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De brillantes idées pour améliorer l’aide humanitaire

Children and women queue at a water point, in Jamam refugee camp, Republic of South Sudan. John Ferguson/Oxfam
Des femmes et des enfants font la queue à un point d’eau du camp de réfugiés de Jamam, au Soudan du Sud
Le Sommet mondial sur l’action humanitaire cherche des idées novatrices et audacieuses pour améliorer la réponse internationale aux crises. En voici quelques-unes qui ont retenu notre attention, certaines plus faisables que d’autres : 

Un Conseil humanitaire : Faudrait-il retirer les questions humanitaires du mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui est extrêmement politisé et dont les membres permanents profitent de leur droit de véto, pour les confier à un Conseil humanitaire indépendant ? Deux hauts fonctionnaires des Nations Unies interviewés par IRIN ont déjà rejeté l’idée, arguant que le Conseil de sécurité est moins un obstacle à l’accès et aux interventions humanitaires que les parties aux conflits sur le terrain. Le Conseil économique et social des Nations Unies consacre par ailleurs déjà un débat annuel aux affaires humanitaires. Il existe cependant un précédent dans cette voie : la France et la Suisse ont appelé à une réforme du Conseil de sécurité qui pourrait limiter le droit de véto pour les questions humanitaires.

Un nouveau représentant spécial : En 2000, 41 attaques contre du personnel humanitaire ont été menées dans le monde. L’année dernière, ce total s’élevait à 190 attaques (voir notre carte interactive). Action contre la Faim a récemment proposé que les Nations Unies mandatent spécialement quelqu’un pour sensibiliser les gouvernements à la question de la protection du personnel humanitaire et pour dialoguer avec les autorités, associations et mouvements locaux pour les aider à mieux comprendre les principes qui sous-tendent l’aide humanitaire. Le secrétaire général des Nations Unies dispose déjà d’une longue liste de représentants spéciaux chargés des questions telles que les violences sexuelles commises en période de conflit, le sort des enfants en temps de conflit armé, la sécurité alimentaire et la nutrition, les droits de l’homme, etc.

Mettre fin aux nominations politiques aux Nations Unies : De nombreux postes de haut rang relatifs aux questions humanitaires au sein des Nations Unies sont réservés à des membres permanents du Conseil de sécurité, ce qui est depuis longtemps source de mécontentement dans les autres États. Dans une interview accordée à IRIN, la responsable adjointe aux Affaires humanitaires des Nations unies Kyung-wha Kang s’est prononcée contre ces nominations politiques. Les recommandations issues des consultations préalables au Sommet vont, elles aussi, dans ce sens. 

Une banque mondiale humanitaire : Un groupe de travail des Nations Unies chargé d’étudier le financement des interventions en cas de catastrophe naturelle a envisagé la création d’un équivalent de la Banque mondiale dont la fonction serait d’apporter des sources de financement plus stables pour réagir aux crises. Mais, à en croire les rumeurs, la Banque mondiale n’est pas enchantée par cette idée et certains hauts fonctionnaires humanitaires l’ont rejetée comme étant une solution vouée à l’échec. La Banque mondiale fonctionne par prêts et investissements. « Comment peut-on reconstituer les ressources d’une banque pour l’aide humanitaire qui ne rapporte rien ? » a demandé Hesham Youssef, Sous-Secrétaire général de l’Organisation de la coopération islamique, lors d’une récente consultation en vue du Sommet. « Nous parlons d’un nouveau mécanisme avec plus ou moins les mêmes donateurs. Et nous avons des difficultés avec les financements des donateurs pour les mécanismes financiers existants », a ajouté Ertharin Cousin, directrice exécutive du Programme alimentaire mondial (PAM). 

