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Le décès d’une adolescente relance la lutte contre les mutilations génitales

La mort d’une jeune adolescente de 14 ans, qui venait de subir une excision, a suscité colère et indignation au Burkina Faso, un pays pourtant à l’avant-garde de la lutte contre la pratique des mutilations génitales féminines/excisions (MGF/E) en Afrique.

« Triste et choquant » ; c’est ainsi que Aïna Ouédraogo, secrétaire permanente du Comité national de lutte contre la pratique de l’excision (CNLPE), a qualifié le décès de la jeune fille.

La jeune adolescente faisait partie des 15 filles– âgées entre quatre et 14 ans – excisées pendant la semaine du 17 septembre dans la commune rurale de Pabre, située à 15 kilomètres de Ouagadougou, la capitale, a expliqué à IRIN Mme Ouédraogo.

Sept des filles excisées se font actuellement soigner dans un hôpital de Ouagadougou pour de graves infections et hémorragies, a ajouté Mme Ouédraogo. L’exciseuse, une dame âgée de 80 ans, et certains membres de la famille des jeunes filles ont été arrêtés.

Au Burkina Faso, l’excision est un délit puni d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement et d’une amende maximale de 900 000 francs CFA (1 944 dollars américains). Et comme l’excision a entraîné la mort, la peine maximale encourue est de 10 années d’emprisonnement.

Sensibilisation, conviction

La mort de la jeune fille – le premier décès lié aux MGF/E, en deux ans, selon le CNLPE – a choqué la population.

« Cela signifie qu’il y a de la résistance et que nous devons trouver de nouvelles stratégies pour que les gens abandonnent cette pratique qui, comme certaines personne le croient encore, aurait des origines divines », a expliqué Mme Ouédraogo.

Le CNLPE prépare une nouvelle stratégie de lutte contre les MGF/E pour la prochaine décennie.

Dans son édition du 26 septembre, la presse locale avait également fait état de cinq autres cas de MGF/E à Bobo-Dioulasso, la deuxième capitale du pays, a affirmé à IRIN Marie Berthe Ouédraogo, chargée de la protection des enfants aux Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), au Burkina Faso.

Le même jour, elle était informée par téléphone d’un autre cas d’excision à Dédougou, dans l’ouest, et la radio nationale annonçait que, dans cette affaire, la police avait interpelé une femme de 70 ans, exciseuse d’un bébé de sexe féminin et d’une fillette de sept ans. Le père du bébé, qui figurait parmi les trois complices appréhendés par la police, avait était formé par le CNLPE et était chargé du suivi de la lutte contre les MGF/E.

« Ca me choque et me décourage », a ajouté Mme Ouédraogo de l’UNICEF, « J’étais très en colère quand j’ai appris ça [le décès de la jeune fille à Pabre] ».

Et c’est d’autant plus choquant, a-t-elle expliqué, que cela s’est passé dans une région où le CNLPE et l’UNICEF ont mené des campagnes de sensibilisation à travers les radios locales. Dans une étude réalisée en 2005 par le CNLPE, la région de Pabre avait été identifiée comme une zone où le taux de prévalence des MGF/E était « très élevé ».

« Même si des gens savent que l’excision n’est pas une bonne chose, il y en a qui ne sont toujours pas convaincus »
« Ca veut dire quoi ? Que même si des gens savent que l’excision n’est pas une bonne chose, il y en a qui ne sont toujours pas convaincus », a déploré Mme Ouédraogo de l’UNICEF.

« Il faut innover. Il faut trouver de nouvelles stratégies. Il faut qu’on change notre manière de faire passer le message ».

Un long combat

Depuis près de deux décennies, le gouvernement burkinabè s’investit dans la lutte contre les MGF/E, considérées par bon nombre de personnes comme un rite de passage de l’enfance à l’âge adulte, et comme un moyen de prévenir la promiscuité sexuelle.

Le gouvernement a sensibilisé les chefs religieux et traditionnels, ainsi que les responsables politiques et les media, et a mis en place un service de numéro vert national que les habitants peuvent appeler dès qu’ils soupçonnent qu’une excision va avoir lieu.

Le Burkina Faso a aussi été l’un des premiers pays à interdire la pratique des MGF/E et à faire appliquer la loi. En outre, la première Dame est la présidente honoraire du comité national de lutte contre les MGF/E.

Pendant des années, de nombreuses campagnes d’information sur les dangers des MGF/E ont été réalisées à travers le Burkina Faso, contrairement à certains pays limitrophes, où le sujet est encore tabou.

Et pourtant, la pression sociale en faveur de cette pratique reste très forte dans certaines régions. Rasmane Kiemde, fonctionnaire burkinabè, a expliqué à IRIN qu’il fallait qu’il soit vigilant à l’égard de ses deux filles.

« Je suis sans cesse relancé par mes parents qui veulent que mes filles soient excisées. Jusqu’à présent, ils n’y sont pas parvenus », a dit M. Kiemde. « Et il ne faut pas commettre l’erreur d’envoyer mes filles en vacances au village. Ce serait leur [aux parents] donner le feu vert pour l’excision ».

Des progrès, malgré tout

Selon le CNLPE et l’UNICEF, le récent décès ne doit pas occulter les progrès réalisés dans la lutte pour l’éradication de la pratique au Burkina Faso.

L’enquête réalisée en 2005 par le CNLPE a révélé que le taux de prévalence national des MGF/E était passé de 77 pour cent, en 2001, à 49,5 pour cent, en 2005.

« Nous ne devons pas considérer les événements de façon parcellaire et dire que nous avons échoué dans notre lutte [contre les MGF/E], car les autres évaluations ont montré que la pratique a régressé », a souligné Mme Ouédraogo du CNLPE.

« C’est une croyance bien ancrée dans le système social et il faudra du temps pour qu’elle disparaisse », a-elle ajouté.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), entre 100 et 140 millions de fillettes et femmes dans le monde ont subi une mutilation sexuelle et, chaque année, trois millions de fillettes – âgées pour la plupart de moins de 15 ans – sont soumises à cette pratique.

Les MGF/E consistent en une ablation partielle ou totale des parties externes de l’appareil génital féminin ou en l’excision de certains organes génitaux de la femme, pour des raisons culturelles, religieuses et non médicales.

Ces pratiques provoquent des traumatismes d’ordre physique (douleur atroce, kystes, rétention urinaire, hémorragie, complications pendant l’accouchement, voire la mort), psychologique et sexuel, selon l’OMS, qui affirme que cette pratique peut être « très invalidante ».

« Nous devons persévérer », a dit Mme Ouédraogo de l’UNICEF, soulignant que l’agence avait besoin de plus de fonds pour intensifier les opérations de sensibilisation. « Ce sera un long combat ».

bo/ha/np/ads/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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