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Une société en décomposition après des années d'instabilité politique

[Guinea-Bissau] Chief fire officer Malam Djaura watches Guinea Bissau's only fire-fighting vehicle start up. Picture taken in Bissau. [Date picture taken: 05/28/2006] Sarah Simpson/IRIN
Le colonel Malam Djaura regardant un collègue démarrer le seul véhicule encore en état de marche à la brigade des sapeurs pompiers de Guinée Bissau

Les habitants de la capitale de la Guinée-Bissau ironisent souvent sur le fait que leurs pompiers sont les seuls soldats du feu au monde à se rendre sur les lieux d’un incendie sans disposer de réserve d’eau. Et selon le colonel Malam Djaura, les pompiers manquent également de vêtements de protection, de matériels de secours, d’une ligne téléphonique sortante et ne sont toujours pas payés depuis deux mois.

Faute de financements ou d’équipements, Malam Djaura et son équipe de 74 pompiers ne peuvent remplir leur mission depuis plusieurs mois – une situation à laquelle est confrontée la majorité des fonctionnaires de cette ancienne colonie portugaise d’Afrique de l’ouest.

Le grand bâtiment de l’unique caserne de pompiers du pays abrite une douzaine de véhicules et de camions de pompiers, mais un seul est en état de marche en cas d’urgence : un vieux land-cruiser qui démarre généralement au troisième essai.

« Imaginez un peu ! La Guinée-Bissau a une superficie de 36 000 km2 et compte environ 1,5 million d’habitants. Ce pays ne possède qu’une seule caserne de pompiers et ne dispose que d’un seul véhicule citerne qui ne peut contenir que 300 litres d’eau », a déploré le colonel Djaura.

« Il y a quelques jours, dans la rue Belem, qui se trouve à peine cinq minutes de la caserne, une maison a pris feu et trois familles ont perdu tous leurs biens parce que nous étions incapables de les aider », a-t-il ajouté. « C’était terrible. »

Quelques mois auparavant, le grand marché de Bissau est parti en fumée, puis le groupe électrogène de secours de l’hôpital général a pris feu. Dans les deux cas, les pompiers n’ont rien pu faire.

L’ancien palais présidentiel laissé à l’abandon, après la destruction de sa toiture pendant la guerre civile, il y a sept ans

Autrefois, les habitants de Bissau faisaient appel aux pompiers, qui avaient de beaux uniformes et des camions rouges flambant neufs. Pendant la guerre civile, qui a ravagé le pays en 1998-1999, la caserne des pompiers servait de refuge aux familles qui fuyaient les rebelles. L’impact des balles et les dégâts causés par les combats sont toujours visibles sur la façade de la caserne.

Selon Malam Djaura, pompier depuis 26 ans, l’état des unités de sapeurs pompiers, comme la majorité des autres services du pays, s’est dégradé depuis l’indépendance accordée en 1974 par le Portugal.

Le Premier ministre Aristides Gomes, qui a pris ses fonctions en novembre dernier, a déclaré, lors d’un entretien accordé à IRIN, que le nouveau gouvernement s’était fixé comme priorité d’améliorer le niveau de vie des habitants de Guinée-Bissau en modernisant le pays.

« Il faut moderniser le pays », a insisté Aristides Gomes.

« Il faut davantage d’infrastructures pour permettre aux entreprises d’investir. Il faut moderniser les routes, régler le problème de l’électricité et des communications. Voilà notre stratégie », a-t-il poursuivi.

La Guinée-Bissau est un petit pays de l’Afrique de l’ouest, au sud du Sénégal. Cependant, compte tenu du piteux état des routes et des bateaux qui faut prendre pour traverser les rivières, parcourir une centaine de kilomètres en voiture peut prendre une journée entière.

L’absence d’investissements dans les infrastructures nationales et dans les services publics est chronique en Afrique de l’ouest où on compte près de la moitié des 26 pays les moins développés du monde.

Après plusieurs décennies de conflit et d’instabilité politique, la Guinée-Bissau fait face à des défis majeurs. A proximité du bureau du Premier ministre, se trouve le port national, un dépotoir et cimetière pour de nombreuses épaves de bateaux rouillées et abandonnées. Une grande partie de la zone commerciale près du port a été détruite il y a sept ans, pendant la guerre civile, et les commerçants n’ont jamais pu rouvrir leurs boutiques car ils n’ont pas été indemnisés.

Vieux ferry assurant la traversée de la rivière Cacheu et permettant de rejoindre l’axe routier vers la région nord

Au coucher du soleil, les petites maisons coloniales de Bissau, la capitale, sont plongées dans le noir à cause des coupures d’électricité ou des factures impayées. L’hôpital Simao Mendes, le principal hôpital du pays, est lui aussi confronté aux problèmes d’électricité. Depuis que le groupe électrogène de secours a pris feu en mars dernier, les infirmières sont souvent contraintes de faire face aux urgences de nuit en s’éclairant à la lanterne ou à la bougie. L’hôpital est équipé d’un groupe électrogène portable, mais cela n’est pas suffisant.

