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Craintes d’une résurgence des talibans dans le Nord

Independence day was celebrated in Swat on 14 of August Kamila Hyat/IRIN
La tentative d’assassinat dont a été victime le 9 octobre Malala Yusufzai, une jeune fille de 14 ans qui milite pour l’éducation des filles dans la vallée de Swat, située au nord du Pakistan, rappelle que l’activisme reste une activité très risquée dans le Nord. 

L’opération de grande envergure lancée par l’armée pakistanaise à l’encontre des militants en 2009, dont le succès a été largement reconnu, n’a pas permis de débarrasser le pays des partisans d’une ligne dure. 

« Nous entendons dire qu’une nouvelle opération pourrait être lancée ici contre les talibans, mais il n’y a rien d’officiel pour l’instant », a dit à IRIN un responsable administratif du district de Swat, qui a demandé à garder l’anonymat. « Nous recherchons toujours les militants, et notamment ceux qui ont tiré sur Malala », a indiqué à IRIN Rasool Shah, un officier de police du district de Swat.

Basé dans le district de Swat, le colonel Arif Mehmood, porte-parole de l’armée, a indiqué aux médias qu’une « opération de recherche » avait été lancée il y a cinq jours pour retrouver les « militants suspectés ».

Les militants ont notamment pris pour cible les défenseurs des droits des femmes, comme Fareeda Afridi, qui a été abattue à Peshawar alors qu’elle se rendait dans l’Agence de Khyber, où elle travaillait pour l’organisation non gouvernementale (ONG) Sawera, qui œuvre en faveur de l’autonomisation des femmes.

Ils ont également fait exploser des bombes dans des écoles lors de plusieurs incidents. Syed Nauman Ali Shah, un responsable de l’administration politique de l’Agence d’Orakzai, a indiqué à IRIN que « 93 écoles ont été touchées par des explosions depuis 2009, et que les attaques se poursuivent ».

« Lorsque l’armée a lancé ses opérations dans les régions du Nord, bon nombre de militants ont pris la fuite et ont trouvé refuge dans les territoires voisins, car ceux-ci étaient toujours contrôlés par les forces militantes – et d’autres se sont réfugiés dans l’Afghanistan voisin, où les soldats n’ont pas pu les suivre », a dit à IRIN Shaukat Salim, un expert et militant basé dans le district de Swat. Selon lui, cette situation « faciliterait » une possible résurgence.

« Le problème des militants a évolué. La situation n’est plus la même qu’en 2009, lorsque les talibans contrôlaient tous les aspects de la vie », a dit à IRIN Sher Muhammad Khan, vice-président de la Commission des droits de l’homme du Pakistan (HRCP). « Les militants continuent à mener des actions ciblées, comme la tentative d’assassinat contre Malala ou les attentats à la bombe contre les écoles », a-t-il dit, ajoutant qu’il était impossible de dire si les militants allaient se restructurer. « Leur défaite ne tient qu’à la volonté et à l’engagement des forces qui luttent contre eux. Ils peuvent profiter d’un manque d’engagement ».

Un ancien responsable militaire, qui a préféré garder l’anonymat, a dit à IRIN : « Les soldats éprouvent souvent de la réticence à se battre contre leurs concitoyens ».

Il est également difficile d’obtenir des condamnations. « Le fait est que la police, dont les officiers sont insuffisamment formés et manquent de ressources, rencontre souvent des difficultés à donner aux tribunaux les preuves nécessaires pour prononcer des condamnations », a dit un officier de police qui vient de prendre sa retraite à Peshawar.

La stratégie actuelle est « un échec »

« Oui, les militants sont toujours présents. Ils menacent et harcèlent la population; ils n’ont pas été vaincus »
D’aucuns vont jusqu’à penser que des soldats collaborent avec des militants. « Une relation a été établie entre les militants et l’armée dans les années 1980, lorsqu’ils se sont battus contre les soviétiques en Afghanistan. Il y a des raisons de croire que ce lien existe encore, du moins au sein de certains groupes de militants – pour des raisons stratégiques parfois liées au souhait des deux parties de reprendre le contrôle de l’Afghanistan », a dit un avocat de Peshawar, qui a demandé à garder l’anonymat.

« Oui, les militants sont toujours présents. Ils menacent et harcèlent la population ; ils nous ont posé des problèmes dans le district de Dir, qui est frontalier du district de Swat, et dans d’autres régions ; ils n’ont pas été vaincus », a dit à IRIN Gul Lalay, directrice des programmes de l’ONG d’émancipation des femmes Khwendo Kor (Maison des sœurs) basée à Peshawar.

Elle a indiqué que le gouvernement devait trouver une « nouvelle stratégie pour les contrer, car la stratégie actuelle ne fonctionne pas ». Mme Lalay a également dit qu’il était « inutile » de passer un accord avec les militants ou de négocier avec eux, « comme le gouvernement avait essayé de le faire par le passé ».

« Nous faisons de notre mieux, mais oui, les incidents comme l’attaque contre Malala Yusufzai sont choquants », a dit à IRIN Mian Iftikhar Hussain, ministre de l’Information de la province de Khyber-Paktoonkhwa.

Les habitants des régions du Nord disent qu’ils vivent toujours dans la peur des militants. « Les forces militantes, comme le Lashkar-e-Islam qui opère ici, à Bara [ville et district des Zones tribales sous administration fédérale à proximité de la frontière afghane], contrôlent toujours nos vies. J’ai très peur que mon fils, qui a 15 ans, ne subisse des pressions pour les rejoindre », a dit à IRIN Amina Bibi, une femme de 50 ans originaire de Bara.

Chômage

Il faut également noter que le manque de développement dans le district de Swat et dans les agences tribales « alimente le militantisme », selon M. Khan de la HRCP. Il a indiqué que les promesse du gouvernement de créer des emplois et d’amener le développement à Swat « n’ont pas été tenues ». Les graves inondations de 2010 ont aggravé la situation, a-t-il dit, et ont entravé la reconstruction et la réhabilitation.

« Que vont faire les habitants de Swat et des autres régions s’ils n’ont pas de travail, pas d’opportunité et que le gouvernement est absent? Ils se tourneront vers les militants qui recrutent des personnes désespérées pour n’importe quel type d’action – attentats suicides, combats, etc. Dans ces conditions, il est naturel que le militantisme se développe », a-t-il dit. « Les gens ont besoin d’avoir des choix dans la vie. S’ils n’en ont pas, ils seront facilement attirés par les groupes de militants ».

Le problème pourrait se présenter au-delà de la vallée de Swat: « J’ai eu mon examen de fin d’études. Il n’y a pas d’université dans mon village, pas de travail. Ceux de mes amis qui ont rejoint les militants me demandent de le faire tous les jours. Jusqu’à aujourd’hui, j’ai résisté, mais il est possible que je finisse par accepter et j’aurai enfin une arme », a dit Muhammad Murad, 17 ans, originaire de la vallée voisine de Salarzai, située dans l’Agence de Bajaur.

kh/kb/cb-mg/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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