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Des Somaliens victimes d'agressions xénophobes en Afrique du Sud

[South Africa/Somali] Abdi Agakonbo, 35, fled the war in Mogadishu last year and traveled penniless for three months to get to Cape Town. Once here, he was dismayed to find Somalis victims of widespread violence. [Date picture taken: 10/05/2006] Gretchen L. Wilson/IRIN
Abdi Agakonbo, 35, fled the war in Mogadishu last year and traveled penniless for three months to get to Cape Town
Les agressions à caractère xénophobe sont en hausse en Afrique du Sud où plusieurs douzaines de ressortissants somaliens ont été tués au cours des derniers mois dans la province du Cap Occidental.

L’Afrique du Sud affiche l’un des taux de criminalité les plus élevés au monde et abrite des immigrés venus des quatre coins du continent. Pour les Somaliens vivant dans la région, ces meurtres ainsi que les divers vols à main armée et agressions confirment cette hausse significative de la criminalité alimentée en partie par la pauvreté et les préjugés.

A en croire les autorités communales de la ville du Cap, la capitale provinciale, au moins 32 Somaliens ont été tués entre juillet et septembre derniers. La police a fait savoir qu’elle n’était pas en mesure de confirmer ce chiffre, car les meurtres ne sont généralement pas répertoriés en fonction de l’origine des victimes. Toutefois, la police a indiqué que des enquêtes ont été ouvertes dans le cas de certains meurtres afin de déterminer s’ils s’inscrivent ou non dans un contexte plus large.

« Si l’on observe ce qui s’est passé au sein de la communauté réfugiée au cours des trois derniers mois, on se rend compte que la communauté somalienne a particulièrement été visée », a affirmé le commissaire de police Billy Jones, porte-parole du Service de police sud-africain (SAPS en anglais) de la province du Cap Occidental.

Le commissaire Jones a souligné que des agressions, généralement associées à des vols, ont principalement eu lieu dans des camps de squatters et dans les quartiers pauvres, où les Somaliens tiennent les rênes du commerce informel. Et la concurrence acharnée qui existe dans ce secteur n’a fait qu’aggraver les tensions entre les communautés. Ainsi, les commerçants somaliens prospères sont parfois considérés comme une menace par les commerçants locaux établis depuis plus longtemps dans les quartiers, a expliqué M. Jones.

Les cas d’agression gratuite semblent également être en hausse. En effet, trois Somaliens ont récemment été tués au cours de trois attaques qui ont eu lieu dans les vastes townships de Khayelitsha et de Delft, a ajouté Billy Jones. « De toute évidence, ces trois dernières victimes ont été assassinées. Il s’agit là de meurtres commis de sang froid », a confié le commissaire Jones.

Billy Jones a indiqué que Mzwandile Petros, le commissaire de la province du Cap Occidental, avait organisé deux rencontres avec des représentants de la communauté somalienne et avait demandé aux commissariats de police locaux de renforcer les patrouilles à proximité des commerces tenus par des Somaliens.

Beaucoup de témoignages d’immigrés somaliens installés en Afrique du Sud rendent compte du sentiment de vulnérabilité qui prévaut au sein de la communauté.

L’insécurité au bout d’un long et pénible voyage

Des milliers de Somaliens sont arrivés en Afrique du Sud au cours des dernières années afin d’échapper à la violence qui ravage la Corne de l’Afrique depuis 1991. La plupart de ces immigrés ont entrepris ce long voyage dans l’espoir de trouver un petit emploi et de fuir l’insécurité, tous étant officiellement enregistrés comme demandeurs d’asile.

Cependant, ces immigrés sont souvent consternés par le niveau de violence qu’ils découvrent dans la ville du Cap, une ville côtière du sud du pays qui accueille de nombreux touristes internationaux.

« Avant de décider de venir en Afrique du Sud pour mener une vie meilleure, on m’avait dit que la ville du Cap était la moins dangereuse du pays », a déclaré Ali Yusef, un jeune Somalien de 29 ans qui a quitté Mogadiscio en 2002. « Lorsque je suis arrivé ici, je voyais tellement de gens mourir autour de moi que j’étais consterné. Et maintenant, la situation s’est aggravée, surtout au cours des deux ou trois derniers mois », a-t-il précisé.

Aucune donnée officielle ne permet de savoir combien de Somaliens vivent actuellement en Afrique du Sud, car la plupart d’entre eux ont fui la guerre en Somalie et sont entrés en Afrique du Sud sans aucune pièce d’identité. D’après les chiffres avancés par les autorités communales du Cap Occidental, entre 6 000 et 7 000 Somaliens vivraient dans la région. En outre, d’autres communautés somaliennes se sont implantées dans les neuf provinces de l’Afrique du Sud.

