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Les mouvements de population accentuent l’ampleur de l’épidémie de sida

Il y a seulement trois centres de dépistage du VIH/SIDA et deux projets pilotes de distribution de médicaments anti-rétroviraux dans toute la Guinée, pour près de cinq cents personnes vivant avec le virus. Les travailleurs humanitaires, comme le personnel médical, affirment que la maladie se propage sans contrôle dans le sud-est du pays, où un afflux massif de réfugiés et des mouvements incessants de population compliquent la situation. « En Guinée, nous sommes au début de la lutte contre le virus, » dit à IRIN le docteur Aissatou Dieng, qui travaille avec l’agence de coopération technique allemande GTZ entre Conakry, la capitale, et Mamou, à 270 km plus à l’est. Le centre de dépistage et de prise en charge de Mamou, ouvert en 2002 par la GTZ pour traiter une cinquantaine de personnes, est « submergé par les demandes. » « Les gens viennent de Conakry pour se faire traiter,» dit Dieng. Elle craint néanmoins que le projet ne prenne fin faute de financements, d’autant que le projet de distribution de médicaments anti-rétroviraux pour 286 personnes, financé par les agences des Nations unies et le Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, n’est toujours pas lancé. De son côté, Médecins sans frontières-Belgique (MSF-B), présent à Guékédou et à Conakry, espère pouvoir prendre en charge 300 personnes dans les prochains mois, selon l’un des responsables de l’organisation non-gouvernementale (ONG) basée dans la capitale guinéenne. L’hôpital de Guékédou abrite également l’un des rares centres de dépistage de ce pays de 8,5 millions d’habitants, ouvert par MSF-B en septembre 2003. C’est le seul que compte la Région forestière, une zone à risque selon les autorités guinéennes. Selon la première enquête nationale de séroprévalence conduite en 2002 par les autorités guinéennes à partir d’un échantillon de 8 900 personnes, 2,8 pour cent de la population est infectée par le virus du VIH ; ce taux grimpe à sept pour cent dans les grandes villes de Guinée forestière. Mais à en croire des sources hospitalières et gouvernementales, il pourrait en réalité être deux fois plus élevé, compte tenu de l’absence de structures de dépistage et de prise en charge, et de la faiblesse des campagnes de prévention auprès d’une population jeune et mobile. « Parce que peu de choses ont été faites dans la région, on pense que le taux de prévalence pourrait être deux fois plus élevé ici que partout ailleurs dans le pays, » a dit le docteur Amidou Haidara Cherif, le directeur de l’hôpital de Kissidougou, une ville située à égale distance de la Sierra Leone et du Liberia. Les patients ne connaissent pas leur statut Selon Haidara, 126 personnes séropositives venant des villages alentours ont été admises à l’hôpital depuis 2002. Aucune d’entre elles n’a été informée de son statut lors de son séjour. Le personnel hospitalier se dit incapable de le leur annoncer. « Nous n’avons aucun traitement à leur offrir, » a expliqué le docteur Haidara. « C’est difficile de dire à quelqu’un qu’il est positif sans offrir d’assistance ou de mesures d’accompagnement. » « Les gens deviennent agressifs et violents et peuvent même se suicider… C’est mieux de ne rien dire, » a t-il affirmé. Haidara et son personnel n’ont pas les moyens de s’assurer du statut sérologique de leurs patients. Ils établissent simplement leur diagnostic à partir de la grille de lecture des symptômes mise en place par l’Organisation mondiale de la santé. « C’est un bon moyen de connaître le statut de nos malades. Mais nous ne pouvons pas vérifier, juste observer leur état général, » a expliqué Haidara. Les docteurs de l’hôpital de Kissidougou savent parfaitement que ces personnes qui vivent avec le VIH/SIDA risquent d’en contaminer d’autres, une fois de retour dans leurs communautés. Mais ils ont expliqué à IRIN que, quand bien même ils voudraient les prévenir, ils n’en auraient pas le droit. La législation guinéenne interdit en effet qu’une personne apprenne son statut sérologique sans recevoir d’assistance et de conseil avant et après le dépistage. Mais à Kissidougou comme dans les autres villes de Guinée forestière, le personnel qualifié pour fournir ce type de service est rare. « Nous sommes déchirés entre sauver des vies – ce qui veut dire qu’on leur dit – et respecter les règles – ce qui veut dire qu’on doit se taire, » a expliqué Camara Sanoussy, un pédiatre de l’hôpital de Kissidougou. Selon lui, environ trois pour cent des enfants qu’il traite sont séropositifs. A Nzérékoré, capitale régionale et important centre commercial de la région, la situation est encore plus grave. Une équipe de chercheurs américains, de passage en ville pour étudier certaines maladies tropicales, a dit à IRIN qu’environ un tiers des patients en phase terminale à l’hôpital étaient atteints par le VIH/SIDA. « La situation est dramatique, mais on ne fait rien pour les aider à supporter leur situation ou pour éviter qu’ils infectent leur entourage, » a commenté l’un des scientifiques, sous couvert d’anonymat. Les réfugiés sont les bouc-émissaires Les habitants de cette ville autrefois prospère du sud-est du pays savent ce qu’est le VIH/SIDA et comment s’en protéger, mais ils sont prompts à accuser les réfugiés de propager l’épidémie. « C’est la faute des réfugiés, le sida est venu avec eux, » s’est exclamé George, qui travaille comme serveur dans un petit restaurant de Nzérékoré. « Le sida c’est leur affaire, pas la mienne !» a t-il conclu, avant de tourner les talons, la mine boudeuse.
