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Les hôpitaux confrontés aux violences sexuelles liées aux émeutes post-électorales

Alors que le Kenya évalue le coût humain et matériel des récentes violences politiques, les hôpitaux signalent une augmentation des cas de viol déclarés au cours de la période qui a suivi les élections, une situation qui a amené le gouvernement et les organisations médicales à se donner les moyens de soigner les victimes et de protéger les déplacés contre de nouvelles agressions sexuelles.

« Au cours des deux premiers jours de violence, 56 personnes victimes de viol ont été soignées et admises à l’hôpital ; mais il y a tant d’autres victimes dans les bidonvilles qui n’ont pas reçu de soins médicaux », a confié à IRIN Lucy Kiama, infirmière en chef à l’hôpital des femmes de Nairobi, un centre médical spécialisé dans le traitement des agressions sexuelles.

Selon Mme Kiama, le nombre de victimes de viol venues se faire soigner à l’hôpital a doublé pendant les émeutes. Bon nombre des femmes qui se sont présentées à l’hôpital ont rapporté qu’il y avait de nombreuses autres victimes de viol dans les bidonvilles, mais que celles-ci n’étaient pas venues se faire soigner en raison des problèmes de sécurité ou de crainte d’être stigmatisées.

Des troubles politiques ont éclaté dans de nombreuses régions du Kenya le 30 décembre 2007, juste après la proclamation par la Commission électorale de la victoire du président sortant, Mwai Kibaki, aux élections du 27 décembre. Cette victoire a été contestée par Raila Odinga, principal opposant de M. Kibaki, qui considérait avoir remporté les élections, dont les résultats auraient été truqués en faveur de M. Kibaki.

Selon les estimations des Nations Unies, les violences post-électorales ont fait 250 000 déplacés à travers le pays, dont bon nombre vivent dans des camps montés à la hâte. Les travailleurs de la santé ont également fait part de leur inquiétude concernant la situation des femmes et des enfants, qui restent exposés aux agressions sexuelles dans ces camps mal protégés, notamment parce que les structures de référence qui soccupent normalement des victimes de viol ne fonctionnent plus.

« Des femmes et des enfants ont été violés, des hommes et des jeunes garçons aussi […] et des viols ont encore lieu dans les camps en raison du nombre très important de personnes déplacées », a affirmé Florence Gachanja, chargée de programme national au Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA).

Selon Jeanne Ward, chercheuse dans un consortium d’organismes des Nations Unies et d’organisations non-gouvernementales (ONG) qui traitent de la violence sexiste, il faut impérativement mettre en place des mesures de protection dans les camps en installant notamment des lampes et des latrines séparées pour les hommes et les femmes afin de prévenir les agressions.

Mme Ward a noté par ailleurs que dans les situations d’urgence, lorsque les infrastructures ne fonctionnent plus, les femmes et les jeunes filles sont généralement plus exposées aux violences, en particulier aux agressions sexuelles.

« Ces agressions sexuelles peuvent être des crimes opportunistes, commis par des individus qui profitent du dysfonctionnement des mécanismes de protection ou, dans les conflits armés qui opposent un groupe à un autre, notamment dans le cas de violences interethniques, ces viols peuvent être commis sur un groupe particulier de femmes et de jeunes filles », a-t-elle expliqué, notant que dans le cas du Kenya, il était trop tôt pour dire si les viols étaient des actes gratuits ou ciblés, bien que des investigations soient en cours.


Photo: IRIN
Les violences post-électorales au Kenya ont exposé de nombreux déplacés aux agressions sexuelles
« Les violences sexuelles ont des conséquences immédiates sur l’état physique et psychologique des victimes ; par exemple, elles doivent avoir accès aux kits de prophylaxie post-exposition (PEP) pour éviter de contracter le VIH », a-t-elle ajouté. « Lorsque des personnes sont déplacées, il est essentiel qu’elles sachent où aller en cas d’agression et qu’elles reçoivent un soutien psychosocial post-traumatique ».

Les mesures mises en place

Le gouvernement et les ONG ont commencé à prendre des mesures pour faire face à la situation. L’UNPFA, par le biais de la Croix-Rouge kenyane et d’autres ONG, a distribué des kits PEP dans les centres médicaux, et les grands centres hospitaliers ont mis sur pied des centres de soins satellites dans les zones les plus touchées par les violences, afin de fournir un service minimum aux blessés, et notamment aux victimes d’agressions sexuelles.

L’hôpital des femmes de Nairobi, en collaboration avec l’Association psychologique kenyane, a ouvert des centres de conseil dans les bidonvilles de Mathare, Huruma et Kibera, les secteurs de la capitale les plus touchés par la violence.

L’hôpital a appelé les conseillers psychosociaux à se porter volontaires pour offrir leurs services aux victimes d’agressions sexuelles qui figurent parmi les déplacés internes dans d’autres régions du pays, telles Eldoret, Timboroa, Nakuru, Burnt Forest et Limuru, dans la vallée du Rift, et dans les villes de Kisumu et Mombasa, très touchées elles aussi par les violences.

Pour Jane Onyango, directrice exécutive de la section kenyane de la Fédération des femmes juristes, la question des sexes ne doit pas être occultée dans la recherche d’une solution à la crise kenyane actuelle.

« Dans des situations comme celle-ci, les procédures judiciaires sont très complexes car, pour la plupart des femmes, il est souvent difficile d’identifier leurs agresseurs », a-t-elle dit. « Il faut une plus grande collaboration entre les institutions traitant de la question des femmes », a-t-elle ajouté.

Mme Onyango a indiqué que la Fédération envisageait de se rendre dans les régions les plus touchées par les violences pour participer au processus de résolution du conflit et conseiller les personnes déplacées.

Selon Mme Ward, malgré les difficultés actuelles, le Kenya a su faire face au problème de la violence sexuelle et dispose de mécanismes qui lui permettent d’être mieux armé que bon nombre de pays voisins pour gérer la situation actuelle.

« Il faudra néanmoins assurer une intervention multisectorielle pour veiller à ce que, en plus d’apporter des soins de santé aux victimes de viols, l’on s’attèle à la résolution des problèmes de sécurité, on rationnalise la procédure judiciaire et on donne à la police les moyens de traiter [ce type d’affaires] en toute sécurité et dans le respect de l’éthique », a-t-elle souhaité.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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