1. Accueil
  2. Africa

Une clinique spécialisée dans le VIH/SIDA donne de l’espoir aux habitants des quartiers défavorisés d’Abidjan

Pour Lotti Latrous, la coupe n’est jamais à moitié vide, mais toujours à moitié pleine. Cette ressortissante suisse, fondatrice d’une clinique spécialisée dans le VIH/SIDA dans une banlieue défavorisée d’Abidjan, est une infatigable optimiste. «Sur les 640 personnes hospitalisées ces deux dernières années, près de la moitié est morte,» soupire Latrous, feuilletant un grand registre. Elle détourne le regard, sourit et ajoute : «Ce qu’il y a de réconfortant, c’est que les autres sont rentrés chez eux». A Abidjan, le grand centre économique de la Côte d’Ivoire, il y a très peu de centres médicaux aussi efficaces que le «Centre de l’Espoir». Cet établissement est construit au cœur d’un des quartiers les plus défavorisés d’Abidjan -- Adjouffou, une banlieue sablonneuse près de l’aéroport de la ville. Les personnes qui sont soignées au centre viennent de tous les quartiers d’Abidjan. Bien souvent, elles y arrivent après avoir dépensé tout leur argent auprès de médecins rétiscents à leur apprendre la cause réelle des maux dont ils souffrent. Latrous était femme au foyer et mère de trois enfants lorsqu’elle a fait la connaissance d’un médecin ivoirien qui lui a proposé de l’aider alors qu’il consultait gratuitement à Adjouffou. A Abidjan, à l’époque, aucun centre médical ne proposait des soins de santé de base à un prix abordable. Latrous n’a pas tardé à exploiter son réseau de relations au sein de la communauté expatriée pour collecter des fonds et mettre sur pied une petit centre médical. En 1999, elle ouvre d’abord un dispensaire avant d’inaugurer, trois ans et demi plus tard, un deuxième local qui reçoit essentiellement des adultes atteints du sida et en phase terminale. La cinquantaine aujourd’hui, Latrous gère non seulement le centre médical mais elle y vit, dans un étroite pièce, près de ses patients. Les photos de ses enfants, qui vivent avec leur père en Egypte, ornent le mur près de son lit. Le dispensaire se compose de plusieurs conteneurs couverts abritant un laboratoire, un bureau, deux salles de soins ambulatoires et une pharmacie. Le centre médical consacré aux soins des personnes qui vivent avec le sida est situé dans un autre petit bâtiment en briques. Il donne sur une grande cour ouverte où quelques patients assis devisent autour d’une table ; d’autres sommeillent confortablement sur des canapés. Le coût d’un préservatif est le même que celui d’un repas quotidien Latrous pense que le taux de prévalence du VIH dans ce quartier défavorisé est bien plus élevé que la moyenne nationale, de l’ordre de 9,5 pour cent. La Côte d’Ivoire est le pays le plus affecté par l’épidémie de VIH en Afrique de l’ouest, une situation qui ne cesse de s’aggraver depuis le déclenchement, en septembre 2002, d’une guerre civile meurtrière qui a déchiré le pays en deux. Aucune donnée n’est disponible sur les zones nord et ouest tenues par la rébellion, mais les agences des Nations unies estiment que l’infection pourrait atteindre 20 pour cent de la population sexuellement active. Bien que la Côte d’Ivoire soit restée un pays prospère pour la région, un grand nombre de ses habitants vit en-dessous du seuil de pauvreté. Plus d’un million de personnes, fuyant les zones sous contrôle rebelle, a trouvé refuge dans le sud du pays, et notamment à Abidjan, dans des familles d’accueil ou dans la rue. «Beaucoup de personnes ne peuvent se payer qu’un repas par jour, ce qui leur revient presque aussi cher qu’un préservatif», a indiqué Latrous. «Dans le dispensaire, nous avons commencé à recevoir de nombreuses personnes présentant les symptômes apparents du sida -- diarrhée, tuberculose et perte de poids. J’ai donc décidé de leur proposer des tests sanguins gratuits et ce que j’ai découvert m’a bouleversé : parmi les personnes nées entre 1960 et 1975, sept sur 10 étaient séropositives.» Le dispensaire offre des soins de santé de base