« Si je vais à l’hôpital ils préviendront la police – je préfèrerais mourir que de retourner à Dadaab ou en Somalie », a-t-elle dit à IRIN/PlusNews à Eastleigh, une banlieue de Nairobi, la capitale kényane.
Au Kenya, si la plupart des réfugiés venant de pays voisins restent dans les camps officiels, bon nombre d’entre eux traversent le pays pour rejoindre des centres urbains, bien qu’ils n’aient pas de papiers. Ils passent la plus grande partie de leur temps à se cacher des autorités, et peinent à joindre les deux bouts ; beaucoup de femmes se tournent vers le commerce du sexe.
Après avoir passé ses cinq premiers mois au Kenya dans le camp de réfugiés de Dadaab, dans le nord-est du pays, Salma et quelques unes de ses amies sont venues à Eastleigh pour y travailler dans le commerce du sexe.
« Beaucoup de mes amies ont été violées et d’autres battues, mais on ne peut pas signaler [ces violences]. La police se retournerait contre [nous]. Quand vous êtes violée ou battue vous êtes victime, quand vous le signalez, vous êtes encore victime », a-t-elle dit. « Parfois, nous couchons avec des gens mais ils ne paient pas. Ils vous disent que la prostitution est illégale au Kenya. Vous vous retrouvez à donner votre corps gratuitement ».
Risques de harcèlement
Le Kenya abrite 374 000 réfugiés ; d’après des estimations officielles, le nombre de réfugiés urbains enregistrés est de 46 000, mais selon le Consortium kényan des réfugiés (RCK), le nombre de réfugiés urbains pourrait atteindre 100 000 rien qu’à Nairobi, la plupart d’entre eux n’étant pas enregistrés.
« Beaucoup de réfugiés urbains sont exposés [aux risques] d’infection au VIH, car les jeunes filles se tournent vers la prostitution pour gagner leur vie ; ils n’ont pas accès aux services de santé reproductive, et de nombreux réfugiés, en particulier ceux, dans les zones urbaines, qui se cachent, ne reçoivent pas les bons messages sur la prévention et le traitement du VIH », a dit Simon Konzolo, responsable de programme au RCK.
D’après un récent rapport de l’Overseas Development Institute (ODI), intitulé Hidden and Exposed: Urban Refugees in Nairobi (Cachés et exposés : les réfugiés urbains à Nairobi), beaucoup de jeunes filles entrent clandestinement au Kenya par l’entremise d’autres réfugiés, et doivent payer leur passage au prix de leur corps.
« Si certaines sont bien traitées et sont payées, beaucoup travaillent pendant de longues heures, ne sont pas payées et sont soumises à des violences physiques, sexuelles et psychologiques », a observé le rapport, qui livre des portraits de réfugiés venus du Burundi, du Congo, d’Erythrée, d’Ethiopie, d’Ouganda, du Rwanda, de Somalie et du Soudan.
Ces femmes, qui ont peur de la police, n’ont personne vers qui se tourner lorsqu’elles sont victimes de violences.
« Elles vivent vraiment sur le fil du rasoir, parce qu’elles disent que si elles se manifestent, elles risquent d’être harcelées par les autorités gouvernementales comme la police », a dit Sara Pavanello, responsable de recherche auprès du groupe de politique humanitaire à l’ODI.
« Cela signifie donc que beaucoup [de réfugiés] ne veulent pas se manifester pour demander les services offerts par le gouvernement, tels que la santé et l’éducation », a-t-elle ajouté.
Exclus
Au Kenya, où des services VIH gratuits sont proposés à toute personne détenant un statut de résidence légale, les immigrés clandestins séropositifs sont exclus des politiques VIH.
« Le gouvernement a le devoir d’apporter une protection aux réfugiés, et cela implique la mise à disposition d’un abri, de nourriture, de soins de santé, et de services médicaux et éducatifs », a dit Peter Kusimba, commissaire aux réfugiés au ministère de l’Immigration et de l’enregistrement des personnes. « [Ces services], cependant, ne sont fournis qu’aux réfugiés détenant un statut d’immigré légal, ou ayant été autorisés par l’UNHCR [le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés] à être dans les camps ».
« Il serait toutefois difficile de fournir des services aux réfugiés urbains non enregistrés, car ils ne se présentent pas de peur d’être arrêtés, mais nous les encourageons à venir demander le statut d’immigré de façon à recevoir ces services comme n’importe qui d’autre », a-t-il ajouté.
« Il est temps que le gouvernement observe les réalités d’aujourd’hui et change [sa politique VIH] pour [inclure] des groupes tels que les réfugiés, qui sont susceptibles d’avoir besoin de traitements, de façon à ce qu’ils ne soient pas laissés pour compte », a dit M. Konzolo, du RCK.
* Le nom a été modifié
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