« L’élection du 27 novembre est vidée de son sens compte tenu du paysage politique et des forces en présence », a déclaré lundi à IRIN Bissiélo Anaclé, le chef du département Sociologie de l’université Omar-Bongo de Libreville.
« Elle pourrait bien se traduire par une forte abstention ».
L’élection mettra aux prises Omar Bongo Ondimba, doyen des chefs d’Etat africains, au pouvoir depuis 38 ans, à quatre candidats dont l’ancien dignitaire du régime, aujourd’hui passé dans l’opposition, Zacharie Myboto et l’opposant de vieille date Pierre Manboundou.
Mais ces derniers ne semblent pas en mesure de barrer la route au président qui brigue un sixième mandat rendu possible par un amendement constitutionnel en 2003.
Malgré les panneaux « Je suis secrétaire, je vote ! « Je suis footballeur le vote ! » « Je suis fonctionnaire je vote ! » visibles dans les villes du Gabon, relayés par les media et les appels des candidats à la troisième élection présidentielle pluraliste de ce petit pays pétrolier d’Afrique centrale, de nombreux inscrits n’ont pas encore retiré leur carte d’électeur.
Ainsi, trois jours avant le début du scrutin, la moitié des inscrits de la ville de Port-Gentil, la deuxième ville du pays, n’avaient pas encore retiré leur carte d’électeur, a rapporté l’agence Gabonews, mercredi.
Ce sont 560 000 électeurs de ce pays forestier qui sont appelés à élire leur président vendredi, pour les forces de l’ordre, et dimanche, pour le reste de la population.
Et pourtant, assure le professeur Philippe Ndong de l’université de Libreville, M. Bongo ne ménage pas les efforts pour convaincre les Gabonais de se rendre nombreux aux urnes et de le plébisciter.
« Et même si Bongo est certain d’être réélu, il continue à mobiliser et à dépenser beaucoup d’argent pour acheter des voix », a-t-il déclaré. « Les dons se multiplient en dernière minute pour pousser les populations à voter pour lui ».
Avant même le début de la campagne électorale, limitée à onze jours au Gabon, Omar Bongo Ondimba, 69 ans, a décrété, à la mi-septembre, la gratuité des frais de scolarité pour tous les élèves du public. Trois semaines plus tard, il a annoncé que l’Etat prendrait en charge le règlement des factures d’eau et d’électricité du mois de novembre de 100 000 foyers gabonais.
A trois jours de la fin de la campagne électorale, le président Bongo a parcouru la majorité des neufs provinces du pays, enchaînant les meetings électoraux à l’issue desquels partisans du régime, responsables associatifs ou élèves dispensés de classes pour l’occasion ont été gratifiés de billets de banque.
Pour le professeur Anaclé, « il y a une rupture consommée entre le pouvoir et la population, uniquement motivée à coup de débauches de moyens financiers ».
Le Gabon est un pays relativement riche par rapport aux autres pays africains, avec un produit national brut par habitant trois fois supérieur à la moyenne des pays d’Afrique subsaharienne, en raison notamment de ses revenus pétroliers et d’une population qui dépasse à peine le million de personnes.
Mais la production du pétrole stagne, et le pays peine à passer d’une économie de rente à une économie productive.
« Bongo veut rester président à vie mais ne défend plus la cause du pays car les moyens financiers nous manquent », a déclaré à IRIN Firmin Makaya, un employé de Libreville.
« La fin du pétrole est pour bientôt et rien n’a été préparé pour le remplacer ».
Allégations de fraude
Les candidats de l’opposition ne se sont lancés dans la course électorale qu’après que le président Bongo leur ait octroyé 40 des 120 postes de président de commissions électorales auparavant assignés au pouvoir.
Mais de nombreux analystes dénoncent l’opacité des mécanismes électoraux gabonais.
« Depuis 1990, toutes les élections ont donné lieu à des contestations car les mécanismes électoraux étaient faussés, et cette année encore le pouvoir a mis en place un mécanisme opaque », a indiqué le sociologue Anaclé.
L’élection présidentielle de 1998 s’est soldée par la victoire du président Bongo, avec les deux tiers des voix. L’opposant historique, Pierre Mamboundou, qui se présente à nouveau cette année, n’avait été crédité que de 16 pour cent des votes et avait crié à la fraude.
Dans un courrier adressé au chef de l’Etat en début de mois, Zacharie Myboto, l’ancien dignitaire du régime, passé dans l’opposition, a appelé le pouvoir à cesser les pratiques frauduleuses dont il dit avoir été témoin.
« Il sera bon que vous ne vous attribuiez plus, comme par le passé, un pourcentage des suffrages avant la fin du dépouillement des bulletins et ensuite affecter aux autres candidats, cela au gré de votre volonté, les pourcentages qui vous satisferont », a écrit M. Myboto.
Et la mesure prise par les autorités, de faire voter les membres des forces de l’ordre deux jours avant l’ensemble des Gabonais, est également suspecte, aux yeux des candidats, car le nombre de militaires inscrits sur les listes n’a pas été dévoilé.
Enfin, le fait que les autorités aient avancé trois chiffres de population différents, 1,26 millions suite au recensement effectué en 2003, 1,51 millions donnés par la Cour constitutionnelle, et 1,52 millions récemment révisés par le gouvernement.
Après près de quatre décennies de pouvoir du président Bongo et la perspective d’un nouveau septennat, certains électeurs considèrent cette nouvelle élection comme un exercice de relations publiques, et non une preuve de démocratie.
« Moi, je crois que je n’irai même pas voter », a indiqué le professeur Ndong.
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