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Des services de sécurité mal préparés pour faire face aux violences électorales

L’Inspecteur général de la police, Sunday Ehindero, est convaincu que les forces de police nigérianes, souvent critiquées, peuvent faire face à toutes les situations de crise pendant les prochaines échéances électorales du mois d’avril.

« Outre la formation générale aux tâches habituelles dévolues à la police, les recrues reçoivent en plus une formation spécifique sur la conduite générale des élections. Quant aux unités antiémeutes, elles suivent une formation et des stages intensifs pour les préparer au maintien de l’ordre pendant les élections », a déclaré M. Ehindero, de son bureau à Lagos.

Cependant, nombre de Nigérians n’en sont pas si convaincus et accusent plutôt la police de privilégier la corruption et la brutalité au respect de la démocratie.

« C’est comme s’il n’y avait pas de gouvernement ici », a déclaré Hygenus Waku, un commerçant, originaire de Lagos, où des cadavres sont fréquemment rejetés sur les berges du fleuve et où les nombreux ponts de la ville deviennent des zones interdites à la tombée de la nuit, parce que des gangs armés y érigent des barrages.

« La police ne fait rien pour vous protéger ».

Un agent de sécurité travaillant pour une institution internationale au Nigeria et qui a requis l’anonymat a indiqué qu’il avait également des doutes sur la sincérité des propos de M. Ehindero.

« La stratégie des forces armées, lorsque les rassemblements politiques dégénèrent, est de tirer sur la foule, sans discernement, de manière à faire le maximum de victimes.

« La police n’a pas d’équipement anti-émeute, elle n’a pas été formée au maintien de l’ordre et n’a aucune notion du respect des droits humains ».

Montée des tensions

L’élection des gouverneurs et députés des assemblées des 36 Etats que compte le pays doit se dérouler le 14 avril et sera suivie des élections présidentielles et fédérales, le 21 avril ; mais déjà, il y a eu des assassinats et des combats entre partisans de candidats rivaux.

Les tensions politiques sont fortes depuis que la Commission électorale nationale indépendante (INEC) a écarté la candidature d’un des principaux prétendants à la présidence, l’actuel vice-président Atiku Abubakar, accusé de corruption. Pour beaucoup d’observateurs, cela pourrait entraîner des fraudes massives.

A ces tensions s’ajoutent les conflits ethniques et confessionnels actuels. Selon la presse locale, les incidents qui se sont produits dans la ville d’Abeokuta (sud-ouest) et dans les communes rurales de l’Etat central de Benue ont fait plusieurs morts.

D’après certains analystes en sécurité et l’International Crisis Group, en particulier, les troubles auxquels la région pétrolifère du Delta du Niger est confrontée se sont transformés en mouvement insurrectionnel et les enlèvements de travailleurs expatriés y sont quasi-quotidiens, depuis quelques semaines.

Et l’approche des élections ne fait qu’exacerber ces problèmes ; les politiciens sont accusés de payer des gangs locaux, appelés ‘area boys’ (zonards), pour intimider leurs adversaires.

Selon des responsables de l’INEC, toutes les mesures nécessaires ont été prises pour garantir le bon déroulement des élections. Des forces de sécurité seront déployées dans chacun des 120 000 bureaux de vote du pays, et le matériel ainsi que les urnes seront transportés sous bonne escorte policière. En effet, les urnes sont souvent la cible de voyous à la solde de politiciens.

Mais, de l’avis de certains observateurs, la police et les criminels sont souvent du même bord.

« Le jour, c’est la police qui érige des points de contrôle pour extorquer de l’argent aux passants ; la nuit, les gangs prennent le relais », a déclaré l’agent de sécurité international.

Les armes sont indésirables

Cependant, l’annonce faite début mars par l’Inspecteur Ehindero selon laquelle 80 000 armes et 32 millions de munitions ont été livrées à la police pour renforcer la sécurité n’a pas manqué d’alarmer la population.

« Nous avons vu par le passé que toutes ces armes pouvaient juste servir à imposer la volonté du parti au pouvoir », a déclaré Mike Onochie, banquier à Abuja, la capitale. « Le problème avec les forces de l’ordre est qu’elles ont une formation héritée de la colonisation qui les amène à agir comme une force d’occupation plutôt que comme des protecteurs des citoyens ».

Dans l’édition du 13 mars du Vanguard, un des principaux quotidiens du pays, l’éditorialiste s’interrogeait sur l’achat de ces armes et munitions supplémentaires.

« Il serait intéressant de savoir si cet arsenal est destiné à sécuriser les élections, ou à protéger les électeurs dans les bureaux de vote », s’est interrogé l’éditorialiste.

Pour l’agent de sécurité, l’armée devrait jouer un plus grand rôle dans la sécurisation des élections, dans la mesure où elle passe pour être plus neutre que la police et qu’elle est moins encline à commettre des exactions contre les civils. En outre, elle a efficacement contribué à mettre fin aux violences lors des précédentes élections.

Ce n’est pas l’avis de certains analystes qui pensent que l’armée n’a pas de bons antécédents en matière de maintien de l’ordre.

« Le danger, lorsqu’on envoie la troupe pour des opérations de maintien de l’ordre chez les civils, est qu’elle est plus prompte que la police à utiliser ses armes contre ces derniers », a déclaré Nnenna Okenwa, une militante nigériane des droits de l’homme.

« Comme on l’a vu dans le passé, chaque fois que des soldats sont envoyés pour rétablir l’ordre pendant des troubles, on enregistre beaucoup plus de blessés par balles », a-t-elle déclaré, faisant allusion aux émeutes de 2004 dans la ville de Kano (nord), aux interventions de l’armée pendant les manifestations de 2001 à Gboko et Katsina-Ala, dans l’Etat de Bénin, et à celles de 1999 dans la ville d’Oli, dans le Delta du Niger.

Pendant ce temps, beaucoup de Nigérians semblent prendre des initiatives personnelles pour échapper aux violences éventuelles. A Kano, troisième plus grande ville du Nigeria, malgré la promesse d’élections pacifiques faite par le gouvernement, de nombreux citoyens affirment qu’avant le 14 avril, ils partiront avec quelques bagages et leur famille se refugier dans des villages, loin des centres urbains.


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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