1. Accueil
  2. Southern Africa
  3. Eswatini

La précarité engendre une recrudescence des violences

Pamela se traîne, léthargique, le long de la file de camions qui attendent de passer en douane, au poste frontalier de Lavumisa, entre le sud du Swaziland et l’Afrique du Sud ; un endroit improbable pour une fillette de 13 ans, mais Pamela, affamée et prête à tout, affirme que vendre son corps aux camionneurs en échange de nourriture est la seule option qui lui reste.

Quelque 40 pour cent du million de personnes que compte le Swaziland sont confrontées à de graves pénuries de nourriture et d’eau ; leurs stratégies de survie s’épuisent et leur frustration est de plus en plus grande, autant de facteurs qui se conjuguent pour engendrer une recrudescence des violences et des comportements à risque.

« L’année dernière, on avait un peu de nourriture, aujourd’hui, il n’y a plus rien », explique Pamela, tandis qu’elle observe la file de camions en envisageant les transactions potentielles. La fillette porte un T-shirt rose délavé et la jupe grise d’un ancien uniforme scolaire, plus facile à retirer qu’un jean pour avoir des rapports, dit-elle.

« La traite d’enfants se pratique à Lavumisa et ailleurs – un phénomène qui s’explique sans aucun doute par la sécheresse », a estimé Hlobsile Dlamini, responsable des relations publiques pour le Swaziland Action Group Against Abuse (SWAGAA) [Groupe d’action swazi contre les violences], une organisation non-gouvernementale (ONG) qui offre une assistance médicale et juridique, ainsi qu’une aide psychologique aux femmes et aux enfants victimes de violences.

« Lavumisa a toujours subi les pénuries alimentaires les plus graves ; maintenant que la sécheresse a propagé les pénuries, nous assistons à une recrudescence des violences ».

« Les ménages pauvres auraient recours à des stratégies de survie négatives, et notamment au commerce du sexe, ce qui se solde par une incidence plus élevée d’infections sexuellement transmissibles et de VIH », peut-on lire dans la Procédure d’appel global (CAP): Appel d’urgence 2007 pour la sécheresse au Swaziland, lancée récemment pour obtenir l’aide des bailleurs de fonds internationaux.

Les enfants en première ligne

Les enfants sont particulièrement vulnérables aux violences dans un pays frappé par la pauvreté et accablé par une population d’orphelins du VIH/SIDA en plein essor. « Il y a sans aucun doute une corrélation entre la sécheresse et les violences contre les enfants », a affirmé Dumisani Mnisi, directeur des bureaux de Save the Children, une ONG qui œuvre pour le bien-être des enfants, à Mbabane, la capitale.

« L’appel de fonds international a été lancé mais, en attendant, les enfants sont mûrs pour l’exploitation. Nous assistons à une recrudescence du travail des enfants, et à la pratique de formes extrêmes de travail qui ne sont pas indiquées pour eux. Les parents retirent leurs enfants de l’école et les font travailler pour la survie du foyer », a-t-il commenté.

« Le seuil de survie des foyers dirigés par des enfants est déjà faible en termes de vulnérabilité. La sécheresse est dévastatrice, pour eux ; leurs mécanismes de survie sont quasi inexistants. Ce sont ces enfants qui sont les plus exposés au risque de vendre leur corps pour un repas », a indiqué M. Mnisi.

Violences domestiques

Une infirmière du centre de santé de Lavumisa a montré du doigt une fillette au bras dans le plâtre, fracturé par son père. « Les parents battent leurs enfants – ils sont frustrés, et s’en prennent aux plus petits », a-t-elle expliqué.

Selon certains conseillers psychologiques du SWAGAA, les violences de tous types ont augmenté en nombre et en intensité cette année. « Le degré de brutalité [actuel] dépasse tout ce que nous avions pu observer auparavant », s’est inquiétée Mme Dlamini.

« Certains cas de violences peuvent être qualifiés de torture. La semaine dernière, on nous a amené un enfant dont le corps était entièrement recouvert de grandes marques boursouflées – un de ses parents l’avait battu avec un fil électrique », a-t-elle ajouté.

La presse locale fait état d’un nombre de plus en plus élevé de cas d’enfants enchaînés ou enfermés chez eux tandis que leur mère célibataire est sortie, en quête d’un travail ou de nourriture. « Dans les cas sur lesquels nous avons enquêté, les mères ont déclaré ne pas avoir d’autre choix : il n’y a pas de garderie, et elles n’ont pas de famille à qui confier leurs enfants », a poursuivi Mme Dlamini.

« Mais dans certains cas, ces enfants sont en fait les victimes de violents abus : on les enchaîne pour les discipliner, parce que leur mère ne veut pas qu’ils sortent jouer. Dans les régions rurales, la femme doit apporter du bois et de l’eau. Or, il est plus difficile de trouver de l’eau potable [en raison de la sécheresse] et les femmes se font battre si elles n’y arrivent pas », a-t-elle justifié.

Difficultés financières

Lungsile Mavuso est une assistante sociale qualifiée qui occupe actuellement le poste de coordinatrice des ressources communautaires dans le nord de Manzini, une zone qui couvre plusieurs villes. Elle était auparavant rattachée au ministère de la Santé et du Bien-être social.
 
« Tous les chefs de famille sont angoissés par des difficultés financières. Dans les foyers pauvres, la situation est pire car l’insécurité financière est constante. Dans le passé, les ménages swazis avaient leurs mécanismes de survie ; ils se débrouillaient notamment en sollicitant le soutien de leur famille élargie. Mais la sécheresse frappe l’ensemble du pays, et tout le monde est touché », a-t-elle dit.

« Un père qui n’arrive plus à subvenir aux besoins de sa famille peut réagir avec colère en réaction à la pression de sa femme. Nous devons mettre en place davantage de programmes de proximité pour enseigner aux hommes différentes façons d’éviter la violence », a déclaré Mme Mavuso. « Les hommes à qui nous avons parlé disent se sentir tout à fait impuissants. Auparavant, lorsque nous écoutions les hommes dans le cadre des consultations psychologiques, ils avouaient ressentir des remords. Aujourd’hui, il semble plutôt s’agir de désespoir ».

« La sécheresse pourrait également avoir un impact indirect sur la situation déjà grave en matière de VIH/SIDA ; il est en effet, les patients sous traitement antirétroviral pourraient interrompre leur traitement faute de nourriture », peut-on lire dans le document du CAP.

Selon les estimations des Nations Unies, le Swaziland présente un taux de prévalence du VIH/SIDA de 33,4 pour cent, l’un des plus élevés du monde.

« Les femmes swazis sont conservatrices et endurantes ; les enfants aussi, et nos hommes aussi, d’ailleurs », a affirmé Mme Dlamini. « Mais la sécheresse a poussé tout le monde à bout ».

jh/tdm/he/nh/ads


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join