moyennant une contribution de 300 francs CFA (55 cents US) seulement par visite. En cinq ans, plus de 100 000 personnes sont venues en consultation. L’excellente réputation de son centre, Latrous la doit à son opiniâtreté, sa manière franche de parler du VIH/SIDA et l’attitude compatissante et presque maternelle qu’elle adopte vis-à-vis des personnes souffrant du virus. Pour elle, hormis la pauvreté, le principal problème en Côte d’Ivoire est celui du dépistage. «Les hôpitaux publics ne proposent pas spontanément aux patients de les tester, même s’ils présentent tous les symptômes. Les médecins ont peur de leur dire la vérité… et ils gagnent ainsi plus d’argent. » «Un jour, un garçon s’est présenté avec une lettre d’un hôpital public dans laquelle il était écrit : ‘Veuillez informer ce jeune homme qu’il est atteint du sida’. Mais cela ne m’étonne plus». Latrous a indiqué que la plupart des Ivoiriens ne savent pas que les traitements antirétroviraux (ARV), proposés aujourd’hui au prix de 5 000 CFA (9 dollars US) par trimestre grâce aux subventions du gouvernement, peuvent considérablement prolonger et améliorer leur vie. Annoncer la séropositivité aux malades, malgré la discrimination Mais comment Latrous annonce t-elle la nouvelle aux malades ? «Le jour où ils apprennent leur séropositivité est peut être la meilleure chose qui peut leur arriver. C’est ce que je leur dis, car on ne peut combattre une maladie qu’on ne connaît pas. C’est un peu comme un fantôme, une chose invisible. On ne peut commencer à la combattre qu’à partir du moment où on sait ce qu’elle représente. Bon nombre de ces pauvres gens ont dépensé une fortune dans les soins médicaux. Aujourd’hui, nous leur offrons la possibilité d’améliorer leur état de santé.» Le Centre de l’Espoir fonctionne entièrement sur les dons qu’il reçoit. Les infirmières et les médecins sont Ivoiriens tandis que deux femmes expatriées y travaillent bénévolement. Plusieurs membres du personnel sont séropositifs, notamment le gardien, l’homme de ménage et les cuisinières. Dans l’enceinte du centre, les membres du personnel parlent plus ou moins librement du VIH/SIDA, alors que, dans le voisinage immédiat, le sujet est encore tabou malgré la célébrité de Latrous. «J’ai eu toutes les peines du monde à trouver un éboueur parce que personne ne veut toucher aux ordures», raconte Latrous. «En revanche, nous pouvons faire sécher nos draps n’importe où, car personne ne risque de les voler — même pas ici». La plupart des patients du Centre de l’Espoir sont des femmes. Latrous est très critique vis-à-vis des hommes -- elle pense qu’ils n’ont aucun sens des responsabilités. «Les femmes africaines pensent d’abord à leurs enfants et c’est pour cette raison qu’elles se soumettent au test de dépistage, elles ne veulent pas que leurs enfants deviennent orphelins. Mais les hommes, eux, ont toujours peur. Ils ont tous des maîtresses et ne veulent pas connaître la vérité. Ils préfèrent partager leur maladie avec leur femme.» Grâce au Centre de l’Espoir, de nombreuses femmes ivoiriennes admettent ouvertement qu’elles vivent avec le virus du VIH/SIDA. En début d’année, Awa a été admise au centre désespérée, abasourdie parce qui lui arrivait et très amaigrie. Aujourd’hui, c’est une jeune femme en bonne santé, avec des yeux pétillants de bonheur. Elle dit devoir la vie à Lotti Latrous. «Madame Lotti m’a dit que j’étais séropositive, mais que cela ne voulait pas dire que j’allais mourir. J’ai pris des ARV et aujourd’hui je me sens bien. Tout va très bien pour moi et c’est ce que j’essaie de dire aux autres personnes : il est possible de vivre avec le virus du VIH/SIDA.» Awa partage un petit appartement avec sa mère et son fils de six ans. «Bien sûr, je prends mes précautions. J’ai ma brosse à dent et ma lame de rasoir et je veille à ce que personne d’autre ne les utilise. Vous voyez, dans ce quartier les gens partagent des choses aussi personnelles qu'une brosse à dent.»

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join