« Il n’y a qu’un seul service d’urgences en Guinée-Bissau », a déclaré l’infirmière-chef Nene Catrona Sanca alors qu’elle tentait de se frayer un chemin au milieu des patients qui obstruent le passage et dégagent une odeur pestilentielle.

« Nous avons onze lits dans en salle de soins et de sept lits de fortune dans le couloir. »

Avec une capacité de 416 lits, les maigres ressources de l’hôpital sont surexploitées. Par exemple, dans le service de maternité, femmes enceintes et nouvelles mamans dorment dans le même lit. Et à en croire Agostiho Ca, le directeur de l’hôpital, les chirurgiens sont souvent obligés de pratiquer des interventions sans disposer de tout le matériel nécessaire et son budget ne lui permet pas d’acheter des produits d’entretien de base.

Le port de Bissau est un cimetière pour bateaux

« Le toit fuit à certains endroits. Le système électrique est endommagé, par conséquent, nous n’avons pas de lumière même quand il y a de l’électricité », a ajouté Agostiho Ca. « Et nous nous attendons à davantage de problèmes avec la saison des pluies qui va bientôt commencer. »

Et pourtant, les investissements nécessaires pour remédier à ces carences et augmenter l’espérance de vie - qui est actuellement de 45 ans -, sont relativement minimes.

Le projet de budget d’un montant de 187 millions de dollars américains a été soumis à l’Assemblée nationale. S’il est adopté, les secteurs de la santé et de l’éducation se partageront 1,8 millions de dollars, soit 10 pour cent du montant total du budget. Cela ne suffira pas à réhabiliter l’hôpital Simao Mendes pour le mettre aux normes internationales.

Et le gouvernement devra compter sur l’aide internationale qui financera le budget à hauteur de 60 pour cent, pour lui permettre de payer, entre autres, les deux mois d’arriérés de salaire de ses fonctionnaires.

Par ailleurs, le gouvernement sait qu’il lui faut réduire ses dépenses, notamment en « dégraissant la fonction publique », a expliqué le Premier ministre.

« Il faut faire des réformes, changer beaucoup de choses […]Il faut aussi améliorer la qualité des services, dégraisser la fonction publique en réduisant les effectifs, moderniser l’outil et nos méthodes de travail », a déclaré Aristides Gomes, tout en refusant de préciser le nombre de fonctionnaires qui seraient licenciées.

La Défense et la sécurité sont les deux postes de dépense les plus importants et représentent 11,5 pour cent du budget. Le gouvernement travaille actuellement avec les forces armées pour mettre en place un programme de réduction des effectifs, en accordant la retraite aux soldats les plus âgés et en proposant des stages de reconversion aux autres, a ajouté M.Gomes.

Les nombreux coups d’Etat perpétrés en Guinée Bissau et dans lesquels Tagme Na Wai, l’actuel chef d'état-major des armées, a été impliqué, prouvent que la réduction des effectifs de l’armée pourrait déclencher de nouvelles vagues de violence.

Ces deux femmes dorment dans le même lit à la maternité de l’hôpital de Simao Mendes, à Bissau

Aristides Gomes est confiant et pense que la Guinée-Bissau a tiré un trait sur les coups d’Etat (le dernier a eu lieu en 2003).

« Aucun pays ne peut donner de garantie dans l’absolu, surtout lorsqu’il s’agit de pays qui connaissent des difficultés économiques et sociales. »

Selon le Fonds monétaire international (FMI), la croissance économique de la Guinée-Bissau stagne depuis l’an 2000 et accuse même une baisse. Bien que son économie repose essentiellement sur l’agriculture de subsistance, la Guinée-Bissau est un importateur net de denrées alimentaires. En outre, il n’y a pratiquement aucune usine de fabrication ni activité industrielle dans ce petit pays d’Afrique de l’ouest.

Selon un rapport national 2004 relatif aux Objectifs du millénaire pour le développement, près de 80 pour cent de la population vit avec moins de deux dollars par jour.

« Il y a une année, les choses allaient si mal que nous n’avons pas été payés pendant neuf mois », a déclaré le colonel Djaura. « Nous sommes des patriotes, nous aimons notre pays, nous faisons notre travail, même si parfois nous ne sommes pas payés. »

« Un soldat du feu rentre souvent chez lui en sachant qu’il n’aura rien à manger. Mais nous n’abandonnerons pas, nous espérons que les choses s’arrangeront un jour », a-t-il conclu.

Pour lire l'interview complète du Premier ministre cliquez ici


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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