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Plusieurs villages renoncent à la pratique de l'excision

[Sierra Leone] A girl with the knife in her hands in an initiation ceremony. She will be taught to became a ‘sowie’ assistant. The custom provides an income to the women who perform the circumcisions. IRIN
Instruments rudimentaires utilisés pour l'excision
« Il faut deux personnes au minimum pour exciser une fille. Une qui tient ses jambes et une autre ses bras », explique Ourey Sall, une ancienne exciseuse. « Après, on met une mixture de crottes de chèvre et de plantes sur la plaie pour arrêter l’hémorragie ».

Cela fait cinq ans qu’elle a déposé le couteau, rompant une tradition héritée de sa mère et de sa grand-mère. La décision fut difficile à prendre, mais elle reflète les progrès enregistrés dans la lutte contre l’excision au Sénégal.

Perdue au milieu d’une foule compacte, elle assistait ce jour-là à une cérémonie publique de renonciation à l’excision et aux mariages précoces et forcés, organisée par 70 villages de la région de Matam, dans la vallée du fleuve Sénégal.

Cette cérémonie, qui avait lieu à Sédo Abass, est la 19ème du genre au Sénégal et a réuni villageois, chefs de villages et élus locaux, personnel humanitaire et même une délégation venue de Mauritanie pour observer le modèle sénégalais afin de le reproduire dans ce pays où, d’après l’enquête démographique et de santé (EDS) de 2001, 71 pour cent des femmes de 15 à 49 ans sont excisées.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’excision touche aujourd’hui entre 100 et 140 millions de fillettes et de femmes à travers le monde.

On la rencontre couramment sous trois formes : l’ablation simple du clitoris, l’ablation du clitoris et des lèvres internes, et l’infibulation, une opération consistant à enlever les organes génitaux externes puis à recoudre l’orifice vaginal en ne laissant qu’une petite ouverture pour que l’urine et les menstruations puissent s’écouler.

Une loi rarement appliquée

Perçue aujourd’hui par bon nombre de gouvernements et d’organisations internationales comme une violation des droits humains et une atteinte à l’intégrité physique de la femme pouvant entraîner de graves troubles de la santé, l’excision serait apparue il y a plus de 3 000 ans en Egypte antique. Elle constituait alors un rite de fertilité dans lequel les parties excisées de la femme étaient offertes au Nil sacré.

Aujourd’hui, elle relève de motivations diverses et, selon les groupes qui la pratiquent, serait une recommandation religieuse, un moyen de préserver la virginité de la jeune fille, de la purifier, ou encore d’éviter que le nouveau-né ne meurt au contact du clitoris.

Au Sénégal, où 20 pour cent de la population est concernée par cette pratique, l’excision est surtout pratiquée par les membres des ethnies bambara, socé, soninké, mandingue et halpular.

Ainsi, à Matam, une région peuplée majoritairement d’Halpulars, plus de 94 pour cent des femmes de 15 à 49 ans sont excisées, selon l’enquête démographique et de santé (EDS) réalisée en 2005.

En 1999, l’assemblée nationale sénégalaise avait voté une loi interdisant l’excision, et malgré les nombreuses infractions à la loi, les sanctions pénales prévues – de 6 mois d’emprisonnement aux travaux forcés à perpétuité – ont rarement été appliquées.

Pour inciter les populations à renoncer rapidement à cette pratique, le ministère de la femme, de la famille et du développement social a également mis en place un plan d’action national pour l’abandon de la mutilation génitale féminine, et travaille depuis une dizaine d’années environ en partenariat avec l’UNICEF et quelques ONG.

Tostan, ou ‘éclosion’ en wolof, la langue la plus parlée au Sénégal, fait partie de ces ONG partenaires. Bien que sa mission première soit la promotion de l’alphabétisation, de l’hygiène, et de la santé, elle est devenue, malgré elle, très impliquée dans la lutte contre l’excision.

