1. Accueil
  2. East Africa
  3. Kenya

Agonie privée des hôpitaux publics

Margaret Wanjiru aurait préféré oublier les circonstances dans lesquelles elle a accouché de son premier enfant dans l’un des hôpitaux publics de Nairobi, la capitale du Kenya.

« Je me souviens être allée à l’hôpital en 2001. Je ressentais des douleurs, comme la plupart des autres femmes ; ils nous ont fait asseoir sur un banc en bois et il fallait payer avant d’entrer en salle de travail », se souvient Mme Wanjiru.

Une fois dans la salle, les insultes fusaient de partout : « On te demande d’écarter tes jambes ‘comme tu l’as fait pour ton mari », a-t-elle poursuivi.

Selon un rapport intitulé Failure to deliver (Les obstacles à l’accouchement), rédigé par l’Association kenyane des femmes juristes et le Centre pour les droits reproductifs (CRR), les femmes rencontrent de nombreuses difficultés dans les centres de santé au Kenya et se plaignent d'être insultées et maltraitées avant et pendant l’accouchement.

En outre, elles ne peuvent accéder à l’hôpital si elles n’ont pas payé le montant intégral de la caution, et aucun membre de leur famille n’est autorisé à les assister avant et pendant l’accouchement, a noté le rapport.

Contrairement à leurs collègues hommes, les infirmières sont parfois très cruelles, a affirmé Mme Wanjiru.

« Il faut dire aussi qu’elles [les infirmières] sont de la génération de nos mères, ce qui explique qu’on ne peut pas leur répondre quand elles nous insultent », a-t-elle affirmé. « Parfois elles vous tapent et vous accusent de feindre la douleur alors que vous n’avez pas mal ».

Toujours selon le rapport, les femmes doivent parfois attendre très longtemps pour une suture ou pour quelques points de suture mal faits. Par ailleurs, avec le manque de lits, il est courant de voir plusieurs femmes partager le même lit, et celles qui n’ont pas encore payé les frais d’accouchement se retrouvent sur le sol.

Gratuité des accouchements

Le ministère de la Santé a instauré un système de dérogation pour les soins de maternité qui autorise la gratuité des accouchements dans les centres de santé et les dispensaires.
Cette mesure est destinée à inciter plus de femmes à accoucher dans des structures médicales, et à décongestionner certains hôpitaux comme Pumwani, à Nairobi – la maternité la plus grande et la plus fréquentée de l’Afrique de l’Est et du Centre.

Malgré cette nouvelle mesure, Mme Wanjiru n’est pas très optimiste.
« On nous maltraitait même quand on payait, qu’est-ce que cela va être maintenant que c’est gratuit ? », s’est-elle demandée.

Selon Elisa Slattery, conseillère juridique du programme Afrique du CRR, les violations des droits des femmes au Kenya très répandues, systématiques et durent depuis des décennies.

Les femmes sont insultées avant et après avoir reçu des soins de maternité, a affirmé Mme Slattery.

En outre, la mauvaise tenue des registres augmente les temps d’attente des patientes dans les hôpitaux, et seuls 23 pour cent des établissements hospitaliers mènent des investigations sur les décès de la mère ou du nouveau-né, ou sur les catastrophes obstétricales évitées de justesse, a-t-elle révélé.

Dans certains centres de santé, a précisé Mme Slattery, les femmes n’ont souvent pas accès aux contraceptifs de leur choix.

« Les femmes sont souvent agressées verbalement et physiquement », a-t-elle poursuivi. « Si la maternité est importante, trop de problèmes y sont associés ».
 


Photo: Gregory Di Cresce/IRIN
Le coût d'un accouchement dans une clinique privée est prohibitif
Cliniques privées

Dans la plupart des cliniques privées, en revanche, la situation est bien différente, a affirmé Ruth Otieno*, une infirmière travaillant dans une clinique privée de Nairobi.

« Nous ne faisons pas attendre les femmes en travail et notre salle de travail est toujours prête car nos patientes connaissent leurs droits et la qualité du service qu’elles attendent », a ajouté Mme Otieno.

En outre, à la fin de leur hospitalisation, les patientes remplissent un questionnaire pour évaluer la qualité des soins fournis.

Dans une clinique privée, le coût « moyen » d’un accouchement, sans compter les autres frais tels que l’hébergement et les consultations, est de 30 000 shillings (448 dollars américains), ce qui représente une somme très élevée.

Selon Mme Otieno, le nombre très important d’accouchements réalisés dans les hôpitaux publics empêche les sages-femmes d’avoir des relations privilégiées avec les patientes. La plupart des établissements médicaux manquent de personnel qualifié, de matériel médical et de lits ; de plus, le personnel est mal payé.

Selon les conclusions d’une enquête démographique et de santé réalisée au Kenya en 2003, une femme sur 25 risque de mourir d’une pathologie liée à la grossesse, au moins 20 pour cent des naissances ne sont pas désirées, et 25 pour cent sont des naissances inopportunes.

Manque de motivation

« La violation des droits des patientes ne se produit que très rarement », a affirmé Alfred JBO Odhiambo, directeur des hôpitaux publics au ministère de la Santé. Selon lui, pour remotiver les agents de santé, il faudrait augmenter les effectifs, les salaires et équiper les hôpitaux de matériel médical performant.

De nouveaux centres de santé ont été ouverts à travers le pays pour décongestionner les hôpitaux principaux, ce qui a permis d’améliorer la qualité des soins aux patients, a-t-il ajouté.

« Les femmes sont souvent agressées verbalement et physiquement[...] Si la maternité est importante, trop de problèmes y sont associés ».
De plus, les hôpitaux se sont dotés maintenant d’un bureau de relations avec la clientèle pour améliorer leurs prestations. « Nous avons commis des erreurs par le passé, mais nous les corrigeons actuellement ».

Le ministère de la Santé a également détaché du personnel auprès des administrations locales pour renforcer les hôpitaux qui étaient en sous-effectif.

Il est important que le personnel médical adopte un comportement humain envers les patients, a fait remarquer M. JBO Odhiambo, ajoutant que la collaboration des patients était tout aussi importante. « Certains patients ont d’emblée une attitude négative vis-à-vis des infirmières ».

« Nous changeons notre manière d’aborder les patients et nous avons désormais une charte de service qui nous sert de référence », a-t-il précisé.

Selon Mme Slattery, les directives du gouvernement sur les droits des patients devraient être diffusées plus largement afin que les femmes puissent s’en imprégner.

Les récentes mesures prises par le gouvernement pour l’amélioration des services dans les hôpitaux public semblent donner quelques petits résultats, à faire remarquer Mme Wanjiru. Les hôpitaux sont plus propres, les infirmières aident les patientes à faire leur lit et les chambres sont équipées de moustiquaires, a-t-elle souligné.

« Etant donné que la majorité des femmes n’ont pas les moyens d’aller dans des cliniques privées, il est nécessaire d’améliorer les services dans les hôpitaux publics », a-t-elle conclu.

*Un nom d’emprunt

aw/mw/ads



This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join