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SOS Excision participe à la lutte contre l’excision

Imaginez qu’une de vos voisines s’apprête à faire exciser sa fille! Appelez immédiatement 'SOS Excision' pour dénoncer ce délit.

C’est ce qu’attend ce centre d’assistance téléphonique du Burkina Faso, un pays où les autorités combattent depuis une dizaine d’années les mutilations génitales faites aux femmes.

Le Burkina Faso est l’un des 16 Etats africains à avoir interdit l'excision.

La loi adoptée en 1996 stipule que toute personne accusée d'avoir excisé une jeune fille est passible d’une amende de 900 000 CFA (1 800 dollars) et de trois années de prison, cette peine pouvant être portée à dix ans d’emprisonnement en cas de décès de la victime.

Bien qu’il soit difficile de changer certaines pratiques sociales profondément ancrées dans les mentalités de villageois très conservateurs, la campagne contre l’excision au Burkina Faso a néanmoins connu quelques succès.

Les statistiques gouvernementales montrent qu’avant l’adoption de la loi sur les mutilations génitales des femmes, les deux tiers des jeunes filles de ce pays enclavé étaient excisées. Depuis 2005, cette pratique est en net recul au Burkina Faso où le pourcentage de filles excisées s’établit désormais entre 35 et 40 pour cent.

SOS excision a été créée parallèlement à l’adoption de la loi sur les mutilations génitales des femmes pour permettre aux 12 millions de Burkinabés de signaler rapidement et de manière anonyme toute pratique contrevenant à la loi.

A 31 ans, Azeta Ouedraogo est l’une des trois conseillères téléphoniques du centre SOS Excision à Ouagadougou, la capitale burkinabé.

"L’année dernière une jeune fille en pleurs nous a téléphoné pour nous informer que sa jeune sœur allait être excisée. Elle était affolée et nous suppliait d’agir rapidement. Elle-même avait été excisée, mais elle ne voulait pas que sa petite sœur subisse le même sort", a expliqué à IRIN l’opératrice du centre d’appel. "Nous avons fait intervenir la police qui s’est rendue à temps dans la maison pour arrêter l’excision et sauver la petite fille".

Selon le CNLPE (Comité national de lutte contre la pratique de l’excision) qui gère le centre, les excisions ont lieu généralement entre juin et août, pendant les vacances scolaires des jeunes filles.

Le CNLPE reçoit environ 150 appels par an. Les responsables du comité espèrent que Sos Excision sera dans les prochains mois une arme encore plus redoutable contre l’excision, lorsque les appels seront gratuits.

Appeler Sos Excision et payer 75 FCFA (15 cents) la minute de communication pour signaler qu’une jeune fille se fait exciser pourrait sembler dérisoire au regard de l’acte qu’on dénonce. Mais au Burkina Faso, le troisième pays le plus pauvre au monde selon les indicateurs de développement humain de l’ONU, un tel appel revient cher.

Une fois l’appel enregistré, la police est aussitôt dépêchée sur les lieux. Si elle arrive à temps pour éviter l’excision, la police informe les parents et les exciseuses des risques de l’ablation du clitoris chez les jeunes filles, notamment les risques d'hémorragie pouvant entraîner la mort, un retard de croissance et plus tard, des complications pendant l’accouchement.

Des contrevenants poursuivis devant les tribunaux

Mais si l’excision a déjà eu lieu, les auteurs de ce délit sont traduits devant la justice. Selon Antoine Sanou du CNLPE, 88 procès pour mutilations génitales ont déjà été instruits par les tribunaux burkinabés depuis l’adoption de la loi contre la pratique de l’excision. En moyenne cinq personnes sont mises en cause dans chaque procès et plus de 400 coupables ont été condamnés.

Mais la loi ne suffit pas à dissuader tout le monde. Prenez l’exemple d’Adama Barry. Cette grand-mère qui indique avoir 55 ans, mais qui en paraît plus, a été arrêtée et condamnée cinq fois en l’espace de sept ans pour avoir pratiqué des excisions.

Elle purge actuellement une peine de trois ans de prison après son arrestation en août 2004. Le centre Sos Excision avait reçu un appel anonyme indiquant aux autorités qu’Adama faisait partie d’un groupe de femmes coupable d’avoir excisé 16 jeunes filles âgées de deux à sept ans.