Calculer les dépenses pour l’aide humanitaire nationale : Les dépenses officielles destinées à l’aide humanitaire sont majoritairement mesurées par les montants donnés aux autres pays par les gouvernements et les citoyens. Mais en réalité, ces chiffres sont modestes comparés aux dépenses nationales des gouvernements pour les besoins humanitaires de leur propre pays, qui sont rarement pris en compte. Selon le secrétaire du Sommet mondial sur l’action humanitaire Jemilah Mahmood, la recommandation d’intégrer les dépenses nationales, le soutien en nature et les autres contributions « semble subtile, mais est néanmoins percutante ». Elle brave en effet le mythe selon lequel les bailleurs de fonds occidentaux seraient les seuls à grever leur budget pour venir en aide aux populations touchées par des crises. Une modification du mode de calcul pourrait entraîner un changement de perception. Actuellement, l’Organisation de coopération et de développement économique, qui calcule le montant officiel de l’aide publique au développement compte les dépenses nationales des gouvernements pour l’accueil des réfugiés, mais seulement pour leur première année de séjour.  

Un nouveau CERF : Le Fonds central d’intervention d’urgence (CERF) est un fonds de contributions volontaires géré par les Nations Unies qui collecte plusieurs centaines de millions de dollars par an auprès de bailleurs de fonds de toutes tailles. Il peut débloquer des financements relativement rapidement, mais uniquement à destination d’agences des Nations Unies. Certains, comme le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, ont suggéré la création d’un super-CERF : un fonds obligatoire auquel devraient contribuer les États membres des Nations Unies (comme ils le font pour les opérations de maintien de la paix). D’autres ont proposé un CERF destiné à la préparation aux catastrophes. Les humanitaires ne cessent de répéter qu’un dollar investi dans la préparation aux catastrophes revient à économiser sept dollars d’intervention postérieure. Pourtant, les États ne financent pas suffisamment les activités de préparation. Pour les responsables politiques, les dépenses consacrées à l’aide humanitaire sont plus faciles à défendre auprès de la population. L’électorat a davantage tendance à approuver de telles dépenses lorsque des images d’enfants faméliques ou d’un tsunami arrachant des maisons passent à la télévision. D’après un fonctionnaire des Nations Unies, un organisme humanitaire qui avait déposé une demande de financement auprès du CERF pour se préparer à une éventuelle épidémie d’Ebola en Côte d’Ivoire s’était vu répondre : « revenez vers nous lorsque vous aurez quelques cas d’Ebola. »

Une redevance internationale en faveur des réfugiés : Les pays voisins de la Syrie se plaignent sans cesse de porter de façon disproportionnée le poids de l’aide aux réfugiés. En Jordanie, par exemple, les réfugiés syriens ont accès à de la nourriture, à une éducation et à des soins de santé subventionnés qui coûtent cher à l’État. L’une des recommandations préalables au Sommet mondial est la création d’un fonds commun qui financerait un ensemble de prestations sociales internationales pour les réfugiés à long terme afin que les coûts des soins de santé de base et d’éducation ainsi que des bourses pour la formation professionnelle et la création d’activité soient pris en charge par une réserve centrale à laquelle contribueraient tous les États, peut-être au prorata de leur PIB. Des partenariats avec des prestataires de services privés et des compagnies d’assurance pourraient par ailleurs réduire ces coûts. 

Un fonds commun pour les ONG locales : Comme l’a signalé IRIN, les ONG locales ne reçoivent qu’une petite et indéterminable fraction des financements directs de l’action humanitaire. Ce sont donc les organisations locales les plus proches du terrain qui ont le moins voix au chapitre concernant la distribution de l’aide. Il a été suggéré, dans le cadre du processus préalable au Sommet et d’autres débats, que 20 pour cent des fonds pour l’action humanitaire devraient automatiquement être attribués aux ONG locales, éventuellement par l’intermédiaire d’un fonds commun. Mais qui gérerait ce fonds ? La rumeur selon laquelle ce serait le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) qui serait désigné à cet effet n’est pas du goût de tout le monde. Certains se demandent si un groupement d’ONG ne serait pas plus adapté (écoutez ici la position de la responsable adjointe d’OCHA à ce sujet). Mais tout transfert de fonds à des ONG locales — qui sont souvent moins expérimentées et à qui l’on fait moins confiance — nécessiterait l’autorisation des bailleurs de fonds, qui sont généralement réticents à prendre des risques. En finançant de plus en plus des ONG locales via son propre fonds commun, OCHA a mis au point de nouvelles normes de contrôle de ces ONG qui semblent acceptées par les bailleurs de fonds. 