Les femmes libériennes n'ont souvent pas d'autre choix que de se prostituer en ville
Les représentants du gouvernement ont dit à IRIN que 20 000 réfugiés libériens vivaient en ville. La plupart tient des petits commerces et vend qui des noix de cola, qui des cigarettes. Certains servent le petit-déjeuner au bord de la route : pain et café sucré. Ils soulignent que la pauvreté a contraint beaucoup de femmes et de jeunes filles à recourir à la prostitution, unique moyen d’améliorer leurs revenus dans une région où les emplois sont rares et les chômeurs nombreux. En outre, les viols et les violences contre les femmes sont courantes dans les camps. Selon des employés des agences des Nations unies, sept pour cent des femmes vivant dans les camps de réfugiés auraient été violées l’année dernière. « Vous savez, il y a beaucoup plus de libertinage chez les populations du Liberia, ils sont plus libres et plus américanisés que nous. Il y a beaucoup plus de prostitution maintenant que dans le passé, » a constaté le préfet de Nzérékoré, le Commandant Algassimou Barry. Depuis 1990, la Guinée a accueilli des vagues de réfugiés et d’anciens migrants qui ont fui les guerres civiles qui ont ravagé la Sierra Leone, le Liberia et la Côte d’Ivoire. Selon le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), quelques 130 000 réfugiés, en majorité des Libériens, vivent toujours en Guinée, la plupart en Région forestière. Cette région isolée, très éloignée de la capitale Conakry, abrite aussi plus de 100 000 migrants, partis tenter leur chance en Côte d’Ivoire avant que la guerre n’éclate en septembre 2002. Depuis, le pays est toujours coupé en deux et le sud, controlé par le gouvernement, est devenu hostile aux étrangers. Tous ont quitté des pays où l’épidémie de VIH/SIDA fait des ravages. « Avant, le taux de prévalence parmi la population guinéenne était très bas, » dit le préfet. « Mais vous pouvez imaginer l’impact qu’a pu avoir l’arrivée de tous ces gens qui ont tout perdu en Côte d’Ivoire et au Liberia. » Officiellement, le taux de séroprévalence en Côte d’Ivoire est de 9,5 pour cent -- le plus élevé d’Afrique de l’Ouest. Mais selon les associations ivoiriennes de lutte contre le sida, au moins 12 pour cent de la population serait infectée par le virus. Peu de données fiables existent pour le Liberia, mais après 14 ans de guerre civile les agences des Nations unies admettent que le taux doit avoisiner neuf pour cent. Quant à la Sierra Leone, qui a enduré une dizaine d’années de conflit barbare dans les années 90, elle affiche un taux de séroprévalence de l’ordre de sept pour cent. Jusqu’à présent, les efforts pour contrôler la propagation de la pandémie en région forestière se sont focalisés sur la population des camps de réfugiés. Les travailleurs humanitaires y mènent régulièrement des campagnes d’information et de prévention, distribuant préservatifs et conseils. Chaque camp a en outre son propre service de santé, qui soigne gratuitement les maladies sexuellement transmissibles et oriente les patients vers les centres spécialisés lorsque cela s’avère nécessaire. Les populations locales ont besoin d’attention Les organismes d’aide n’ont commencé à s’intéresser aux populations locales que depuis peu. L’ONG Comité américain pour les réfugiés (ou ARC en anglais) a lancé fin 2002 un programme de prévention visant les populations de Nzérékoré. Il a été suivi cette année par l’organisation américaine Family Health International, qui prévoit d’ouvrir très prochainement deux centres de dépistage en ville et de lancer une vaste campagne de prévention pour les habitants de la région. « La Guinée est vraiment en retard, loin derrière sur la question du dépistage, » a dit Mark Poubelle, le coordinateur du programme VIH/SIDA d’ARC à Nzérékoré.