Abdi Agakonbo, 35 ans, a quitté Mogadiscio l’année dernière, après que trois membres de sa famille ont trouvé la mort pendant la guerre civile somalienne. Sans emploi, il a demandé de l’argent à son entourage pour pouvoir se rendre en bateau en Tanzanie avant d’aller au Mozambique en faisant de l’auto-stop.

Une fois au Mozambique, il a marché pendant 37 jours, allant d’un camp à un autre et dormant le long des axes routiers pour des raisons de sécurité.

Une fois la frontière sud-africaine franchie, il s’est fait conduire jusqu’à la ville du Cap en promettant au chauffeur de taxi de lui payer 50 dollars pour la course. Arrivé au Cap, Abdi Agakonbo a pris contact avec un compatriote qu’on lui avait recommandé avant son départ de Mogadiscio. Cet immigré somalien, propriétaire de plusieurs échoppes de la ville, est arrivé, a payé la course et a proposé à Abdi Agakonbo de travailler dans l’une de ses boutiques.

Aujourd’hui, Abdi Agakonbo vend des bonbons, des boissons et des cigarettes à l’unité sous un abri de fortune, à proximité d’une rue très passante. Il gagne trois dollars par jour, à peine de quoi payer les 55 dollars de loyer de l’appartement de trois pièces qu’il occupe avec dix-sept autres Somaliens. « Mais à Mogadiscio, il n’y a pas de travail, je ne gagnerais rien du coup », a-t-il déclaré.

L’histoire d’Abdi Agakonbo ressemble à celles des autres Somaliens vivant dans la ville du Cap. Pour la plupart, ce sont des hommes, jeunes, arrivés sans le sou et travaillant pour le compte de commerçants somaliens bien établis dans les townships. Et beaucoup de ces nouveaux immigrants soulignent non sans ironie l’hostilité à laquelle ils font face dans leur ville d’adoption.

« Je suis venu ici à cause de la guerre civile qui ravageait mon pays », a expliqué M. Agankobo. « Si je dois mourir ici de la même manière que dans mon pays, je me dis parfois que j’aurais mieux fait de rester chez moi », a-t-il confié.

Un climat de violence dans l’ensemble du pays

Les Somaliens habitant la province du Cap Occidentale ou sa périphérie reconnaissent que la région n’est pas la seule province sud-africaine où les membres de leur communauté ressentent cette insécurité. Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), en 2001, les Somaliens ont été chassés de KwaNobuhle, dans la province du Cap Oriental et des actes de violence ont été rapportés dans d’autres villes de la province l’année dernière. Des incidents similaires ont également été signalés dans les provinces du Gauteng, de Free State et du Nord-Ouest.

Abdi Hassan, un Somalien de 37 ans, a confié avoir été victime de xénophobie dans trois provinces d’Afrique du Sud. Arrivé de Mogadiscio il y a deux ans, il s’est vite habitué aux injures qu’on lui adressait lorsqu’il sillonnait les quartiers pauvres de la banlieue du Cap pour vendre des produits chinois importés.

« Les gens autour de moi me traitaient d’étranger et me crachaient dessus », s’est souvenu Abdi Hassan. « Même l’habitant le plus pauvre du quartier, comme l’ivrogne du coin, m’injuriait », a-t-il ajouté.

Pour Abdi Hassan, les commerçants sud-africains se sentaient souvent menacés par leurs homologues somaliens parce que ces derniers pratiquaient généralement des prix inférieurs aux leurs.

« Des commerçants locaux viennent vous voir et vous disent ‘tu me voles le marché, donne-moi quelque chose’. Et tu leur donnes ce qu’ils veulent, des bonbons, des cigarettes, n’importe quoi », a-t-il poursuivi.

Abdi Hassan a été attaqué par trois hommes, qui ont tenté de l’étrangler avec une ceinture en le menaçant de quitter le quartier. Il s’en est sorti, mais ses agresseurs sont partis en emportant tous ses biens et son argent.

Suite à cette agression, Abdi Hassan, sous le choc, a décidé de déménager dans un township situé à proximité de Kimberly, dans la province du Cap Nord, où il espérait être en sécurité.

