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Des vies épargnées grâce à un degré de préparation sans précédent

Encore hantées par le souvenir des ravages causés l’année dernière par le typhon Reming (nom de code international : Durian), les populations de la région de Bicol, au cœur des Philippines, se sont rapidement dirigées vers les centres d’évacuation, la semaine dernière, en apprenant qu’un autre typhon, peut-être un super typhon, allait s’abattre sur leur région.

« Depuis Reming, la vie n’est plus pareille. Chaque fois qu’il pleut, je n’arrive plus à dormir. La pluie m’angoisse ; cela doit être le cas pour tous les gens d’ici, j’imagine », a confié à IRIN le docteur Joy Marbella, habitante de Daraga, dans la province d’Albay, à Bicol. « Je me souviens encore des jours où je m’endormais, bercée par la pluie. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas du tout ».

Selon le docteur Marbella, Reming a coûté la vie à des centaines de personnes – environ un tiers de leur « barangay » (ville) – et depuis lors, les habitants se méfient toujours lorsque de fortes pluies se mettent à tomber. « Lorsque [nous avons appris que] le typhon Mina devait s’abattre sur notre province, nous avons vite fait nos bagages ».

En novembre 2006, le typhon Reming a déclenché des glissements de terrain qui ont fait plus de 1 000 morts, 200 000 sans-abri, et plusieurs millions de pesos de dégâts matériels. En prévision du typhon Mina (nom de code international : Mitag), qui menaçait de semer le même chaos, les habitants n’ont pris aucun risque.

Melvin Bausus et sa famille avaient retenu la leçon. « Toutes nos cultures ont été détruites et notre toit a été emporté par la bourrasque », a-t-il raconté. « Nous avons dû dormir sous la table ». Cette fois-ci, à l’approche du typhon Mina, M. Bausas et sa famille – qui exploitent une ferme à Camarines Sur, dans la région de Bicol – ainsi que plusieurs de leurs voisins ont taillé leurs cultures pour qu’elles ne soient pas déracinées, ont renforcé leurs fenêtres et leurs toits, et se sont rendus ensemble, à la mairie, centre d’évacuation de fortune, avec leur bétail.

Des préparations sans précédents

Hantées par le souvenir de Reming et confrontées à la menace conjuguée du typhon Mina et de la dépression tropicale Lando (nom de code international : Hagibis), les Philippines, pays ravagé par les typhons, ne s’étaient jamais aussi bien préparées, à la fois aux niveaux local et national, en prévision d’une catastrophe.

« Depuis Reming, la vie n’est plus pareille. Chaque fois qu’il pleut, je n’arrive plus à dormir. La pluie m’angoisse ; cela doit être le cas pour tous les gens d’ici, j’imagine »
Fort des prévisions de l’Administration des services atmosphériques, géophysiques et astronomiques des Philippines (PAGASA), selon lesquelles la tempête tropicale Mina « risque de devenir un “super typhon”, caractérisé par des vents soufflant à plus de 220 kilomètres/heure », le gouvernement national a émis des directives prévoyant l’évacuation d’un nombre de personnes sans précédent – quelque 250 000 en tout – trois jours avant la date à laquelle le typhon devait s’abattre sur la région.

« On ne peut pas se permettre un autre Reming », a déclaré Joey Salceda, gouverneur de la province d’Albay, qui devait être directement touchée. « Nous visions le “zéro victime” ».

Pour accomplir cette tâche herculéenne en trois jours, les classes ont été immédiatement suspendues et les populations, systématiquement évacuées en fonction des niveaux de risque. Pour encourager les populations à rester dans les centres d’évacuation, quelque 200 bénévoles ont confectionné plus de 90 000 kits alimentaires.

Au total, selon M. Salceda, le gouverneur, Albay a consacré 19,5 millions de pesos (460 000 dollars) aux opérations d’évacuation. « Nous avons déjà procédé à des évacuations préventives, par exemple quand le volcan Mayon devait entrer en éruption, ou dans les régions à basse altitude ou sujettes aux crues, en prévision d’une tempête », a indiqué à IRIN Pecos Intia, qui dirige le conseil municipal de coordination des opérations de gestion des catastrophes de Legaspi, capitale d’Albay. « Mais jamais à une telle échelle […] c’est la première fois que nous évacuons simultanément les populations de toutes les régions extrêmement exposées ».


