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Guinée-Bissau -une plaque tournante du trafic de drogue

Cocaine wraps. For generic use Dulue Mbachu/ISN
Selon les analystes et les observateurs, le trafic de drogue en Guinée-Bissau nuit à la stabilité du pays en perturbant l’économie et en exacerbant les luttes de pouvoir entre les leaders politiques et militaires.

« Le trafic de drogue alimente l’instabilité et affecte du même coup tous les citoyens. Il donne en outre au pays une image déplorable, ce qui tend à décourager les bailleurs de fonds. Dans un pays où l’accès au crédit est difficile, certains observateurs croient que l’argent de la drogue a été utilisé pour financer le commerce de la noix de cajou, la principale exportation du pays et une source de revenus importante pour la population rurale », a dit à IRIN Vincent Foucher, chercheur à l’International Crisis Group (ICG).

Il a ajouté que l’argent de la drogue serait également à financer les équipes chargées de la sécurité des hauts responsables politiques et militaires – un élément important dans les luttes de pouvoir et les conflits politiques persistants.

« Mais en ce qui concerne les drogues, les forces de sécurité ont un avantage comparatif [par rapport aux politiques] », a dit M. Foucher.

À son arrivée en Europe, la valeur de vente en gros de la cocaïne qui transite par l’Afrique de l’Ouest – et notamment par la Guinée-Bissau, l’un des principaux points de transit – est supérieure au budget de sécurité nationale de nombreux États d’Afrique de l’Ouest, indique l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC) dans un rapport publié récemment. Le budget militaire de nombre de ces pays est en effet inférieur au prix de vente en gros d’une tonne de cocaïne en Europe.

« Il est évident que la corruption liée à la cocaïne a été très préjudiciable pour la gouvernance dans des pays tels que la Guinée-Bissau », indique le rapport. Les saisies de cocaïne en Afrique de l’Ouest ont culminé à 47 tonnes en 2007. Elles ont diminué depuis pour atteindre environ 18 tonnes.

Les changements survenus sur le marché mondial de la cocaïne au cours des dix dernières années ont poussé les trafiquants à passer par l’Afrique de l’Ouest pour acheminer la cocaïne à destination de l’Europe. Les prix ont en effet chuté aux États-Unis en raison de l’effondrement de la demande américaine, alors que la demande européenne a pratiquement doublé, a indiqué l’UNODC.

Arrestations

Le 2 avril, les forces américaines ont arrêté l’ancien chef de la marine de la Guinée-Bissau, José Americo Bubo Na Tchuto, ainsi que quatre de ses compatriotes dans les eaux internationales de l’Atlantique. L’arrestation était le point culminant d’une longue opération d’infiltration.

L’ex-chef de la marine est accusé d’avoir conspiré pour importer de la cocaïne en Guinée-Bissau depuis l’Amérique du Sud. « M. Na Tchuto a remarqué que le gouvernement de la Guinée-Bissau avait été affaibli par le récent coup d’État. Il s’est dit que le moment était bien choisi pour aller de l’avant avec son projet de transaction de cocaïne », a indiqué la Drug Enforcement Administration (DEA), l’agence américaine antidrogue.

Le chef d’état-major des armées de Guinée-Bissau, Antonio Indjai, a également été inculpé par contumace par un tribunal américain pour avoir conspiré en vue de vendre des armes aux rebelles des FARC, en Colombie, afin de leur permettre de protéger leurs laboratoires de transformation de cocaïne contre les forces militaires américaines, ainsi qu’en vue de stocker de la cocaïne appartenant aux FARC en Afrique de l’Ouest.

M. Indjai fait actuellement l’objet d’une interdiction de voyage imposée par les Nations Unies pour son rôle présumé dans le coup d’État d’avril 2012 en Guinée-Bissau.

« Antonio Indjai a conspiré pour utiliser son pouvoir et son autorité afin de servir d’intermédiaire et d’utiliser son pays comme zone de transit afin de permettre à des gens qu’il croyait être des terroristes et des narcotrafiquants de stocker des narcotiques pour éventuellement les acheminer vers les États-Unis », a indiqué le procureur américain Preet Bharara dans un communiqué de la DEA publié en avril.

La cocaïne qui transite par l’Afrique de l’Ouest vient de la Colombie, du Pérou et de la Bolivie. Plus de 20 saisies importantes ont été faites dans la région entre 2005 et 200, principalement en mer, mais aussi à bord d’aéronefs privés ou à terre, a indiqué l’UNODC.

Un problème « exagéré » ?

José Ramos-Horta, le représentant spécial des Nations Unies en Guinée-Bissau, a cependant dit que le problème du trafic de drogue en Guinée-Bissau était « exagéré ».

« Le problème est assez sérieux, mais pas au point de parler d’un narco-État. La Guinée-Bissau a la chance de n’avoir pas été totalement prise en otage par le crime organisé. La consommation de drogue est pratiquement inexistante en Guinée-Bissau, et il n’y a pas de laboratoire de transformation. La Guinée-Bissau est essentiellement un lieu de stockage… Il est facile de retracer [les drogues] et de les détruire. »

M. Foucher, de l’ICG, a fait valoir que tant que le salaire officiel des soldats serait de 20 000 francs (40 dollars) par mois, « les trafiquants de drogues trouveront toujours des alliés au sein de l’armée et certains soldats seront prêts à conclure des ententes avec les trafiquants ou avec d’autres criminels ».

Depuis son indépendance du Portugal, il y a près de 30 ans, le pays a connu des troubles intermittents : aucun président n’a réussi à terminer son mandat.

« Ce n’est pas parce que les gens sont pauvres qu’ils se lancent dans le trafic de drogue, mais parce que l’État est absent », a dit Kwesi Aning, de la Commission ouest-africaine des drogues (WACD, en anglais). « Pour réussir à convaincre le peuple qu’il y a une alternative à la vie criminelle, l’État doit être fort et fonctionnel. »

« Cela ne s’applique pas seulement à la Guinée-Bissau, mais aussi à des États qu’on dit fonctionnels comme le Sénégal, le Ghana et le Nigeria », a dit M. Aning à IRIN.

Déclarations d’intention

Les analystes estiment que les efforts mis en oeuvre par les pays d’Afrique de l’Ouest pour combattre le trafic de drogue n’ont pas été bien au-delà des déclarations d’intention.

« Les politiciens de l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest parlent du problème de la drogue, mais ils ne mettent en oeuvre aucune politique pour y remédier. La rhétorique est bonne, mais la réponse est médiocre. Il y a un fort engagement rhétorique », a dit M. Aning.

La coopération entre les États d’Afrique de l’Ouest pour lutter contre le trafic de drogue semble être essentiellement axée sur la formation et le soutien aux opérations mises en oeuvre par les pays occidentaux, a dit M. Foucher.

« Les acteurs occidentaux ont le sentiment que les États africains sont très peu motivés à lutter contre le trafic de drogue, qu’ils considèrent surtout comme un problème pour l’Occident. »

La Guinée-Bissau est l’un des pays les plus pauvres au monde. Près de 70 pour cent de ses 1,6 million d’habitants vivent dans la pauvreté. Le pays dépend principalement de la pêche et des exportations de noix de cajou.

ob/cb- gd/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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