C’est le premier appel du genre que l’ONU lance pour l’Afrique de l’ouest qui est frappée par une épidémie de choléra à chaque saison des pluies. Mais cette année, les pluies diluviennes qui se sont abattues sur la région ont amplifié le phénomène, provoquant une recrudescence des cas de choléra. Par ailleurs, la mobilité des populations dans la région et l’exode rural ont contribué à propager la maladie.
« Il est nécessaire de contenir le choléra dans la sous-région et d’aider les systèmes de santé à éradiquer cette épidémie, afin qu’elle ne devienne pas un phénomène chronique et qu’elle ne s’étende pas aux pays voisins comme le Tchad, le Nigeria et le Cameroun » a déclaré Hervé Ludovic de Lys, le directeur régional d’OCHA (Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires) pour l’Afrique de l’ouest.
Près de la moitié des fonds – servant à appuyer les efforts continus du gouvernement et des agences humanitaires de l’ONU- est destinée à la Guinée-Bissau, un pays de près de 1,5 millions d’habitants où, à la mi-octobre, le choléra avait fait 320 victimes et touché 20 415 personnes, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Alors que la saison des pluies tire à sa fin, le choléra recule dans la plupart des pays de la région, mais de nouvelles infections se déclarent encore dans certaines zones et à brèves et longues échéances, d’importants défis restent à relever, affirment les experts de la santé.
« Si nous ne faisons rien maintenant pour renforcer la capacité du gouvernement à réagir, à attirer l’attention de la communauté internationale et à améliorer les conditions d’hygiène et les systèmes d’assainissement, le choléra continuera de poser un grave problème », a affirmé John Mulangu, le coordinateur pour l’Afrique de l’ouest des secours d’urgence de l’OMS.
Touchant des zones déjà défavorisées, le choléra est un frein au développement, selon l’ONU. « Outre la souffrance humaine qu’il entraîne, les épidémies de choléra font peur, bouleversent les structures économiques et sociales et affectent les communautés, pèsent énormément sur les systèmes de santé déjà précaires et constituent un obstacle au développement ».
Les gouvernements de la région - qui couvre quelques-uns des pays les plus pauvres de la planète - essayent tant bien que mal de prendre en charge leurs malades et d’endiguer cette maladie très contagieuse.
Dans certains cas, les autorités ont interdit aux vendeurs ambulants de vendre des sachets d’eau et des aliments dans les rues. En Guinée Bissau, le gouvernement a également interdit temporairement les cérémonies traditionnelles, mais selon les autorités sanitaires de telles mesures sont difficiles à appliquer.
Dans le cadre de l’appel de fonds, l’ONU a proposé un programme d’investissement pour couvrir des besoins de base tels que la formation du personnel médical et des agents de santé communautaires et la construction de systèmes sanitaires décents car l’absence de ces deux éléments contribue à propager la maladie.
La Gambie, le Mali, la Mauritanie, Sao Tome et Principe et le Sénégal bénéficieront également de ce programme d’investissement d’une durée de six mois.
Au Sénégal, le choléra a fait près de 400 victimes cette année et affecté plus de 27 000 personnes, selon l’OMS.
Le choléra est une infection intestinale aiguë qui provoque une rapide déshydratation de l’organisme et la mort en l’espace de 24 heures, alors qu’une simple solution d’eau, de sucre et de sel permettrait de réhydrater les patients et de sauver de nombreuses vies.
Et selon les professionnels de santé, de simples mesures d’hygiène peuvent freiner de manière significative la propagation de la maladie.
Ciré N’Dao, vendeuse de bijoux au marché de Médina, à Dakar, affirme que depuis que la radio et les chefs religieux parlent du choléra, elle applique à la lettre les mesures d’hygiène qu’ils recommandent.
Derrière son étal au marché, on trouve deux bassines – une avec de l’eau javellisée pour se laver les mains et une autre pour l’eau usée. Elle garde également de vieilles brosses à dent que sa famille et elle utilisent pour se frotter les ongles.
Selon elle, certaines personnes appliquent strictement les mesures d’hygiène pendant un laps de temps, lors des campagnes de lutte contre le choléra, puis relâchent leur vigilance.
« Ils en ont marre de toutes ces mesures, puis ils ne les appliquent plus. Ou, d’autres se lavent les mains et javellisent l’eau pendant la journée, mais oublient de le faire le soir. Ce qu’il faut leur faire comprendre, c’est que la propreté est une affaire de tous les instants ».
La maladie des pauvres
« Le choléra est associé à la pauvreté » a déclaré le docteur Malang Coly, chargé de programmes de l’OMS à Dakar. L’épidémie régionale de cette année « est le signe que les personnes deviennent de plus en plus pauvres ».
Selon les autorités sanitaires, la pauvreté et le comportement des populations créent inéluctablement les conditions favorables à la propagation rapide de la maladie.
« La pauvreté et le comportement vont de paire », a déclaré à IRIN Claire-Lise Chaignat, la spécialiste du choléra à l’OMS.
« Lorsque les personnes sont moins pauvres, elles sont mieux éduquées et plus à même de se prémunir contre le choléra ».
« Les gens respectent les mesures d’hygiène en fonction de leurs moyens », a ajouté la représentante du Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) au Mali, Frances Turner. L’eau de javel et le savon sont hors de portée de certaines bourses. Et pour de nombreuses personnes, les sources d’eau potable, quand elles existent, sont à plusieurs kilomètres de leurs habitations.
« Les convenances du moment font parfois oublier les comportements sains », a-t-elle précisé.
Mme Turner a souligné par ailleurs que le manque d’éducation contribue à la propagation de maladies infectieuses comme le choléra. « Seule une femme sur cinq au Mali est alphabétisée, ce qui peut expliquer la lenteur des changements de comportement ».
L’indifférence face aux messages de prévention
Pour Moussa Dieng Sarr du ministère sénégalais de la Santé, le choléra n’est pas simplement un problème de pauvreté. Une analyse plus poussée devrait être menée pour comprendre les raisons qui poussent certaines personnes à ne pas tenir compte des mises en garde.
« Il faut aller au-delà du fait que les gens n’ont pas les moyens », a t-il déclaré. « Tant que nous n’aurons pas fait cette démarche et compris pourquoi certaines personnes ne prennent aucune mesure préventive, le choléra continuera, malheureusement, d’être un problème de santé publique ».
Selon Sarr, le porte à porte qui permet au personnel de santé de s’adresser directement à la population – une stratégie préconisée par le programme des Nations unies dans certains pays affectés - est plus effectif que les campagnes médiatiques.
Un électricien de 28 ans, qui a préféré garder l’anonymat, a affirmé qu’il a vu à la télévision toutes les mesures préventives recommandées par les services publics pour lutter contre le choléra.
« Certaines personnes les appliquent, mais d’autres pas. Il est difficile de se l’expliquer ».
Selon lui, beaucoup de personnes – y compris lui-même - ne se sentent pas concernées par la maladie car elles n’ont jamais vu de personnes infectées. Trop souvent, les gens ne réagissent que lorsqu’un proche est mort du choléra.
« Ici, nous sommes des médecins après la mort ».
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