1. Accueil
  2. Southern Africa
  3. Eswatini

Les forces de police sont un instrument politique - ONG

Après que la police eut été accusée d’avoir fait un usage excessif de la force pour réprimer une manifestation politique, un incident plutôt rare au royaume des montagnes, l’armée a été déployée pour maintenir l’ordre public.

Alors que la police swazie mettait fin à un nouveau mouvement de protestation cette semaine, des organisations non-gouvernementales (ONG) ont fait part de leurs inquiétudes concernant l’utilisation des forces de sécurité à des fins politiques.

Des employés des transports publics ont été asphyxiés par des grenades lacrymogènes à la gare routière du centre-ville de Manzini (Centre), ville commerciale du Swaziland, le 17 mars. Plaque tournante du transport national, la gare routière de Manzini a été fermée par les propriétaires de minibus en signe de solidarité avec les ouvriers du textile, en grève depuis le 3 mars.

« Des témoins auraient entendu des agents de police demander aux femmes de "reprendre le travail". Quel est leur rôle dans ce cas ? Faire respecter la loi et l’ordre ou briser des grèves pour des raisons politiques ? »
Des dizaines de boutiques ont été saccagées et l’entrée de la gare routière a été barricadée pendant les manifestations qui ont eu lieu cette semaine. Des membres de partis politiques interdits ont également invité des badauds à pendre part au mouvement de grève. La police est intervenue en tirant sur la foule avec des balles en caoutchouc et six personnes blessées par balles ont été hospitalisées.

Début mars, des ouvriers swazis de l’industrie textile, qui s’étaient mis en grève pour exiger de meilleurs salaires, ont été asphyxiés par des grenades lacrymogènes et brutalisés par les forces de l’ordre. Au moins une douzaine de personnes auraient été blessées par les forces de police lorsqu’elles ont chargé des travailleurs qui manifestaient pacifiquement le premier jour de la grève. Plus de 16 000 travailleurs, dont une majorité de femmes, ont été touchés par le mouvement de grève et, pour la presse swazie, la brutalité de la police à l’égard des grévistes ne se justifiait pas.

« Trop dangereux » de poursuivre la grève

La répression de la police était d’une telle brutalité que les membres du Swaziland Manufacturing and Allied Workers Unions, le syndicat des travailleurs de l’industrie textile, en accord avec leur direction, ont jugé qu’il était « trop dangereux » de poursuivre le mouvement de grève.

Les ouvriers du textile ont donc voté la suspension de la grève pendant les congés de Pâques, et ont promis de reprendre le mouvement la semaine prochaine, si aucun progrès n’était observé dans les négociations avec les employeurs, la Swaziland Textile Exporters Association.

Dans un communiqué rendu public, l’association Swaziland Coalition of Concerned Civic Organisations (SCCCO) a condamné « la brutalité constante dont font montre la police royale swazie et l’Umbutfo Swaziland Defence Force [l’armée swazie] pour servir des objectifs partisans et politiques ».

La SCCCO s’est dite particulièrement préoccupée par l’utilisation de grenades lacrymogènes et de balles en caoutchouc contre des « ouvrières du textile, sans défense ». « Des témoins auraient entendu des agents de police demander aux femmes de "reprendre le travail". Quel est leur rôle dans ce cas ? Faire respecter la loi et l’ordre ou briser des grèves pour des raisons politiques ? », pouvait-on lire dans le communiqué, signé par l’évêque anglican Monseigneur Meshack Mabuza, président de la SCCCO.

Selon Vusi Masuku, porte-parole de la police, les forces de l’ordre sont intervenues pour mettre fin à des actes isolés de vandalisme et ont fait un usage « minimal de la force » pendant leur intervention. M. Masuku a par ailleurs défendu l’action de la police, arguant que certains manifestants avaient tenté d’empêcher d’autres ouvriers de se rendre à leur travail.

« Les forces de police sont politisées. Elles ont reçu l’ordre de faire taire les dissidents. Les nouvelles garanties constitutionnelles en matière de liberté d’expression et de rassemblement n’ont aucun sens », a déclaré Jason Simelane, membre du People’s United Democratic Front (PUDEMO), une organisation politique interdite.

En 1973, un décret royal du roi Sobhuza, père de Mswati III, l’actuel souverain, avait interdit tout groupe d’opposition politique dans le royaume. En 2005, la nouvelle constitution, que le roi Mswati avait fait adopter, prévoyait la liberté de rassemblement, mais ne légalisait pas pour autant les partis politiques.

S’il est vrai que les forces de police sont utilisées pour réprimer l’activité politique, les manifestants devraient eux aussi faire preuve de retenue, a commenté un analyste politique de l’université du Swaziland.

« Depuis des décennies, le mouvement syndical swazi soutient les groupes politiques pro-démocratiques [...] et les autorités considèrent que tout mouvement de grève est un prétexte pour manifester contre le gouvernement ; [de plus, l’action des autorités] est facilitée par le fait que les mouvements hostiles au gouvernement se livrent à des actes de violence et de vandalisme. Si la police doit faire preuve de retenue, les manifestants doivent en faire autant ».

Déploiement de l’armée pour le maintien de l’ordre public

Parallèlement, l’armée a été déployée pour mener des contrôles inopinés dans les maisons et pour dresser des barrages routiers.

« En tant que militaires, notre rôle est non seulement de veiller à l’intégrité de nos frontières, mais aussi d’assurer la protection des citoyens. Or, nous nous sommes rendu compte que beaucoup de choses illicites [fusils, armes et produits de consommation] circulaient dans le pays et nous voulons combattre cela », a indiqué Khanya Dlamini, porte-parole de l’armée swazie.

M. Dlamini a affirmé que des camps militaires seraient construits à travers le pays, mais a nié que l’intervention de l’armée, en vue de maintenir de l’ordre public, était une opération à caractère politique.

Les bastions du PUDEMO que sont les villes de Madlangemphisi, dans le nord du Swaziland, de Bulembu, à 50 kilomètres au sud-est de Mbabane, la capitale, et les localités rurales de Manjengeni et de Sihhoye sont parmi les sites prévus pour abriter les nouveaux camps militaires.

« Pour l’instant, nous ne nous préoccuperons pas des activités politiques. Nos opérations ne sont pas menées en prévision des élections nationales [qui auront lieu au mois de novembre]. Il s’agit juste d’opérations de ratissage », a indiqué M. Dlamini.

La réponse de l’armée est « très réservée », a estimé Charles Mhlindza, un commentateur politique.

« La déclaration du porte-parole de l’armée [...] a laissé entrevoir la possibilité d’une intervention directe de l’armée dans le futur. La question qui mérite d’être posée et d’être débattue est de savoir pourquoi l’armée, qui n’est jamais intervenue dans les opérations de maintien de l’ordre public, doit-elle le faire maintenant ».

jh/jk/tdm/bp/ads/nh


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join