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Limiter les débordements lors des distributions alimentaires

Canadian army holds back a rowdy crowd at the stadium in Jacmel Phuong Tran/IRIN
Depuis que les distributions alimentaires se sont répandues dans Port-au-Prince, les habitants, affamés et parfois en colère, forment des files de plusieurs kilomètres, se pressant contre les diverses barrières de contrôle : des cordes, un mur en tôle ondulée, un peloton militaire, ou même un trou dans le sol.

IRIN a rejoint ces différentes files d’attente, à l’intérieur ou à l’extérieur de la ville, pour demander aux gens, de chaque côté des barrières : comment organiser au mieux ces distributions ?

« Je les évite, tout simplement », a dit à IRIN Kellely Casimir, 23 ans, enceinte et mère de trois enfants à Port-au-Prince. « Je dois me battre pour avoir de la nourriture… Les parents avec enfants sont ceux qui ne reçoivent pas de nourriture. Les gens sans enfants reçoivent de la nourriture parce qu’ils ont l’énergie de se battre pour ça ». Elle a dit qu’elle évitait les files des distributions alimentaires depuis qu’elle avait reçu un coup dans l’oreille alors qu’elle faisait la queue.

Depuis, Mme Casimir s’est installée dans un ancien amphithéâtre dans le quartier de Delma, où quelque 10 000 personnes ont construits des cabanes en tôle et en tissu. Après le séisme, l’Armée du Salut a dépensé 20 000 dollars pour construire un mur en tôle ondulée, afin de créer un passage pour les distributions alimentaires destinées aux 3 200 familles enregistrées.

« Nous savons que nous devons créer de l’ordre et [ménager] un espace entre la nourriture et la foule pour éviter que les gens ne se précipitent sur la nourriture. Il doit y avoir une zone tampon », a dit John Berglund, qui travaille, dans les situations de catastrophe, pour cette association humanitaire évangélique.

Il a montré du doigt un gros trou dans le sol juste devant la table où les coupons étaient tamponnés. « C’est un avantage, car cela évite les mouvements brusques ».

Le 1er février, l’Armée du Salut a abrégé une distribution lors de laquelle 552 000 paquets de riz, répartis en 90 000 rations, devaient être donnés, car elle se serait terminée trop tard dans la journée. « Plus la distribution est longue, plus la file est longue, plus elle est indisciplinée », a dit Damaris Frick, responsable des distributions alimentaires.

Une heure après le début de la distribution, deux femmes munies de coupons alimentaires bleus se sont mises à crier en créole. « Cette nourriture est horrible pour nous », a dit une femme. Une autre a déchiré un sac de riz qu’elle avait trouvé et craché sur le contenu éparpillé par terre. « Nous n’avons pas besoin de ces minuscules sacs de riz qui ne peuvent pas nous rassasier. Nous avons besoin de savon et d’huile de cuisson ».

« C’est ce que nous avons maintenant, ce que nous avons pu faire entrer rapidement dans le pays », a expliqué Cedric Hills, chef de l’équipe de l’Armée du Salut en Haïti. « C’est impossible de s’adapter aux goûts de tant de personnes ».

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Les femmes d’abord

Le 1er février, le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies a commencé à distribuer des sacs de 25 kilogrammes de riz – destinés à nourrir une famille de six pendant deux semaines – à travers la ville, en essayant de toucher deux millions de personnes en deux semaines.

Les habitants reçoivent les coupons de riz 24 heures à l’avance ; pour la distribution, les ONG (organisations non gouvernementales) et les groupes communautaires ciblent les femmes.

Marcus Prior, porte-parole du PAM, a dit à IRIN que l’agence visait les femmes pour atteindre les plus vulnérables et réduire le chaos pendant les distributions alimentaires.

Mais Mme Frick, de l’Armée du Salut, a suggéré que cela pouvait en réalité rendre les femmes encore plus vulnérables. Auparavant, lors des distributions alimentaires, son organisation donnait la priorité aux femmes dans les files d’attente, mais certains hommes ont accusé l’association de discrimination.

« Les femmes rentrent chez elles avec ces sacs de riz qu’elles peuvent à peine porter, et les hommes les voient. Elles doivent vivre dans ces communautés et être la cible de la colère », a dit Mme Frick.