« Il y a un grand besoin d’assistance chez les Guinéens, notamment parmi la population qui a été touchée par les conflits,» ajoute t-il. Poubelle reconnaît que, jusqu’à présent, peu de soutien a été apporté aux populations locales, alors qu’elles vivent en relation étroite avec les réfugiés. Bob, un jeune adolescent libérien du camp de Lainé, casquette vissée à l’envers sur son crâne rasé, est ravi de raconter ses aventures sexuelles avec les jeunes filles du village. « Bien sûr que les réfugiés ont des relations sexuelles avec les villageois,» dit-il. « Ici c’est souvent, on commence très tôt, » ajoute t-il en bombant le torse. « Qu’est ce qu’il y a de mal à ça ?» Du haut de ses 14 ans, son ami Eric opine. Sa première expérience sexuelle date remonte à deux ans, avec les prostituées. « Il y a beaucoup d’endroits pour ça ici. C’est facile et ça coute seulement 2 000 Francs guinéens (80 cents). » Eric avoue ne pas avoir utilisé de préservatif lors de cette première relation sexuelle. Mais la prochaine fois, c’est promis, il « fera attention ». « On nous a dit que si on faisait attention, on pourrait vivre suffisamment longtemps pour voir le Liberia en paix. C’est une bonne motivation ! » a t-il expliqué. Les pairs se lancent dans des campagnes de prévention ARC a formé quelques 45 pairs éducateurs qui travaillent dans trois camps de réfugiés et dans la ville de Nzérékoré, répétant à l’envi comment se transmet le virus du VIH/SIDA et comment l’éviter. Des spectacles chantants sont organisés le soir dans les camps, on y distribue casquettes, tee-shirts et préservatifs. Le programme est particulièrement destiné aux jeunes entre 14 et 25 ans. Sylvester Sengita, le responsable de l’équipe de pairs éducateurs dans le camp de Lainé, affirme que les femmes et les enfants sont les plus vulnérables face au virus. « Les filles et les femmes sortent pour trouver… quelque chose, parce qu’elles veulent manger de la nourriture africaine, pas du boulgour (la céréale distribuée par le Programme alimentaire mondial) ; elles veulent des habits, du savon. Elles ont besoin d’argent alors elles vont se vendre, » raconte Sengita, lui-même réfugié à Lainé. Il explique que, dans les camps, les mœurs se dégradent, les structures familiales se désintègrent. « Les structures communautaires qui permettaient de contrôler les allées et venues des membres du groupe n’existent plus. » « Il est courant que les hommes aient deux ou trois femmes. Et les grossesses précoces sont très fréquentes, » ajoute t-il. Mais il est persuadé que les campagnes de prévention d’ARC ont un impact sur la population réfugiée des camps. « C’est très difficile de faire changer les comportements, mais ça commence ici, » dit-il. « Personne ne sort du camp sans son préservatif. » Il est néanmoins sceptique quant à son usage -- tout comme les communautés villageoises environnantes, peu habituées à ce moyen de prévention. « C’est vraiment difficile de limiter la propagation de la maladie si les populations hôtes ne sont pas au même niveau d’information que les réfugiés, » commente l’un des membres de l’équipe de Sengita. « Nous avons vraiment besoin de nous préoccuper de ces communautés ou nous pouvons arrêter notre travail tout de suite : imaginez qu’une fille du camp aille passer le week-end à Nzérékoré. Si un homme lui offre 25 000 Francs guinéens (10 dollars) par nuit sans préservatif, elle acceptera et nous aurons travaillé pour rien. »

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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