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Combattre les préjugés pour lutter efficacement contre la grippe aviaire

[Africa] Vaccinating poultry against avian flu. FAO
Vaccination des poulets contre la grippe aviaire

« Coup monté par le gouvernement », « maladie de blancs », « dès qu’on s’approche d’un poulet on peut mourir »… autant de rumeurs et de théories de conspiration qui se propagent au Nigeria depuis la détection du virus H5N1 hautement pathogène en début de mois au nord du pays.

Et alors que le gouvernement fédéral s’active pour enrayer la progression du virus, de nombreux Nigérians sont perplexes face à cette étrange maladie qui affecte les volailles et provoque une telle panique chez les Occidentaux.

Les campagnes d’information n’ont pas encore été lancées et une question est sur toutes les lèvres : « Peut-on encore manger du poulet ? ». « Oui », répondent les experts interrogés à la télévision et cités dans les journaux locaux. La grippe aviaire ne peut être transmise en mangeant un poulet infecté.

« Il suffit de le faire cuire pendant longtemps pour se débarrasser du démon de la grippe aviaire », a conseillé l’un de ces experts.

Mais au nord du pays à majorité musulmane, où des cas de grippe aviaire ont été détectés dans plus de 40 fermes, les autorités sanitaires doivent combattre bien plus que la simple ignorance ; il leur faut également venir à bout de la grande méfiance de nombreux Nigérians envers leurs élus.

Pour certains, ce sentiment pourrait contribuer à propager l’épizootie qui a été confirmée dans huit des 36 Etats, notamment dans la capitale Abuja.

« De nombreuses personnes pensent que la grippe aviaire est un coup monté par le gouvernement qui les a déjà trompés tant de fois », a indiqué Faisal Lawal, le gérant d’un centre multiservice dans la ville de Kaduna, au nord du pays.

« La plupart des gens pensent que le gouvernement agit dans son propre intérêt, et il est difficile de leur faire admettre l’existence de la grippe aviaire. Ils y croiront peut-être après des actions de sensibilisation, mais si vous les interrogez maintenant, ils vous répondront que ce sont des sornettes ».

Voilà des années que le Nigeria figure parmi les pays les plus corrompus au monde, et lorsque le premier cas de grippe aviaire a été détecté dans une ferme avicole appartenant au ministre des Sports, Samaila Sambawa, les Nigérians ont accueilli la nouvelle avec suspicion.

« Tout ça, c’est de l’argent volé. Maintenant, ils vont juste voler davantage », s’est exclamé Timothy, un chauffeur de taxi qui a requis l’anonymat.

Et la décision du gouvernement d’indemniser les éleveurs à hauteur de 250 naira (moins de deux dollars américains) par tête de volaille tuée, a provoqué des réactions allant de la surprise à la colère.

M. Lawal avoue avoir été convaincu de l’existence de la grippe aviaire lorsque les autorités ont annoncé les indemnisations.

« Je me suis dit alors que si le gouvernement envisageait de payer des indemnités, c’est que le problème devait être sérieux », a-t-il dit en riant.

Mais les éleveurs de volailles demandent que les indemnisations soient conséquentes pour dissuader les éleveurs – dont 60 pour cent pratiquent un élevage artisanal -, d’aller sur les marchés vendre leurs têtes de volailles infectées à des prix intéressants.

« C’est la loi du marché », a déclaré Haruna Awalu, président de l’association des éleveurs de volailles de Kano. « On risque d’arriver au point où les éleveurs préfèreront vendre leurs volailles plutôt que déclarer qu’elles sont malades pour obtenir une plus grande marge ».

Poulets en quête de nourriture dans le nord du Nigeria

Des messages en langues locales

Un cellulaire dans chaque main, M. Awalu essaie de répondre au flot continu d’appels provenant d’éleveurs inquiets. Et lorsqu’une correspondante lui demande comment nourrir désormais sa volaille, puisqu’elle a appris qu’elle risque de mourir si elle pénètre dans son poulailler, il se montre rassurant.

« Vous n’allez pas mourir, je vous assure », lui répond M. Awalu. « Il faut simplement vous laver les mains correctement et tenir les autres personnes à l’écart du poulailler ».

David Heymann, de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui assiste le gouvernement dans sa lutte contre la grippe aviaire, déplore le manque de campagnes d’informations en langue haoussa. « La perception que les communautés ont de ce problème est préoccupante », a déclaré M. Heymann. « Il est prévu de mener des campagnes d’informations et de faire passer un message compréhensible et pertinent – des campagnes adaptées aux besoins des communautés ».

Craignant une mutation de la souche H5N1 du virus de la grippe aviaire et sa transmission d’homme à homme, les autorités sanitaires internationales ont intensifié les efforts pour tenter de contenir une pandémie qui pourrait être fatale à l’homme.

Mais rares sont ceux qui pensent que le gouvernement nigérian a la capacité d’éradiquer l’épizootie, et encore moins de venir à bout d’une souche qui infecterait les humains.

« La gestion des crises au Nigeria est quasiment nulle », a déclaré Emmanuel Ijewere, l’ancien directeur de la Croix-Rouge nigériane. « S’il y a une crise majeure, nous ne pourrons pas nous en sortir ».

Et le scepticisme affiché par quelques experts de la santé animale et humaine sur les dangers du virus H5N1 ne fait que conforter cette opinion. Ainsi, juste après avoir abattu des centaines de poulets dans une ferme à l’extérieur de Kano, un assistant vétérinaire qui a requis l’anonymat, a déclaré à IRIN qu’il ne croyait pas le moins du monde en l’existence de la grippe aviaire.

Tout en retirant ses gants et son masque de protection, il a dit qu’il pensait que la maladie qui affectait la ferme était une nouvelle souche de la maladie de Newcastle, qui affecte communément les volailles.

Il a ajouté : « D’accord, tout le monde dit que c’est la grippe aviaire. Mais combien d’êtres humains en sont morts? Moins de 200, n’est-ce pas? Est-ce que ça mérite tant d’attention ? »

Beaucoup au nord partagent son point de vue, notamment les éleveurs de volailles, selon M. Awalu.

« On vit avec la grippe, et on en rit », a-t-il déclaré.

« Pour beaucoup, c’est juste une maladie de blanc. Vous avez peur, mais pas nous. Lorsqu’il est question de santé, vous autres devriez vous inquiéter du paludisme, de la typhoïde, de la tuberculose et des autres maladies qui ravagent l’Afrique ».


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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