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Les carences du système de santé obligent les patients à se soigner à l'étranger

Agée de cinq ans, la petite Salamata Compaoré vit au Burkina Faso, mais souffre d’une malformation cardiaque qui provoque chez elle des difficultés respiratoires, un retard de croissance et, parfois, une insuffisance cardiaque. Le mois dernier, elle était apparue à la télévision nationale pour lancer un appel à l’aide afin de trouver des fonds pour financer une intervention chirurgicale à l’étranger.

« Elle a besoin d’une chirurgie, sinon, le pire peut arriver », a affirmé le Professeur Patrice Zamsoré, chef du service de cardiologie de l’hôpital de Yalgado, le plus grand établissement hospitalier du Burkina Faso.

Se payer un voyage très onéreux à l’étranger pour s’y faire soigner : c’est le seul espoir pour des patients comme Salamata Compaoré, au Burkina Faso et dans d’autres pays de la région où les médecins spécialistes et le matériel médical permettant de prendre en charge certaines pathologies font défaut.

Au Burkina Faso, certaines des pathologies les plus courantes – maladie cardiovasculaire, cancer du col de l’utérus et du sein – ne peuvent être soignées dans le pays car il ne dispose pas de matériel médical de pointe dans le domaine de la chirurgie, de la radiothérapie et de la chimiothérapie.

« Nous n’avons pas de tels chirurgiens au Burkina », a déploré le Professeur Zamsoré, un des 10 cardiologues du pays qui compte près de 13 millions d’habitants. « Nous n’avons ni les ressources humaines, ni le matériel ». A l’en croire, il y a bien des chirurgiens burkinabès qualifiés, mais ils exercent à l’étranger où les salaires sont plus élevés.

Dans un pays que les Nations Unies classent parmi les quatre pays les plus pauvres de la planète, le système de santé chancelant est en concurrence avec d’autres secteurs tout aussi prioritaires que sont l’éducation et l’accès à l’eau potable.

« Pendant longtemps, avec les différentes réformes économiques, on nous a fait croire qu’il fallait développer l’économie avant la santé », a affirmé Jean Gabriel Wango, secrétaire général et haut fonctionnaire au ministère de la Santé. « Or, sans la santé, les populations ne peuvent pas prospérer ».

Une liste d’attente qui se prolonge

Le gouvernement du Burkina Faso, dans la mesure de ses moyens, aide les patients à aller se faire soigner à l’étranger, – ainsi, 60 patients souffrant pour la plupart de cancer et de problèmes cardiaques ont pu se soigner à l’étranger, l’année dernière.
Mais le gouvernement n’a pas les moyens d’aider tous ceux dont l’état de santé nécessite une évacuation sanitaire à l’étranger, ont fait remarquer les autorités.

Selon certains cardiologues, seul un patient cardiaque sur 10 dont l’état de santé nécessite un traitement à l’étranger y est envoyé.
« J’ai des patients qui attendent depuis trois ans d’être évacués. Chaque année, je mets à jour ma liste d’attente qui ne cesse de s’allonger », a expliqué le cardiologue Zamsoré.

Actuellement, le gouvernement dépense près d’un milliard de francs CFA (2,2 millions de dollars américains) chaque année pour les évacuations sanitaires, une somme supérieure à l’enveloppe de 800 millions de francs CFA (1,7 million) affectée par l’Assemblée nationale au financement de ces évacuations.

« Lorsque vous avez 10 à 15 personnes qui risquent de mourir si elles ne sont pas évacuées vers une structure médicale à l’étranger, nous ne pouvons pas attendre que les soins de santé soient accessibles à tous dans le pays », a affirmé M. Wango du ministère de la Santé.

Le coût minimum d’une intervention chirurgicale pour certain type de cancer du sein, en Europe, est de un million de francs CFA (2 162 dollars), sans compter les 10 jours d’hospitalisation dans une clinique privée ; le prix des médicaments pour les six premiers mois de traitement s’élève environ à 800 000 francs CFA (1 730 dollars). Pour une chirurgie cardiaque en Europe, il faut compter entre 10 millions et 20 millions de francs CFA (jusqu’à 43 242 dollars).

Des hôpitaux démunis, une population défavorisée

Le Burkina Faso s’emploie actuellement à renforcer les capacités de ses infrastructures sanitaires afin de mieux répondre aux besoins de la population, ont affirmé les autorités.

Le gouvernement consacre 10 pour cent de son budget au secteur de la santé. En outre, le Burkina reçoit de la part de partenaires comme la Banque islamique de développement, le Banque africaine de développement et le gouvernement de Taiwan - qui construit un hôpital à Ouagadougou – des fonds destinés à améliorer ses services de santé.

En 2003, le gouvernement avait installé le premier scanner à rayons X du pays à l’hôpital principal de la capitale. L’installation d’un deuxième scanner est prévue l’année prochaine à Bobo-Dioulasso, la deuxième plus grande ville du pays, ce qui attire des patients de pays voisins comme le Togo et le Niger, qui viennent au Burkina pour y subir des examens par scanner, selon M. Wango,

Mais même quand le matériel médical de pointe est disponible, le coût des traitements empêche bon nombre de personnes d’accéder aux services de santé.

« Le problème que nous rencontrons est la mise en œuvre de technologies de pointe au sien de communautés défavorisées », a affirmé M. Wango.

Au Burkina Faso, 72 pour cent de la population vit avec moins de deux dollars par jour et les hôpitaux sont censés être financièrement indépendants, a fait remarquer M. Zamsoré.
« Je me demande si nous pouvons être remboursés par des patients qui font partie des plus défavorisés », a-t-il souligné.

Le service de dialyse de l’hôpital principal de Yalgado, par exemple, a un déficit de près de 400 millions de francs CFA (868 000 dollars) qui s’explique par l’incapacité de certains patients à payer leurs factures.

Des coûts réduits

En l’absence d’infrastructure médicale adéquate dans le pays, le gouvernement étudie la possibilité de faire appel à des experts médicaux ou d’aider les patients à trouver des soins de santé moins onéreux dans d’autres pays.

Une des solutions retenues est d’envoyer les patients au Maroc, un pays qui dispose de matériel médical de pointe et où les coûts sont nettement inférieurs à ceux de l’Europe.

« Nous avons testé le matériel médical là-bas et avons actuellement des patients qui reviennent guéris de leur maladie », a déclaré M. Wango du ministère de la Santé.

A compter de l’année 2007, une équipe de chirurgiens français se rendra chaque année au Burkina Faso pour opérer des enfants souffrant de malformation cardiaque – une initiative qui permettra de sauver des centaines de vies humaines, ont révélé les autorités à IRIN.

Au cours des dernières années, des équipes de chirurgiens européens ont opéré gratuitement de nombreux patients souffrant de problèmes orthopédiques et de traumatismes.

Plusieurs organisations non-gouvernementales essayent aussi de venir en aide au gouvernement en prenant en charge certaines évacuations sanitaires. Par exemple, l’organisation suisse Sentinelles évacue en France certains patients atteints de noma, une gangrène sévère des tissus mous et durs de la bouche, où ils subissent une chirurgie faciale. Néanmoins, l’évacuation sanitaire dépend de la disponibilité du seul chirurgien qui offre des services humanitaires en Suisse.

La petite Salamata Compaoré est actuellement hors de danger. Les téléspectateurs, sensibles à sa situation, ont réuni les 400 000 francs CFA (868 dollars) dont ses parents avaient besoin pour l’envoyer dans un hôpital en France où des organisations humanitaires la feront soigner gratuitement.

bo/ha/np/ads


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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