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Tous les réfugiés libériens ne sont pas prêts à regagner leur pays

Si Darling Peah décide de quitter le camp et de rentrer au Liberia, elle découvrira que son pays natal s’est doté d’une nouvelle présidence, mais elle ne retrouvera certainement plus sa maison, son emploi ou certains membres de sa famille.

« Je ne peux pas retourner au Liberia. Ma maison a été brûlée et ma soeur tuée », a expliqué la jeune dame de 32 ans, qui vit dans un camp de réfugiés installé dans la banlieue d’Accra, la capitale ghanéenne.

Plus de deux ans après la fin de la guerre civile au Liberia, quelque 200 000 réfugiés libériens, éparpillés en Afrique de l’ouest, vivent encore dans des camps et des maisons de fortune.

L’élection le mois dernier de Mme Ellen Johnson-Sirleaf à la présidence de la république – la première femme africaine à occuper ses fonctions -, a marqué un tournant décisif dans l’histoire mouvementée de ce pays d’Afrique de l’ouest.

Dans son programme électoral, la « dame de fer », comme on la surnomme, avait promis de refermer le sombre chapitre de la guerre et de reconstruire le pays, de créer des emplois, développer l’agriculture et restaurer les infrastructures détruites par la guerre.

Politiciens, agences humanitaires, spécialistes en sécurité ou diplomates, tout le monde s’accorde à reconnaître que la tâche est immense et beaucoup de Libériens vivant en exil préfèrent jouer la carte de la prudence et attendre de voir si la nouvelle Présidente tiendra ses promesses.

« Si la situation s’améliore, peut-être que je retournerai au Liberia. Mais en attendant, je ne bouge pas du Ghana », a expliqué Darling Peah.

Dans le camp de réfugiés de Buduburam, la jeune dame tient un petit stand où elle fait frire des bananes plantains qu’elle vend dans des sachets plastiques.

« L’argent que je gagne ici suffit à nourrir ma famille et à payer les frais de scolarité de mes enfants. Les problèmes de sécurité persistent au Liberia et il n’y a pas d’emplois ».

La photo et la musique comme moyens de subsistance

Amos T. Benson, 34 ans, a quitté le Liberia en 1996. Profitant d’un contrat de convoyage de véhicule à Monrovia, la capitale libérienne, il a eu l’occasion de retourner dans son pays natal. Mais Amos voue avoir été très déçu par les réalités son pays.

Retourné au Ghana après les élections présidentielles de novembre dernier, Amos ne compte pas revenir de si tôt dans son pays. Il envisage même de faire partir ses parents du Liberia, s’il le pouvait.

« Je n’y reviendrai pas de si tôt », a-t-il avoué. « Et si j’avais de l’argent, je ferai venir mes parents au Ghana pour les avoir à mes côtés ».

Amos vit depuis neuf ans dans le camp de Buduburam. Il tient un petit studio photo – ouvert en 1998 grâce à l’aide d’un ami libérien – et se fait quelques revenus supplémentaires en jouant de la guitare dans la chorale d’une église ou à l’occasion de fêtes ou de réjouissances.

Mais ce qui l’inquiète, c’est que d’autres réfugiés ont eux aussi ouvert des studios photos dans le camp, et que ses revenus ont baissé.

« Je me faisais 300 dollars américains par mois », a expliqué Benson.

« Lorsque j’ai commencé, il n’y avait que cinq studios dans le camp. Aujourd’hui, il y en a plus de 50 et je ne gagne plus que 175 dollars environ, sans compter l’argent que je gagne à l’occasion d’événements particuliers comme les fêtes de Noël et ou du Nouvel An. Je n’arrive pas à épargner de l’argent car tout ce que je gagne me sert à nourrir les quatre membres de ma famille et six autres personnes qui sont à ma charge ».

Et pour la plupart des 40 000 réfugiés libériens du Ghana, l’histoire est un peu la même.

L’un des principaux sujets d’inquiétude est la présence permanente d’ex-combattants désoeuvrés dans les régions du Liberia.

