cela doit prendre 20 ou 30 ans. Nous avons vu des propriétaires retrouver leurs biens dans des pays comme le Mozambique ou l’Ouganda, et ce, des dizaines d’années après que des gouvernements oppressifs les ont confisquées », a indiqué M. Worswick.

La plupart des fermiers expulsés de leurs fermes ont gardé leurs titres de propriété et ont contesté la confiscation de leurs terres devant des juridictions locales et internationales, même si, à plusieurs reprises, le gouvernement ZANU-PF a juré de ne jamais les restituer à leurs propriétaires. Les bénéficiaires de la politique de la redistribution des terres ont reçu de l’Etat zimbabwéen des baux de 99 ans pour les fermes sur lesquelles ils ont été reclassés.

Promesses sans lendemain

Rod Swales, un planteur de tabac de 52 ans, a décidé de quitter la province mozambicaine de Manica, frontalière d’avec le Zimbabwe. En 2002, il avait été dépossédé de sa ferme et avait été détenu et agressé par des vétérans de la guerre d’indépendance et des membres des Green Bombers (Bombardiers verts), une milice de jeunes à la solde du gouvernement.

« Avec la chute de la production du tabac au Zimbabwe, consécutive à la confiscation par l’Etat des terres agricoles, des sociétés nous ont invités à venir au Mozambique pour que comblions ce manque en produisant une grande quantité de tabac dans le pays ; et nous avons sauté sur l’occasion », a indiqué M. Swales.

Ces fermiers avaient été recrutés pour produire du tabac pendant sept ans et devaient effectuer des versements annuels pour rembourser leurs prêts. Or, les fonds versés par les sociétés qui les avaient engagés étaient insuffisants et le tabac produit était de qualité inférieure car leur première saison agricole avait démarré très tard.

« Le tabac que nous produisions était également vendu à très bas prix et nos ennuis ont perduré au cours des saisons qui ont suivi. Nous n’avions d’autre choix que de dire aux sociétés que nous ne pouvions poursuivre l’exploitation des plantations de tabac car les fonds qui nous étaient prêtés étaient insuffisants pour nous permettre de nous établir », a dit M. Swales.

Ils ont dû céder leur matériel agricole aux sociétés, après avoir décidé de mettre fin à l’exploitation des plantations de tabac et, comme l’a fait remarquer M. Swales, même les actions menées en vue de solliciter l’intervention du gouvernement mozambicain se sont révélés infructueuses.

La barrière de la langue a également rendue difficile l’action des fermiers dans leur pays d’adoption. L’anglais est largement parlé au Zimbabwe, ancienne colonie britannique, alors que le portugais est la « lingua franca » du Mozambique, l’ancienne colonie du Portugal.

M. Swales s’estime tout de même « chanceux », car il a réussi à conserver sa maison dans la banlieue de Harare, la capitale zimbabwéenne, où sa famille vit actuellement.

« J’ai eu du mal à me faire à l’idée que je devais revenir au Zimbabwe, mais pour des personnes comme moi, c’est le seul pays que je connaisse. Mes grands-parents s’y sont installés et y ont bâti une ferme dont mon père a héritée. J’y ai bâti ma propre ferme à Darwindle [dans la province occidentale du Mashonaland], de laquelle j’ai malheureusement été expulsé », a-t-il dit.

M. Swales a de la peine lorsqu’il constate que sa ferme, qui jadis était prospère et produisait suffisamment de tabac pour le marché local et international, est actuellement sous-exploitée par des fermiers reclassés qui cultivent du maïs sur des petites parcelles de terre, même si le sol est inadapté à ce type de culture.

Puisque le programme de redistribution des terres a été réalisé dans la précipitation et de manière improvisée, des milliers de nouveaux fermiers sans expérience ont été installés sur des terres sans disposer des infrastructures nécessaires, ce qui a conduit à une forte réduction de la production agricole, alors que certains politiciens et fonctionnaires influents ont obtenu des fermes qui, dans bien des cas, sont maintenant à l’abandon.

Pour s’en sortir, M. Swales s’est associé avec d’autres fermiers et a créé une société de conseils en agriculture pour aider les « nouveaux » fermiers en difficulté à s’installer et, précise-t-il, « leurs activités ciblent ceux qui ont acheté leurs fermes, mais pas à ceux qui les ont usurpées ».

La société qui démarre a des difficultés pour obtenir des crédits bancaires, car aucun des actionnaires ne peut fournir de garantie.

Si M. Swales a su saisir une opportunité pour s’en sortir, d’autres n’ont aucun moyen de gagner leur vie.

Vivre de la charité

Kennedy Swaggart, un agriculteur de 60 ans spécialisé dans la culture de l’orge, a connu des moments difficiles au Malawi. Il a décidé de rentrer au Zimbabwe et vit actuellement de la charité d’une église sud-africaine.

Ce veuf, sans enfant, n’avait pas jugé nécessaire de garder des biens au Zimbabwe. Aussi, avait-il décidé de vendre le matériel agricole de sa ferme et une maison qu’il possédait dans la capitale, afin de se constituer un capital pour la création de sa nouvelle entreprise agricole au Malawi, en 2001.

« Après avoir traversé de rudes épreuves, car le marché de l’orge n’était plus rentable, la seule solution était de rentrer au Zimbabwe, même si je savais que j’allais devoir me battre pour me trouver un toit », a indiqué M. Swaggart à IRIN.

« Heureusement, des amis fermiers ont contacté des associations caritatives et j’ai été placé dans une maison de retraite par une église sud-africaine », a-t-il affirmé.

Actuellement, il tente d’obtenir une indemnisation du gouvernement pour la mise en valeur des terres de la ferme qu’il a perdue, comme cela avait été promis aux fermiers.

Depuis son retour au Zimbabwe, M. Swaggart s’est rendu à plusieurs reprises au ministère de l’Aménagement du territoire pour demander le paiement de son indemnité, mais la plupart du temps il a été renvoyé par des fonctionnaires qui lui ont demandé pourquoi il avait attendu tant d’années pour faire cette démarche.

« Lors de mon dernier passage au ministère, ils m’ont dit de ne plus venir les voir, mais d’attendre qu’ils prennent contact avec moi pour le paiement de l’indemnité. Personnellement, j’ai bien peur que cette situation ne perdure, car j’ai désespérément besoin de cet argent », a-t-il dit.

Selon le gouvernement, le montant des indemnisations s’élèverait à quelques millions de dollars, un montant que la plupart des fermiers jugent insuffisant par rapport à la valeur de leurs biens ; certains fermiers accusent l’Etat d’avoir également confisqué leur matériel pour lequel aucune indemnité ne leur a été versée.

Comme beaucoup d’autres fermiers, M. Swaggart croit en une intervention divine, au bon sens politique et au retour des jours heureux lorsqu’ils retrouveront leurs fermes.

Certains fermiers, en particulier les producteurs de semences agricoles et de céréales réinstallés dans des pays lointains comme le Nigeria ou l’Australie, ont eu un parcours plus heureux et ont contribué à augmenter la production agricole de leur pays d’adoption.

fm/go/he/sm/ads/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join