Faire passer le message

« Ce programme d’éducation de base ne visait pas du tout l’abandon de l’excision », a expliqué Molly Melching, la fondatrice de l’ONG. « Nous sommes partis d’un mouvement positif pour la promotion des droits humains. Mais quand les populations voient qu’une tradition qui nuit n’est pas une tradition qui peut contribuer à leur bien-être, ils décident de l’abandonner».

Depuis 1997, plus de 1600 communautés sénégalaises sensibilisés à l’action de Tostan ont abandonné l’excision, ce qui représente un peu plus de 30 pour cent des 5 000 qui la pratiquaient.

« C’est justement parce qu’on a jamais dit qu’on luttait contre cette tradition qu’on a eu du succès », a ajouté Mme Melching.

Comme l’explique le chef du village de Katooté, qui était également présent à la cérémonie de renonciation, « Tostan nous a sensibilisé sur les méfaits de l’excision. Mais ce sont les gens qui prennent la décision d’abandonner cette pratique »

« Nous, on a convoqué une grande réunion, il y a un an. Et on a décidé de l’abandonner », a-t-il ajouté.

Parce que les populations des différents villages se marient entre elles, une famille ou une communauté ne peut a elle seule prendre la décision d’abandonner la pratique de l’excision. Tostan a donc choisi d’adopter une approche participative impliquant l’ensemble de la communauté qui se charge ensuite de sensibiliser les villages alentours.

Une pratique ancestrale et non religieuse

Au Sénégal, la plupart des populations pratiquant l’excision pensent qu’elle est recommandée par l’islam. C’est le cas dans la région de Matam, où, selon l’UNICEF, 99 pour cent de la population est musulmane.

Or, comme l’a souligné Mahmadou Kahn, marabout dans le village de Kaatooté, « l’excision remonte bien avant l’islam et grâce aux progrès de la science on a identifié beaucoup d’inconvénients ».

« Abandonner cette pratique est devenu une nécessité » a-t-il ajouté.

En effet, l’excision, souvent pratiquée dans des conditions d’hygiène rudimentaires provoque des hémorragies et, à plus long terme, des kystes, l’incontinence, l’absence de plaisir sexuel, et la stérilité.

Sans parler des risques d’infection à VIH, sachant que certaines exciseuses peuvent, comme le faisait Mme Sall, exciser jusqu’à 15 filles par jour, sans nécessairement changer ou stériliser la lame utilisée.

Mais les conséquences les plus graves de l’excision se révèlent lors de l’accouchement, où souvent, les tissus se déchirent et provoquent des hémorragies. Par ailleurs, on constate que les femmes excisées ont généralement du mal à expulser l’enfant.

« Si la phase de dégagement dure, l’enfant ne peut plus respirer car ses voies aériennes sont obstruées. On appelle ça la souffrance fœtale. Cela peut entraîner des problèmes neurologiques, un handicap et même la mort de l’enfant», explique Fatou Fall Seck, une sage-femme à l’hôpital d’Ourossogui, qui confie que 99 pour cent des femmes qu’elle accouche sont excisées.

« Respecter nos droits »

Malgré les risques sanitaires de l’excision, certaines poches de résistance demeurent.

« La plupart de mes amis sont favorables à l’excision. Ils disent qu’elle diminue la sexualité des filles car une fille excisée a moins de désirs sexuels qu’une fille non excisée », a déclaré à IRIN Seydi Silla, un jeune homme de 21 ans qui affirme ne pas savoir s’il excisera ou pas ses filles.

« Je ne vois pas pourquoi des étrangers viennent nous imposer leur point de vue », a t-il poursuivi, reflétant là l’opinion d’autres poches de résistance, comme celle des grand-mères qui excisent souvent leurs petites filles à l’insu de leurs mères.

Mais Dieynaba Sy, jeune fille de 13 ans, qui a créé une association d’adolescents luttant contre l’excision, après que sa grand-mère l’ait faite exciser à l’insu de sa mère, il y a 3 ans, a profité de la cérémonie de Sédo Abass pour s’adresser à ses aînés.

« Nous demandons à nos pères et à nos mères de nous comprendre aujourd’hui et de respecter nos droits », leur a-t-elle déclaré.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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