Elle a dit qu’autant de femmes que d’hommes avaient semé le désordre pendant les distributions, et a souligné que de nombreux foyers ne comptaient plus aucune femme, et seraient donc exclus des distributions se concentrant sur les femmes.

M. Prior a dit que le PAM comptait sur les ONG et les leaders communautaires pour adapter les règles à ces familles comme il se devait.

Chasse aux distributions

Les largages par voie aérienne sont injustes, a dit Marlene Disiré, agricultrice à Léogane, une ville située à 60 kilomètres de la capitale, qui a été largement détruite par le séisme.
La semaine dernière, « un hélicoptère militaire a largué des caisses de saumon en boîte, mais le temps que j’arrive sur place, tout avait été pris », a-t-elle dit à IRIN.

La compétition, les rumeurs et la spéculation sur les distributions alimentaires rendent la chasse aux largages très chaotique, d’après des responsables d’une coopérative alimentaire de 1 200 membres à Léogane. « Les plus jeunes et les plus rapides arrivent en premier », a dit Mme Disiré.

People in line for food distribution in Jacmel, Haiti
Photo: Phuong Tran/IRIN
A Jacmel, des habitants font la queue pour recevoir de la nourriture
Un autre porte-parole du PAM, David Orr, a dit à IRIN que l’agence déconseillait de larguer de la nourriture directement à la population, car cela pouvait provoquer des troubles.

« Ces largages peuvent mettre en danger les personnes vulnérables. Cela fonctionne mieux si les largages visent des travailleurs humanitaires dans des lieux de distributions, qui peuvent ensuite organiser la distribution. Nous essayons constamment d’améliorer la distribution. Avec tellement de gens à atteindre – moins de la moitié des personnes dans le besoin ont reçu de la nourriture – nous avons du chemin à faire ».

Distribuer de la nourriture à des moments et des lieux irréguliers tend à augmenter l’anxiété de la population, d’après le PAM.

« Nous avons rapidement observé que la distribution à des lieux fixes était le seul moyen de procéder dans une ville décimée où la population est dense », a dit M. Prior à IRIN.

Depuis le 31 janvier, l’agence travaille avec les leaders communautaires et huit ONG pour distribuer chaque jour des coupons indiquant aux habitants où ils pourront aller chercher du riz le matin suivant. « Ce qui suscite l’anxiété et l’agitation quand les distributions touchent à leur fin, c’est que les gens ont peur que nous remballions tout et que nous partions pour ne plus jamais revenir ».

L’Armée du Salut donne également des coupons alimentaires, mais n’indique ni où ni quand la prochaine distribution aura lieu. « Nous faisons ça pour éviter les longues files. Par le bouche-à-oreille, les personnes enregistrées dans notre camp arrivent à venir », a dit Mme Frick, responsable de la distribution.

Repas chauds

Au cours d’une distribution de 5 700 plats à base de riz et de haricots à Jacmel, à 80 kilomètres au sud de Port-au-Prince, des soldats de l’armée canadienne sont intervenus pour retenir un groupe d’hommes qui poussaient pour tenter d’entrer dans une section délimitée par des cordes, qui menait elle-même à une deuxième section où se trouvaient les grandes marmites contenant la nourriture fumante.

IRIN a demandé à un homme pourquoi il poussait alors qu’il était dans la file, et celui-ci a répondu : « Je n’ai pas mangé depuis deux jours. Je ne veux pas [repartir sans rien] ».

Un officier de l’armée canadienne observait la foule, fatigué. « Nous essayons tous les jours des nouvelles choses, pour voir ce qui marche ».

Le PAM, qui distribue des repas scolaires à Jacmel depuis 2008, avait déjà un entrepôt contenant 600 tonnes de nourriture. « Nous avons décidé de distribuer des repas chauds plutôt que des rations sèches parce que nous avions peur qu’il y ait des violences et que les femmes et les enfants aient moins accès [aux distributions] », a dit David Baduel, directeur du PAM à Jacmel. Le PAM a distribué 30 grandes marmites à des comités de rue, qui cuisinent et servent un repas par jour.

« Un certain chaos est inévitable », a dit M. Baduel à IRIN. « Il n’y a pas assez de nourriture. Le manque suscite le désordre ».

pt/am/np/il/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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