1. Accueil
  2. West Africa
  3. Mauritania

Les anciens esclaves tentent de s’adapter au sein de leur nouvelle communauté

Ramadan Ould Semette, a former slave in southern Mauritania who has moved with hundreds of others to create their own desert commune Seyid O. Seyid/IRIN
Deux ans après que plus d’une centaine de familles d’anciens esclaves eurent quitté leur village dans le sud de la Mauritanie pour créer leur propre communauté, loin des propriétaires d’esclaves, des membres de ce groupe ont confié à IRIN qu’ils se débattaient encore pour s’adapter à leur indépendance.

Ramadan Ould Semette est de ceux qui ont quitté le village de Lefrewa, où ces familles étaient esclaves de génération en génération ; certes, il a pu prendre un nouveau départ, comme il le souhaitait depuis bien longtemps, mais c’est à peu près tout.

« Nous n’avons que nos muscles pour survivre et nous luttons sans cesse dans le désert. Le seul avantage qu’il y a à vivre ici, dans un nouvel endroit, c’est que nous nous sommes physiquement éloignés de l’exploitation du passé ».

Tourner la page et se trouver un moyen de subsistance est une tâche particulièrement ardue dans un pays où la plupart des habitants vivent déjà dans des conditions difficiles.

La Mauritanie est composée pour moitié d’un territoire désertique inhabitable et inhospitalier ; près de la moitié de ses trois millions d’habitants n’a pas accès à l’eau salubre, selon les Nations Unies, et d’après les estimations de FEWSNET, organisme spécialisé dans la surveillance de la situation alimentaire mondiale, plus de 330 000 personnes souffraient de malnutrition [dans le pays] en octobre 2008.

Biram Ould Abeide, conseiller de la Commission nationale des droits de l’homme, a expliqué à IRIN que la commune des anciens esclaves, baptisée Sawap (« vertueux » en arabe), avait eu des difficultés à trouver où s’établir. « Aucune communauté ne les a accueillis. Ils ont eu de graves problèmes pour obtenir l’autorisation de s’installer là où ils sont maintenant. C’est une question de droits fonciers ; il n’y a pas de terres inscrites au nom d’anciens esclaves ».

M. Abeide a expliqué que le président de l’époque, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, était intervenu pour aider les familles à s’installer en 2006.

M. Semette, habitant de la commune, a indiqué à IRIN que si un membre du groupe avait besoin de consulter un médecin, il se faisait transporter à dos d’âne à travers le désert jusqu’au centre médical le plus proche, à trois kilomètres de là. L’eau est une denrée rare. Et les femmes se rendent à pied jusqu’aux villages voisins pour trouver de la nourriture, a-t-il ajouté.

Selon les experts des droits humains, si une loi contre l’esclavage a été adoptée en 2007, les systèmes d’aide aux anciens esclaves font défaut. M. Abeide a en outre expliqué à IRIN qu’en dépit de cette loi (qui définit la servitude pour dette et les mariages forcés comme des formes d’esclavage), les droits des anciens esclaves continuaient d’être « négligés, dans le meilleur des cas, si ce n’est complètement bafoués ».

Hundreds of former slaves and their families have relocated to a desert plot they named Sawap
Photo: Seyid O. Seyid/IRIN
Des centaines d’anciens esclaves se sont réinstallés sur un terrain désertique qu’ils ont baptisé Sawap
Selon la commission, la loi a abouti à la libération de 43 personnes, et des centaines d’affaires sont encore en instance. Mohamed Bilal Ould Dike, avocat spécialiste des droits humains, a néanmoins expliqué à IRIN que la loi contre l’esclavage n’était que la première étape.

« Cette loi n’assure pas la protection des victimes. Les vraies garanties dont elles ont besoin sont d’ordre juridique [mise en application de la loi] et socioéconomique. Il faut prévoir un système de réinsertion économique pour ces victimes ».

Une membre de la commune a expliqué qu’elle ne réussissait pas à trouver de travail rémunéré. « Nous travaillons comme domestiques », a confié Tesslem Mint El Kory à IRIN. « Mais les familles de la région sont si pauvres qu’elles n’ont pas les moyens de nous payer. Alors, nous faisons le travail que nous avons toujours fait, et nous ne sommes toujours pas payés ».

Lemine Dadde, commissaire aux droits de l’Homme depuis le coup d’Etat, a expliqué à IRIN que le conseil militaire au pouvoir avait prévu de consacrer un budget de plus de cinq millions de dollars pour aider les victimes d’esclavage. Le commissaire a également indiqué que 46 villages extrêmement pauvres dont les populations sont en grande partie composées de Noirs africains (une majorité d’esclaves sont Noirs africains) devaient recevoir une aide financière d’urgence à compter de février 2009.

L’esclavage est interdit en Mauritanie depuis l’époque du colonialisme. Pourtant, malgré l’adoption périodique, depuis l’indépendance en 1960, de législations visant à renforcer cette interdiction, toutes les communautés ethniques le pratiquent encore (principalement en milieu rural), selon les associations de défense des droits humains.

Un départ définitif

Le chef du village de Lefrewa, à 90 kilomètres au sud de Nouakchott, la capitale, a expliqué à IRIN que les 100 familles d’anciens esclaves avaient toujours été les bienvenues au sein de sa communauté.

« Notre village est parmi les plus proches de Nouakchott, la capitale, alors nous sommes tout à fait conscients des risques et du caractère illégal de l’esclavage », a déclaré Lemrabett Ould Mohamed Aly. « S’ils sont partis s’installer ailleurs, c’est une question de choix personnel ; personne ne les y a forcés. Des familles d’anciens esclaves vivent encore parmi nous ».

Le chef du village a expliqué que les anciens esclaves qui avaient quitté Lefrewa en grand nombre, en 1976, avaient fini par y retourner. « Ils sont revenus chez nous parce qu’ils n’ont pas trouvé d’autre endroit où vivre aussi paisiblement qu’ils vivaient parmi nous ».

Lorsque IRIN a demandé aux familles de Sawap si quelqu’un parmi elles était tenté de retourner vivre à Lefrewa, compte tenu de leurs difficultés économiques, Mbarek Ould Mahmoude a pourtant déclaré : « Nous avons réussi à nous enfuir de la terre de nos anciens maîtres pour pouvoir jouir de nos droits civiques… Les maîtres nous ordonnaient de voter comme ils le voulaient. Nous n’avions d’autre choix que de nous plier aveuglément à leurs ordres. Alors, non, on n’y retournera pas ».

ss/pt/np/nh/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join