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Difficile d’obtenir de l’aide pour les victimes de mines antipersonnel

Helena Numaio lost both her legs and a finger to a landmine when she was 12 years-old Guy Oliver/IRIN
Helena Numaio avait 12 ans lorsqu’elle a perdu ses deux jambes et un doigt dans l’explosion d’une mine antipersonnel. C’était en 1990. Elle ramassait du bois de chauffe dans le district de Moamba, dans la province de Maputo, au Mozambique.

L’accident a mis fin à son éducation. Presque 20 ans plus tard, Mme Numaio se retrouve toute seule pour élever ses trois enfants de cinq, huit et dix ans après avoir fui un époux qui la maltraitait. Pour subvenir à ses besoins, elle vend de la nourriture et des vêtements d’occasion dans les rues de Maputo, la capitale.

En 2007, RAVIM, la seule organisation non gouvernementale (ONG) du Mozambique qui se consacre à l’aide aux victimes de mines antipersonnel, lui a donné un fauteuil roulant, lui permettant ainsi de retourner à l’école. Elle a cependant dû abandonner de nouveau deux ans plus tard. En effet, même si les frais de scolarité n’étaient que de quatre dollars par année, elle devait débourser deux dollars en plus par mois pour faire garder ses enfants à l’école locale après les heures de cours. Elle a donc dû choisir entre poursuivre son éducation et subvenir aux besoins de ses enfants.

« Avant d’avoir mon fauteuil roulant, je dépendais toujours des autres pour me déplacer », a dit Mme Numaio à IRIN. Les rues et les trottoirs défoncés de la ville ont eu raison du fauteuil qui lui avait offert une seconde chance et permis de mettre sur pied un petit commerce.

Selon Emmanuel Mounier, détaché auprès de RAVIM par Handicap International (HI), qui travaille avec les victimes de mines antipersonnel, les mauvaises conditions raccourcissent l’espérance de vie des béquilles, des fauteuils roulants et des autres équipements utilisés par les personnes handicapées. Par ailleurs, les pièces de rechange sont difficiles à trouver et, comme il y a très peu de magasins spécialisés, les réparations coûtent très cher.

Pas d’assistance pour les victimes

Les mines antipersonnel sont la troisième principale cause d’amputation au Mozambique après le diabète et les accidents de la route. La menace qu’elles continuent de faire peser sur la population - plus de 17 ans après la fin de quatre décennies de guerres civile et d’indépendance – est considérée comme assez importante pour que HI dépense 40 pour cent du budget annuel alloué au Mozambique pour l’enlèvement des mines antipersonnel.

Les mines antipersonnel ont été largement utilisées pendant les deux conflits, et HI estime que la poignée de victimes officiellement tuées ou blessées chaque année sous-estime scandaleusement les conséquences à long terme de ces armes cachées.

Selon Yann Faivre, directeur de programme de HI pour le Mozambique, « le nombre d’accidents dus aux mines est une estimation minimale fournie par les autorités, mais nous ignorons combien d’accidents se produisent réellement ».

« [Les centres orthopédiques du Mozambique] ne sont pas conformes aux normes minimales  »
Les victimes qui survivent à l’explosion ne peuvent prétendre à aucune aide, et les enfants de ceux qui succombent non plus. Il n’y a donc aucun intérêt à rapporter ces accidents aux autorités, a indiqué M. Faivre.

Dans l’un des pays les plus pauvres au monde, les handicapés se retrouvent souvent tout en bas de la liste des priorités. Il existe pourtant des centres orthopédiques gouvernementaux dans les capitales des dix provinces, sauf dans celle de Manica, où le centre est situé à Chimoio, mais ils partagent tous une caractéristique commune : « les équipements essentiels ne fonctionnent pas ou ne sont pas remplacés », a ajouté M. Faivre.

« À Inhambane [province du centre du Mozambique où l’on compte actuellement le plus de mines], par exemple, le centre [orthopédique] n’est pas ouvert. À Beira [la deuxième ville du Mozambique], le four qui sert à fabriquer les prothèses est brisé et n’a pas été remplacé », a-t-il poursuivi. « [Les centres orthopédiques du Mozambique] ne sont pas conformes aux normes minimales ».

La majorité des 20 millions d’habitants du Mozambique vivent dans les zones rurales. Étant donné la mauvaise réputation des centres orthopédiques, « parmi ceux qui ont besoin d’aide, nombreux sont ceux qui ne se donnent pas la peine de se rendre [à la capitale provinciale]. Ils considèrent le déplacement comme un gaspillage de temps et d’argent », a dit M. Faivre.

La souffrance des victimes des mines antipersonnel et le manque d’aide dans de nombreux endroits du monde affectés par ce fléau sera l’un des principaux sujets abordés lors du Sommet de Cartagena pour un monde sans mines, ou seconde conférence d’examen de la Convention sur l’interdiction des mines (elles ont lieu tous les cinq ans), qui débutera le 29 novembre 2009 dans la ville colombienne portuaire de Cartagena.