Cependant, peu après avoir trouvé un nouvel emploi dans une petite échoppe tenue par un Somalien, des Sud-Africains ont fait irruption dans le magasin et ont tué son collègue à l’aide d’un révolver. Puis, les agresseurs ont braqué un fusil chargé sur sa tempe et lui ont dit que les Somaliens seraient tués s’ils ne quittaient pas le township.

De nouveau, Abdi Hassan a dû déménager dans un autre quartier pauvre, dans la province du Limpopo, dans le nord du pays. Il pensait que les habitants du quartier l’appréciaient jusqu’à ce qu’une femme l’avertisse d’un complot visant à le tuer. M. Hassan a tenté de porter plainte à la police locale, mais faute de preuve, il n’a pu bénéficier d’une protection et a dû s’enfuir.

Mais pourquoi les Somaliens ?

Comme l’indique le témoignage d’Abdi Hassan, les Somaliens semblent être la cible privilégiée des agresseurs sud-africains. Bien que les Somaliens vivent souvent dans des quartiers pauvres avec d’autres communautés immigrées (du Zimbabwe, du Malawi, du Mozambique, de la République démocratique du Congo), ils sont les principales victimes des attaques perpétrées par les Sud-Africains.

Dans les rues des townships proches de la ville du Cap, les échoppes des Somaliens ressemblent, en règle générale, à celles tenues par des Sud-Africains et l’on y trouve les mêmes marchandises : des conserves, des produits ménagers et cosmétiques. Certains commerçants locaux se plaignent que la présence de marchands somaliens constitue une menace pour leurs activités, des allégations que les Somaliens réfutent catégoriquement.

« C’est la loi du marché ! », s’est exclamé Hassan Farah, un jeune Somalien de 25 ans, propriétaire d’une épicerie près de Mossel Bay, à 400 kilomètres à l’est de la ville du Cap.

« Les gens peuvent dire tout ce qu’ils veulent, c’est bien eux qui fixent les prix non ? Les personnes qui tuent ne sont pas des commerçants, mais des bandits », a-t-il affirmé.

Un grand nombre de Somaliens s’interrogent sur les motivations qui poussent les Sud-Africains à s’en prendre à eux. Ainsi, pour certains, s’ils sont rejetés de la communauté sud-africaine, c’est à cause de leur langue et de leur apparence physique. Pour d’autres, c’est à cause de leur religion, l’islam. Enfin, certains reconnaissent ne pas avoir la moindre idée.

« Je ne sais pas pourquoi des Somaliens sont tués tous les jours », a confié Hassan Farah. « Si nous savions pourquoi, s’ils nous disaient ‘On vous tue pour telle raison…’, nous pourrions faire quelque chose pour éviter que cela ne continue ».

Après une période de troubles, une tentative de retour au calme

La communauté somalienne est certes victime de xénophobie, mais même dans les régions les plus défavorisées, des Sud-Africains et des Somaliens s’unissent pour lutter contre la violence.

Au mois d’août dernier, des commerçants sud-africains ont organisé une campagne pour chasser les Somaliens hors de Masiphumelele, un township situé à 25 kilomètres au sud-est de la ville du Cap. Dans la nuit du 28 août, des centaines d’habitants ont pillé 27 échoppes tenues par des Somaliens. Soixante et onze Somaliens ont été évacués avec l’aide de la police et de l’église locale. Le lendemain matin, six commerces ont été entièrement détruits.

La semaine dernière, Raqiyou Yusuf a rouvert son échoppe pour la première fois depuis la fin des incidents. Cela fait huit ans que cette jeune Somalienne de 31 ans vit à Masiphumelele et elle y a de nombreux amis. Devant la porte de son petit commerce, Raqiyou Yusuf reçoit les salutation de ses clients qui viennent, entrent et sortent. Certains l’embrassent.

Comme son magasin a quasiment été vidé lors du pillage, Raqiyou Yusuf a dépensé plus de 1 000 dollars pour le rachat de la marchandise volée. Brandissant les factures, elle a indiqué à IRIN qu’elle ne savait pas combien de temps elle continuerait de travailler. Une rencontre entre les petits commerçants somaliens et les responsables du commerce local devrait bientôt se tenir afin de mettre un terme aux hostilités, mais l’inquiétude de Raqiyou Yusuf persiste.

« J’ai ouvert hier, mais j’ai toujours peur », a-t-elle reconnu. « Je n’ai pas acheté beaucoup de marchandise, juste quelques conserves et d’autres bricoles. Je ne suis pas revenue avec mes enfants et par conséquent, ils ne vont plus à l’école. J’attends de voir comment évoluent les choses, si le calme perdure », a-t-elle conclu.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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