Favoriser les transferts de fonds de l’étranger : Les ressortissants des pays en développement qui travaillent à l’étranger envoient chez eux près de 436 milliards de dollars par an au total. Ces transferts constituent une source de capital essentielle et souvent ignorée pour les interventions humanitaires en situation de crise. Comment les organisations humanitaires peuvent-elles aider à protéger l’accès aux transferts de fonds par les populations touchées ? Le PAM, par exemple, a envisagé d’ajouter les transferts de fonds aux coupons qu’il distribue, mais l’idée a rapidement inquiété les juristes, qui craignaient que la législation antiterroriste fasse obstacle à ce système. Dans un communiqué publié à la suite des consultations en vue du Sommet mondial, le Forum humanitaire, réseau visant à renforcer la confiance entre les organismes humanitaires musulmans et leurs homologues occidentaux, a recommandé que les organisations d’aide humanitaire forment des partenariats de travail avec les diasporas afin de profiter de « leurs connaissances, leurs réseaux et leur dévouement » pour améliorer l’action humanitaire.

Partager les risques : La Capacité africaine de gestion des risques (ARC) est une organisation qui permet aux États de partager les risques liés à la sécheresse. Comme un pays a plus de probabilités d’être victime d’une sécheresse qu’un continent entier, faire appel aux assureurs en tant que groupe évite aux pays de devoir payer une cotisation trop élevée. L’ARC estime que cela a permis aux États de dépenser deux fois moins que s’ils avaient recours à un fonds de réserve. En cas de sécheresse grave, l’ARC verse jusqu’à 30 millions de dollars par pays et par saison. Pourquoi ne pas adapter ce modèle à d’autres catastrophes naturelles, comme les inondations, les séismes et les tsunamis ? 

Un statut juridique pour les PDIP : L’année dernière, 60 millions de personnes étaient déplacées de force dans le monde. Un record. Deux tiers d’entre elles étaient déplacés à l’intérieur de leur propre pays et ne bénéficiaient pas de statut juridique ni de protection comme les réfugiés qui avaient traversé des frontières internationales. L’une des recommandations proposées serait d’inciter les États à adopter des lois de protection adaptées pour les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays (PDIP) sur la base des principes directeurs non contraignants des Nations Unies relatifs au déplacement de PDIP. 

Un pacte pour le changement : Le Fonds catholique pour le développement outre-mer (CAFOD) a mis au point un « Pacte pour le changement » dont les ONG internationales signataires s’engageraient sur huit point fondamentaux tels que l’augmentation des financements directs aux ONG du Sud, l’amélioration de la transparence concernant les montants versés aux ONG locales, la compensation des organisations locales si elles engagent leur personnel et l’augmentation de la part de leur budget attribuée de manière directe au renforcement des capacités. Cette charte sera lancée lors de la consultation mondiale préalable au Sommet qui aura lieu en octobre à Genève. Plus de détails ici. 

Tirer parti des religions : Le système humanitaire international hésite traditionnellement à aborder le rôle de la religion dans les interventions humanitaires. Mais les consultations ont souligné le rôle crucial des organisations confessionnelles et des chefs religieux pour atteindre les plus nécessiteux et diffuser les principes du droit humanitaire international. L’une des suggestions proposées serait d’enseigner de manière plus systématique le droit international humanitaire aux étudiants en religion dans différents pays. À la suite de la publication d’articles d’IRIN et de Global Humanitarian Assistance, le Sommet mondial sur l’action humanitaire et le Groupe de haut niveau sur le financement de l’action humanitaire sont en train de mener le premier examen institutionnel sur la manière dont les financements islamiques pourraient combler une partie du déficit de financement de l’aide humanitaire. Le gouvernement turc piloterait actuellement une offre d’éducation d’urgence grâce au waqf (donation en droit islamique) et au sukuk (produit obligataire islamique). 

jd-ha/bp/ag-ld/amz 
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