L’organisation non gouvernementale HI, qui vient en aide aux personnes atteintes de toutes sortes de handicaps, a fait savoir qu’elle soutenait les objectifs du Sommet de Cartagena pour la fourniture d’une plus grande aide aux victimes des mines antipersonnel, car l’atteinte de ces objectifs pourrait également entraîner une augmentation des ressources pour tous les handicapés des pays pauvres. « Dans les centres orthopédiques, personne ne va demander à une personne qui a perdu sa jambe comment elle l’a perdue. L’ensemble des handicapés pourrait ainsi bénéficier d’équipements améliorés », a indiqué M. Faivre.

Paulino Alfredo Sambo lost his legs in an ambush during the civil war when he was a 15-year-old child soldier
Photo: Guy Oliver/IRIN
Paulino Alfredo Sambo a perdu ses deux jambes dans une embuscade pendant la guerre civile. À 15 ans, il avait été recruté comme enfant soldat
S’aider soi-même

Luis Silvestre Wamusse, coordonnateur national et co-fondateur de RAVIM, créé en 2005, a dit à IRIN : « Prenez une personne qui est née avec son handicap, qui n’a pas eu le choix de s’adapter à sa condition, et une autre, qui a vécu normalement et qui, du jour au lendemain, voit soudain ses rêves s’effondrer. C’est beaucoup plus difficile pour cette personne. Elle doit d’abord accepter sa nouvelle condition avant de commencer une nouvelle vie »

M. Wamusse avant 22 ans au moment de son accident, en 1984. Il était étudiant dans la province de Tete, dans le nord-ouest du Mozambique, lorsqu’il a perdu une jambe et deux doigts dans l’explosion d’une mine antipersonnel alors qu’il ramassait du bois de chauffage. Sa famille l’a ramené à Maputo pour qu’il y suive un programme de réhabilitation. Manuel Amisse, co-fondateur et directeur de programme de RAVIM, avait 26 ans et servait dans les troupes gouvernementales lorsqu’il a marché sur une mine lors d’une mission de patrouille à Tete, le 11 août 1982.

Après avoir été évacué dans une charrette tirée par un âne, M. Amisse a éventuellement été traité par « un interne pas très compétent » à Songo, une ville située à l’est du barrage de Cahora Bassa, et subi deux autres procédures d’amputation afin d’obtenir un « moignon convenable ».

« Il faut assurer en priorité la réhabilitation psychologique des victimes, la guérison des blessures et la fourniture de prothèses – mais même ces besoins prioritaires ne sont pas satisfaits », a indiqué M. Wamusse.

En mars 2007, un arsenal militaire avait explosé à Maputo, projetant des roquettes, des munitions et d’autres pièces d’artillerie jusque dans les quartiers voisins. L’explosion avait fait plus de 100 victimes et des centaines de blessés. RAVIM a offert une assistance aux personnes qui ont perdu des membres ou souffert d’autres blessures.

« Les gens ne nous croyaient pas quand on leur disait que nous [M. Wamusse et M. Amisse] avions aussi perdu un membre. Nous avons dû retirer nos prothèses pour qu’ils voient que nous avons réussi à nous adapter et à mener une vie normale...Je leur ai dit : ’vous avez perdu votre jambe, pas votre vie, alors je vous en prie, ne perdez pas votre volonté de vivre’ », a raconté M. Wamusse.

Récit d’un enfant soldat

Paulino Alfredo Sambo avait 15 ans et servait dans les milices rebelles lorsqu’il fut pris dans une embuscade tendue par les troupes gouvernementales près de Vilanculos, dans la province d’Inhambane, en 1991, un an avant la fin de la guerre civile. Un tir de lance-roquettes a sectionné sa jambe sous le genou et laissé son autre pied en lambeaux. Il a été amputé par une infirmière dans une clinique de soins primaires peu après.

Mine victim Paulino Sambo with his wife Nilsa at their Mutola Cioty home near the Mozambique capital Maputo
Photo: Guy Oliver/IRIN
Paulino Sambo et sa femme Nilsa chez eux, à Matola City, près de Maputo, la capitale du Mozambique
Après avoir traversé une période de rééducation et participé à un programme de formation du gouvernement pour la réintégration des anciens soldats, où il a appris le métier de métallurgiste, sept ans après l’embuscade, HI lui a fourni des prothèses.

« Après mon accident, je me suis isolé de la société – j’avais honte de ma condition – mais j’ai finalement accepté que je ne récupérerais jamais mes jambes », a dit M. Sambo à IRIN.

Il habite avec son épouse, Nilsa, et leurs trois enfants de deux, trois et quatre ans à Matola City, à environ 20 kilomètres de Maputo. Il possède un tour à métaux dans la cour avant et bâtit graduellement la maison familiale grâce aux fruits de son travail.

Les stigmates associés au fait d’être victime de mines antipersonnel ou d’être handicapé en général ont presque contrecarré leur projet de mariage. « Des voisins [de ses futurs beaux-parents] ont dit du mal de moi. Ils ont dit à Nilsa et à ses parents que je ne serais pas capable de subvenir à ses besoins. J’ai dit à Nilsa :’tu as le choix – moi, je ne changerai pas’ ».

go/he/gd

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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