"Des parents m’ont demandé d’exciser leurs filles. J’ai refusé de le faire et je leur ai expliqué que cette pratique était interdite par la loi. Mais ils m’ont relancé et ont insisté. J’ai finalement accepté de le faire, mais j’ai aussitôt été arrêtée", a-t-elle confié à IRIN depuis la maison d’arrêt de Maco à Ouagadougou. "Je n’ai pas résisté à la tentation".

Sur les 15 pensionnaires de la section des femmes, dans la prison de Maco, quatre ont été condamnées pour mutilation sexuelle. Selon les gardiennes de prison, la population carcérale féminine est généralement multipliée par deux pendant la période des excisions.

Même si la pratique de l’excision est encore assez répandue, les responsables du CNLPE avouent être ravis de voir que cet acte est désormais considéré comme un délit.

Les campagnes d’information et les programmes de sensibilisation menés au niveau national, régional et individuel ont eu l’impact escompté, puisque l’excision n’est plus considérée comme un sujet tabou.

[Burkina Faso] Burkina Faso is one of 16 African countries to have outlawed female genital mutilation but experts say it is crucial the education campaigns continue.
Pour les experts, il est important de poursuivre les campagnes d'éducation et de sensibilisation
Une activiste de la lutte contre les mutilations génitales des femmes se souvient que lors d’une visite dans une école de la banlieue de Ouagadougou toutes les jeunes écolières connaissaient par cœur le numéro d’appel de SOS Excision.

En ville, certains chauffeurs de taxi n’hésitent pas à expliquer pourquoi ils sont convaincus de la justesse du combat contre l’excision. "A cause d’une excision mal faite, ma femme a eu des complications au moment de l’accouchement", a indiqué Armand Tiundrebego, 32 ans. "Je n’ai jamais été contre cette pratique, mais depuis cet événement, ma vision des choses a changé".

Comme de nombreux Burkinabés de son âge, Tiundrebego a grandi en pensant que l’excision était un rite marquant le passage de l’enfance à celui de femme, et une manière d’éviter que les jeunes filles "ne courent après les jeunes garçons".

"Je dirai à mon fils que les femmes ne doivent pas être excisées. Cette époque est révolue", a-t-il ajouté.

Un projet à long terme

Malgré les campagnes de sensibilisation et la stricte application de la loi, les activistes ont encore quelques préoccupations.

Jacqueline Magmini d’Amnesty International fait remarquer que la grande sensibilisation du public peut produire des effets inverses et amener les gens à pratiquer les excisions dans la clandestinité.

"Auparavant, c’est au cours de cérémonies qu’on fixait la date de l’excision. Aujourd’hui, les gens se cachent et excisent les filles la nuit", explique-t-elle. "Ne soyons pas trop optimistes, car c’est un projet à long terme ".

Le CNLPE admet toutefois que, pour masquer les cérémonies d’excision, les gens utilisent les baptêmes musulmans où il n’y a rien d’étrange à entendre un enfant pleurer.

L’étude menée conjointement par le Comité national et l’OMS (Organisation mondiale pour la santé) en 2004 révèle que 70 pour cent des excisions sont pratiquées sur des filles de moins de sept ans, parce qu’il est plus difficile pour les autorités de les détecter.

Map of Burkina Faso
Dans certaines régions du Burkina Faso, le nombre de mutilations génitales est supérieur à celui de la moyenne nationale. "Nous ne devons pas être complaisants, car il existe encore des poches de résistance", a indiqué Hortense Palm, directrice du CNLPE, en désignant notamment les régions frontalières avec le Mali.

"Il y a souvent des familles qui vivent de part et d’autre de la frontière et le Mali n’est pas le territoire sur lequel nous menons notre combat contre l’excision", a-t-elle expliqué.

Bien qu’il y ait encore certains obstacles à franchir, les autorités burkinabés restent optimistes. "Nous avons été surpris par les progrès accomplis au cours de ces dernières années. Il faut reconnaître que l’excision est encore une pratique répandue", indique Mariam Lamizana, le ministre de l’Action sociale.

"Il faut du temps pour changer les comportements. Nous devons en finir avec cette mentalité et ferons preuve d’une extrême fermeté. Nous comptons éradiquer ce phénomène d’ici 2010".

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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