Photo: Luis Liwanag/IRIN
En novembre 2006, le typhon Reming a déclenché des glissements de terrain qui ont fait plus de 1 000 morts, 200 000 sans-abri
Suspension des opérations de contre-insurrection

Signe que le pays entier s’est véritablement uni face à la catastrophe, l’armée philippine a même suspendu ses opérations de contre-insurrection contre la Nouvelle armée du peuple à l’approche du typhon, pour se focaliser sur les opérations de gestion de la catastrophe ; de leur côté, les rebelles communistes ont fait de même, en déclarant un cessez-le-feu illimité dans les régions ravagées par les typhons.

Avant de s’abattre sur le pays, le typhon Mina a dévié de sa trajectoire, évitant à Bicol d’être directement touché, et a mis le cap sur les provinces du nord des Philippines, qui ont réagi rapidement en lançant elles aussi des procédures d’évacuation.

« Nous avons été prévenus suffisamment à l’avance », a expliqué à IRIN Cris Samonte, adjoint exécutif du maire de Tuguegarao, une ville de la province de Cagayan. « Notre maire est régulièrement informé de la situation par d’autres unités gouvernementales locales », a-t-il dit. « Nous avons alerté le conseil municipal de coordination des opérations de gestion des catastrophes, nous avons préparé nos bateaux-pompes, et demandé aux populations des régions à risque de se préparer et de renforcer leurs domiciles ».

Les enseignements tirés

M. Samonte a ajouté qu’ils avaient eux aussi retenu la leçon, et commencé à se préparer en vue de la saison des typhons dès les mois de l’été. « Pendant la saison sèche, nous débouchons les voies d’eau pour arranger le niveau de l’eau et prévenir ainsi les inondations », a-t-il indiqué. « Les habitants ont appris, eux aussi. Maintenant, ils savent quoi faire à l’approche d’une tempête ».

Même constat à Bicol. « Avant, ils ignoraient nos avertissements », a expliqué Pecos Intia, directeur du conseil de coordination des opérations de gestion des catastrophes de Legaspi. « Aujourd’hui, même sans directives nationales émanant du gouvernement, les populations se sont présentées d’elles-mêmes pour être évacuées ». « Nous étions psychologiquement mieux préparés cette fois-ci, alors c’était plus facile de faire évacuer les populations. Les gens réagissent à la peur et aux incitations », a expliqué le gouverneur Salceda.

Selon Ronaldo Reario, conseiller national en gestion des catastrophes au Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), les évacuations massives observées la semaine dernière montrent que le gouvernement maîtrise parfaitement la situation. « C’était un effort collectif. Les partenariats entre les différentes agences et organisations ont été essentiels : les unités gouvernementales locales n’auraient pas pu le faire seules », a estimé M. Reario.

À Albay, notamment, le gouverneur Salceda a dit avoir consulté la PAGASA et le Conseil national de coordination des opérations de gestion des catastrophes pour obtenir des informations, avoir fait appel aux unités gouvernementales locales pour la logistique, et sollicité le soutien de l’armée et de la police pour mobiliser les populations. « J’ai même demandé à un prévisionniste confirmé de la PAGASA de venir me conseiller », a-t-il dit à IRIN.

M. Intia a également rapporté que des entreprises privées et des particuliers avaient ouvert leurs portes aux évacués et prêté leurs véhicules, ô combien nécessaires. Samedi 24 novembre, le jour où Mina devait s’abattre sur Bicol, plus de 33 000 familles, soit 163 000 personnes, étaient déjà hébergées dans 576 centres d’évacuation des quatre coins d’Albay.

Aux dernières nouvelles, le typhon Mina avait fait 29 morts, cinq blessés et 10 disparus – un bilan nettement moins lourd que celui du typhon Reming. À Albay et Tuguegarao, aucune victime n’a été déplorée.

Bien que les typhons aient finalement dévié de leur trajectoire et faibli, le gouverneur Salceda a estimé que ces préparations en valaient la peine.

« Cela valait-il la peine de dépenser 19,5 millions de pesos pour sauver une seule vie ? Oui, cela en valait la peine », a déclaré le gouverneur à IRIN, ajoutant que l’expérience faisait actuellement l’objet d’un rapport, en prévision du prochain typhon.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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