Une nouvelle forme troublante de trafic d’êtres humains se développe au Pakistan. De plus en plus en d’enfants, envoyés par leurs parents, entreprennent de périlleux voyages à destination de pays plus riches, et plusieurs cas de trafic d’enfants de ce type ont été dénoncés dernièrement par la presse locale.
Une quinzaine d’enfants mineurs de moins de 18 ans figuraient parmi les quelque 2 200 personnes expulsées vers le Pakistan en 2007, principalement d’Oman ou d’Iran (où bon nombre d’entre elles s’étaient rendues en espérant ensuite rejoindre les pays d’Europe), selon l’Agence d’enquête fédérale (FIA) du Pakistan.
Mohammed Zulfikar, 12 ans, originaire du district de Bhimber dans la région du Cachemire, sous administration pakistanaise, et Waqar Hasan, 14 ans, originaire de Mandi Bahauddin, près de Gujrat, une ville située 120 kilomètres au nord de Lahore, la capitale provinciale du Punjab, faisaient partie des personnes expulsées.
Mohammed a été arrêté à la frontière turque et Mandi à la frontière iranienne. Les deux garçons voulaient se rendre en Grèce.
« Je voulais faire comme bon nombre de personnes de ma région qui se sont expatriées et ont fait fortune à l’étranger », a expliqué Mohammed, lorsqu’il a été remis aux autorités de la FIA, l’agence gouvernementale chargée de la lutte contre le trafic d’êtres humains.
Pour Arif Bokhari, directeur adjoint de la FIA, ce « trafic de jeunes garçons » se développe actuellement dans la région pakistanaise très peuplée du Punjab. M. Bokhari a reproché à certains parents, « qui paient d’importantes sommes d’argent à des agents », d’exposer leurs enfants à de graves dangers.
Photo: David Swanson/IRIN |
Bien que cela reste encore un phénomène marginal, de plus en plus de jeunes Pakistanais se laissent tenter par des trafiquants |
Conformément à un accord signé entre la FIA et le Bureau pour la protection et le bien-être des enfants (CWPB) du gouvernement du Punjab, à Lahore, Mohammed et Mandi se trouvent actuellement dans des établissements efficacement gérés par le CWPB, vont à l’école et sont logés dans un foyer avec quelque 200 autres enfants.
D’autres victimes du trafic d’enfants, dont certains anciens enfants jockeys de chameau sauvés et rapatriés des Etats du Golfe au cours des dernières années, sont également hébergées au foyer.
« Nous éduquons et réinsérons ces enfants », a confié à IRIN Zubair Ahmed Shad, directeur des programmes au CWPB.
« Les enfants qui ont été arrachés aux trafiquants et vivent [aujourd’hui] avec nous se portent bien », selon M. Ahmed Shad. Le trafic des enfants vers les Etats du Golfe est en net déclin, a-t-il indiqué, depuis la décision, prise en mars 2005 par les Emirats arabes unis (EAU), d’interdire le recours aux enfants jockeys.
Mais d’autres enfants n’ont pas été aussi chanceux que Mohammed et Mandi, qui malgré leur calvaire, sont en vie et bien portants.
En 2006, une famille de Gujranwala, une ville située quelque 80 kilomètres au nord de Lahore, avait signalé la disparition de leur fils – apparemment au cours de son périple vers la Grèce – avant d’apprendre que celui-ci avait en fait trouvé la mort pendant le voyage.
L’agent que les parents avaient payé pour organiser ce voyage périlleux a été arrêté, mais la famille de la victime a refusé de témoigner contre lui après qu’il eut promis de faire partir gratuitement à l’étranger deux autres de leurs fils.
« Une détresse économique »
Photo: IRIN |
L'extrême pauvreté continue d'alimenter le trafic d'êtres humains |
Reconnaissant l’existence d’un tel trafic, les autorités ont, au cours des dernières années, fait des efforts pour lutter contre ce phénomène en proposant une ordonnance sur la prévention et la lutte contre le trafic des êtres humains, appliquée par le gouvernement pakistanais en 2002.
Cette loi prévoit des sanctions plus sévères à l’encontre de toute personne reconnue coupable de complicité de trafic d’êtres humains, notamment des peines de prison et des amendes pour les parents.
En outre, dans le cadre des mesures prises pour lutter contre le trafic des êtres humains, la FIA a publié en 2006 un « livre rouge » contenant une liste de 165 agents de plusieurs pays, du Pakistan à la Grèce, et a sollicité l’assistance d’Interpol pour les arrêter.
Trafic de jeunes filles
S’il est vrai que les garçons des régions rurales défavorisées du Pakistan, en particulier ceux des villes du sud du Punjab, sont plus susceptibles de faire l’objet de trafic à l’étranger, les filles sont plus fréquemment victimes de trafic à l’intérieur du pays et sont parfois vendues pour ne devenir guère plus que des esclaves sexuelles, a indiqué la Commission pakistanaise des droits de l’homme (HRCP).
Photo: Kamila Hyat/IRIN |
Les filles sont plus fréquemment victimes de trafic à l’intérieur du pays et sont parfois vendues pour ne devenir guère plus que des esclaves sexuelles |
Selon les organisations de défense du droit des enfants, bon nombre de ces filles finissent comme travailleuses du sexe. Au moment d’être « vendues », certaines ont tout au plus 10 ans.
« Chaque année, des centaines de fillettes sont victimes de trafic humain dans le pays. Il y a des marchés dans la Province de la frontière du Nord-Ouest (NWFP) où ces filles sont vendues comme du bétail », a déploré I.A. Rehman, directeur de la Commission pakistanaise des droits humains.
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