L’Etat espère ainsi pouvoir utiliser cette réserve financière pour sortir le pays de la crise financière et combattre une insécurité persistante.
Mais cela risque d’être bien difficile pour ce pays d’Afrique centrale qui vient d’être étiqueté par l’organisation Tranparency international comme l’Etat le plus corrompu de la planète.
La semaine dernière, le Premier ministre Pascal Yoadimnadji a tenté de plaider la cause de son gouvernement auprès des diplomates de la capitale N’djaména.
« Le concept des générations futures en soi est fort louable », leur a t-il déclaré.
« Mais ce futur pourrait, de notre point de vue, être mieux sécurisé si ces ressources servaient à léguer à ces générations des infrastructures et à mieux éduquer les jeunes d’aujourd’hui », a-t-il expliqué.
« Le maintien de cette loi ne permettra pas à l’évidence d’optimiser l’utilisation de nos ressources pétrolières et aggravera les frustrations de nos concitoyens au moment où notre pays fait face à de graves difficultés financières et où des défis importants nous interpellent au quotidien ».
Pays pauvre et enclavé, le Tchad a été touché ces derniers mois par d’importantes grèves des travailleurs. Le gouvernement tente par ailleurs de désamorcer les tensions nées de la désertion de nombreux soldats et se remet encore difficilement des difficultés économiques liées à la prise en charge de quelque de 200 000 réfugiés du Darfour, une province soudanaise située proche de la frontière orientale du Tchad.
La loi actuelle sur les revenus pétroliers stipule que 10 pour cent des fonds doivent être réservés aux générations futures. Une autre partie des recettes doit être consacrée à l’amélioration du système de santé, à l’éducation, au développement d’infrastructures routières et à l’approvisionnement en eau, dans un pays classé parmi les cinq pays les plus pauvres de planète, selon l’Index de développement humain des Nations unies.
Cette loi a été adoptée dans le cadre des mesures exigées par la Banque mondiale pour qu’elle finance une partie du projet de construction d’un oléoduc d’un montant de 3,7 milliards de dollars américains. Cet oléoduc de 1100 km traverse les régions de savane et de forêt, depuis les champs pétrolifères de Doba, dans le sud du Tchad, en passant par le Cameroun, et déboucher sur l’océan atlantique.
Lorsque l’exploitation du pétrole a démarré officiellement en 2003, le projet – le plus important investissement jamais réalisé dans le secteur privé en Afrique – devait être un modèle de gestion par rapport aux piètres performances des autres pays africains producteurs de pétrole où la manne des pétrodollars a servi à enrichir l’élite, et n’a pas ou peu bénéficier aux masses.
Cependant, l’indice de perceptions de la corruption publié ce mois par Transparency Internatinal place le Tchad au dernier rang des 159 pays où sévit la corruption.
L’organisation, basée à Berlin, a rendu hommage à ce projet pétrolifère novateur, mais a souligné la nécessité d’une plus grande volonté politique pour en assurer le succès.
« Tandis que le Tchad a achevé un niveau de transparence qui n’a pas été constaté dans d’autres pays pétroliers, les rapports actuels de mauvaise gestion ou de corruption doivent être suivis par des actions gouvernementales », a déclaré le groupe.
Et pour les groupes de la société civile sur le terrain, la tentative du gouvernement de modifier la loi est une erreur qui risque de faire resurgir tous les problèmes que ce projet était censé éviter.
Le gouvernement prend une très mauvaise direction
« Le gouvernement est en train de violer ses propres engagements », a déclaré Gilbert Maoundonodji, coordonnateur du groupe de recherches alternatives et de monitoring du projet pétrole. « Le gouvernement est en train de prendre une très mauvaise direction ».
Selon le groupe de recherches, les tensions sociales et les problèmes financiers – invoquées par le gouvernement pour disposer immédiatement de plus de pétrodollars – peuvent se résumer en quelques mots.
Il s’agit de « mauvaise gouvernance », a écrit le groupe dans une lettre adressée au Premier ministre, ainsi qu’à la Banque mondiale, au Fonds monétaire international, au Programme des Nations unies pour le développement, à l’Union européenne et aux ambassadeurs étrangers en poste au Tchad.
Pour certains analystes, le fait que le gouvernement tchadien essaye de renégocier les dispositions de la loi sur la gestion des revenus pétroliers est la preuve que le système actuel fonctionne bien et qu’il est incontournable.
« On peut dire que la récente tentative de révision de la loi prouve bien son efficacité », a déclaré Chris Melville, spécialiste Afrique chez Global Insight, un groupe de recherche basé à Londres.
Mais selon lui, le gouvernement a peu de chances de parvenir à ses fins.
« La Banque mondiale n’acceptera pas qu’on révise les dispositions de la loi et on la voit mal revenir sur la position intransigeante qu’elle a adoptée face au gouvernement tchadien », a ajouté Melville.
Entre temps, les autorités tchadiennes essayent de renforcer les mesures prises contre la corruption. A cet effet, le Premier ministre a annoncé la création d’un ministère chargé du contrôle d’Etat et de la moralisation.
« Nous reconnaissons avec vous tous que la gestion de nos ressources doit être mieux sécurisée par une lutte résolue contre les pratiques telles que les détournements des deniers publics et la corruption», a déclaré le Premier ministre aux diplomates.
Pour beaucoup de tchadiens, la corruption existait avant que le pétrole ne commence à couler, mais à petite échelle.
« Le phénomène de la corruption n’est pas nouveau, mais seulement, il a pris des proportions inquiétantes ces derniers temps », a déclaré un fonctionnaire au ministère de la fonction publique, sous le couvert de l’anonymat. « Il s’est développé cette attitude chez la plupart des fonctionnaires qui ne peuvent rien faire sans demander de l’argent ».
M. Maoundonodji partage cet avis.
« La corruption existait dans le pays, mais à un moindre degré », a t-il expliqué. «La grande corruption est arrivée avec l’utilisation des ressources pétrolières ».
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