« Il faut désarmer les ex-combattants », a confié à IRIN Cecelia Wreh, une jeune femme de 35 ans. « On devrait aussi proposer un programme complet de réinsertion et de formation à ceux qui rentrent au pays. Si ces conditions ne sont remplies, le retour au Liberia n’est pas envisageable ».

« Je me souviens encore de la violence de coups que m’ont fait subir ces soldats », a-t-elle ajouté.

Selon la mission des Nations unies au Liberia (MINUL), plus de 100 000 ex-combattants ont été désarmés et des milliers d’autres attendent de recevoir une aide pour trouver un emploi et se réinsérer dans la vie civile.

Une aide insuffisante mais vitale pour les réfugiés

Installée au Ghana depuis 1995, Cecelia Wreh subvient aux besoins de sa famille en achetant des fruits et légumes sur le marché local qu’elle revend dans le camp des réfugiés où la plupart des résidents ne reçoivent plus d’aide alimentaire.

L’ONU avait suspendu son aide aux réfugiés libériens en 2000 lorsque, à la faveur d’une trêve dans le conflit, beaucoup d’entre eux avaient choisi de regagner leur pays. Mais la reprise des combats avait contraint de nombreux Libériens à reprendre le chemin de l’exil.

Le Haut commissariat des Nations unies (HCR) avait alors repris son programme d’assistance au Ghana, en fournissant notamment une aide alimentaire aux réfugiés les plus vulnérables pendant une partie de l’année 2004.

Selon Jane Muigai, agent de protection au HCR, l’agence continuera à apporter son assistance aux réfugiés libériens au Ghana, tout en les encourageant à rentrer dans leur pays maintenant que la situation s’est améliorée.

« La politique du HCR est de ne pas couper totalement l’aide aux réfugiés », a indiqué Mme Muigai. « Nous continuerons à suivre l’évolution de la situation politique et, si elle s’améliore, nous engagerons un processus de rapatriement volontaire afin d’encourager les réfugiés à rentrer dans leur pays ».

Mais dans un camp où ils se sentent en sécurité et où, selon le HCR, les réfugiés ont accès à l’eau potable et sont soignés pour une somme modique, beaucoup d’entre eux n’envisagent pas de retourner dans leur pays.

Fin 2004, soit un peu plus d’un an après la fin officielle du conflit, le HCR avait rapatrié une première vague de réfugiés. Mais depuis le 2 décembre, seuls 2 450 Libériens ont choisi de rentrer dans leur pays, a indiqué l’agence.

La plus forte communauté de réfugiés libériens dans la sous-région est installée en Guinée où vivent encore près de 54 200 ressortissants libériens. A une époque, ce pays abritait plus de 400 000 réfugiés sierra léonais et libériens.

Selon le HCR, un peu plus de 19 000 Libériens ont été rapatriés de Guinée depuis novembre 2004, et l’agence compte en rapatrier quelque 40 000 au cours de la première moitie de l’année 2006.

Mais d’après un sondage réalisé par le personnel du HCR auprès d’un petit échantillon de Libériens présents dans deux camps de réfugiés en Guinée, la majorité d’entre eux envisagent de retourner dans leur pays, mais certains préfèrent attendre deux ou trois mois, après l’investiture de Mme Sirleaf, pour voir comment les choses évolueront.

Les réfugiés interrogés sont surtout préoccupés par l’absence de programme d’aide au retour et par le manque d’opportunités de travail au Liberia.

En outre, certains choisissent de rester en exil dans l’espoir de bénéficier un jour du programme de l’ONU permettant la réinstallation de réfugiés dans des pays développés.

« En fait, c’est ce que nous demandons tous au Bon Dieu”, a confessé Benson, une fois de retour au camp de Buduburam.

« C’est le seul espoir que nous avons dans ce camp. Mais si cela ne se réalise pas et que les autorités ghanéennes nous demandent de partir, j’irai en Guinée ou au Nigeria, mais pas au Liberia ».

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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