« Les classes sont presque vides », notait déjà en fin octobre, Mamadou Sacko, professeur principal du lycée Matam de Conakry.
Au lycée Donka de Conakry, on attendait 805 nouveaux élèves, mais seuls 311 se sont présentés, fait remarquer Abdoulaye Diallo, le censeur de l’établissement.
« Aujourd’hui, le coût de la vie étouffe certains parents d’élèves qui n’ont pas les moyens d’envoyer leurs enfants à l’école », explique Camara Morlaye, le directeur de l’école primaire de Manquepas, à Kindia, une localité située à 135 kilomètres au nord-est de Conakry.
Quelques semaines après le démarrage officiel de l’année scolaire, le 9 octobre dernier, IRIN a recueilli des informations sur les inscriptions enregistrées dans six établissements. Dans chacun de ces établissements, le taux de fréquentation cette année a chuté de plus de 50% par rapport à l’année précédente.
Selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), 28 pour cent des garçons et seuls 13 pour cent des filles étaient inscrits dans un établissement secondaire en 2004.
Au ministère de l’Enseignement pré-universitaire et de l’Education civique, Bakary Diawara, directeur national de la statistique et de la planification, avoue ne pas disposer du taux de fréquentation des élèves pour l’année scolaire 2005.
Toutefois, reconnaît-il, l’«extrême pauvreté » à laquelle sont confrontés aujourd’hui de nombreux parents d’élèves en Guinée peut très bien expliquer ce phénomène de déscolarisation massive.
« Les parents souffrent énormément pour scolariser leurs enfants », déplore M. Diawara.
En effet, le pays connaît une inflation galopante et de nombreux parents ont de sérieuses difficultés pour nourrir leurs enfants. Le prix du sac de riz à Conakry a pratiquement doublé, par rapport à l’année dernière, voire triplé dans certaines régions reculées, mais les salaires, eux, n’ont pas suivi.
En Guinée, l’inscription dans les établissements publics est gratuite. Cependant, les parents doivent payer les uniformes et le mobilier scolaire de leurs enfants.
« Ici ce sont les parents qui envoient les tables-bancs pour l’installation de leurs enfants dans les classes », explique le censeur du lycée Donka. Une table-banc sur le marché local coûte aujourd’hui 150 000 francs guinéens (27,46 dollars américains), contre 75 000 francs (13,73 dollars) en 2005.
Au grand marché de Madina, à Conakry, Fanta Doukoure cherche à acheter des fournitures scolaires. Il y a un an, explique-t-elle, un sac à dos scolaire coûtait 6 000 francs guinéens (1,09 dollars), aujourd’hui il est vendu 28 000 francs (5,12 dollars). « Le prix des cahiers ont plus que doublé et il arrive même parfois qu’on n’en trouve pas », fait remarquer la mère de famille.
En effet, le taux d’inflation en Guinée est passé de 45 pour cent en 2005 à 48 pour cent cette année, selon Soufiana Dabo, professeur d’économie à l’université de Conakry.
« A défaut d’aide extérieure, suspendue depuis 2002, l’Etat est actuellement obligé de faire marcher la planche à billets », commente M. Dabo.
Et les pauvres ne sont pas les seuls à ressentir les effets de l’inflation. A Koumandian Keita, l’un des plus grands groupes scolaires privés de Guinée, Aboubacar II Camara, directeur des études, a confié à IRIN que le 26 octobre dernier, seuls 525 élèves avaient repris les cours, contre 1 400, dès le premier jour de la rentrée l’année dernière.
Quant à Ibrahima Sadio Barry, agent de santé et parent d’élève, son salaire ne lui permet plus de payer les frais de scolarité de ses deux enfants.
« Je souffre énormément quand je vois chaque matin mes deux enfants qui ne vont pas à l’école », se lamente-t-il
Dans bien d’autres établissements privés, les parents font face aux mêmes problèmes. « L’année dernière je parvenais à faire face aux frais de scolarité de mon enfant, mais cette année je ne vois pas comment ce sera possible », se désole Sékou Ahmadou Cissoko dont le fils était inscrit au collège privé Saint Georges de Conakry.
En 2006, les frais de scolarité du collège Saint Georges ont pratiquement doublé par rapport à 2005.
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