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Des milliers de sinistrés menacés par le choléra et le paludisme

[Senegal] Inhabitant of Medina Gounass, one of the worst affected areas of the flooded suburbs of the Senegalese capital. When heavy rain started flooding homes in Dakar’s shanty towns in August, the government launched an emergency rescue plan across t Pierre Holtz/IRIN
Un mois après les pluies torrentielles, les rues des quartiers de Dakar restent inondées

Un mois après les plus graves inondations que les banlieues pauvres de la capitale sénégalaise ont connu depuis 20 ans, les habitants vivent toujours les pieds dans l’eau. Debout, devant la porte de la maison familiale, Ibou Barro salue une voisine qui, la jupe relevée jusqu’à mi-cuisses, patauge dans l’eau qui a inondé les rues du quartier.

Depuis plus de trois semaines maintenant, cette eau saumâtre, souillée par des ordures ménagères en décomposition et où prolifèrent des têtards, s’étend à perte de vue, envahissant non seulement les rues, mais également les cours des maisons de Médina Gounass, un des nombreux quartiers populaires et surpeuplés de la banlieue dakaroise.

« Si ça continue comme ça, on risque d’être noyé », s’exclame t-il, en prenant soin de ne pas franchir le seuil de la cour qui, grâce à des travaux effectués au mois de décembre, est l’une des seules à ne pas être inondée.

A l’instar de ces nombreux quartiers qui ont poussé comme des champignons à la périphérie de Dakar, le quartier de Médina Gounass a été bâti sur zone marécageuse. A chaque hivernage, cette cuvette proche de la nappe phréatique se remplit d’eau, une situation que bon nombre de ses 80 000 habitants ne connaissaient pas en s’y installant.

« On n’était pas au courant que c’était une zone inondable », explique Khadidiatou, la sœur d’Ibou. « C’est en 1999 que nous nous sommes retrouvés inondés pour la première fois ».

Habituellement, les habitants du quartier investissent chaque année d’importantes sommes d’argent dans l’achat de gravât et de sable pour empêcher que l’eau ne pénètre dans leurs maisons. Mais les pluies diluviennes du mois d’août ne leur ont laissé aucune chance.

D’après les premières estimations des autorités de la ville, quelques 183 000 personnes ont été victimes des inondations dans la région de Dakar.

Alors, depuis un peu plus d’un mois maintenant, l’Etat sénégalais a mis en place le plan Orsec et annoncé qu’il débloquait 96,5 millions de dollars pour reloger 60 000 victimes des inondations et reconstituer les communautés sinistrées.

A Médina Gounass, par exemple, l’Etat a fourni à la commune d’arrondissement une motopompe pour aspirer l’eau. Mais faute de moyens, le personnel « arrive le matin avec entre 10 et 20 litres de gasoil et fait fonctionner la pompe 30 minutes, le temps que finisse la réserve de gasoil », affirme Abdoulaye Badji, le voisin des Barro chez qui il a emménagé depuis près d’un mois avec sa femme et quelques-uns de ses neufs enfants.

Les eaux stagnantes attirent les moustiques

Située juste derrière le petit muret de pierre délimitant la cour des Barro, la maison de M. Badji est entièrement envahie d’une eau saumâtre au dessus de laquelle volent des essaims de moustiques.

Pour les autorités les autorités, il y a urgence car le paludisme et les maladies hydriques prolifèrent dans les eaux souillées de Médina Gounass, un des quartiers de Dakar qui ne disposent pas d’un système d’assainissement.

Les 623 km de canalisation pour l'évacuation des eaux usées et des eaux de pluie ne couvrent que le Plateau et certains quartiers résidentiels de Dakar.

« Il n’y a rien, pas de canalisations. C’est pourquoi l’eau stagne tellement », explique Pathé Barro, le père d’Ibou, alors qu’il égrène son chapelet.

Ainsi, pour le docteur Papa Salif Sow, le chef du service des maladies infectieuses au CHU Fann, une véritable épidémie de choléra s’est développée depuis les inondations. L’eau de pluie, la saleté, la remontée des fosses sceptiques et parfois même les cadavres d’animaux charriés par les eaux en seraient la principale cause. Son service reçoit une moyenne de 45 cas par jour, - des sinistrés, en majorité- mais néanmoins, souligne t-il, il n’a pas enregistré de malades venant des camps.

Selon le ministère de la Santé, plus de 2 000 personnes ont contracté la maladie au Sénégal au cours des deux premières semaines de septembre et 46 en sont mortes.

Le gouvernement se propose de reloger les sinistrés

Aidé entre autre par la Croix rouge sénégalaise, une Organisation non gouvernementale bénéficiant notamment du soutien logistique de la France et du Japon, qui lui ont récemment fourni une aide en nourriture, moustiquaires, tentes et matériel d’assainissement, l’état loge et nourrit un peu plus de 5 600 personnes dans 4 sites situés à Dakar et sa banlieue, a expliqué à IRIN le colonel Cissé, le coordinateur de l’état-major du plan Orsec.

Une jeune sinistrée buvant de l'eau potable dans un camp

Bien que certains sinistrés sont réticents à l’idée de quitter leurs biens et le peu de confort qui leur reste. Face à cette situation devenue invivable, beaucoup d’habitants de Médina Gounass ne demandent qu’à partir.

« Je veux sortir d’ici. J’irai même dans les camps», déclare sans hésitation Daouda Sankho alors qu’il écope l’eau qui a envahi sa chambre, et dont le niveau menace d’atteindre son lit, posé sur des briques.

A en croire M. Cissé, de nouveaux centres d’accueil d’une capacité de 150 000 lits ouvriront bientôt. Mais un mois après le début des pluies torrentielles qui se sont abattues sur la capitale, les camps de déplacés sont saturés et certains sinistrés y dorment à la belle étoile, tandis que d’autres les prennent d’assaut quotidiennement essayant d’y obtenir une place.

Pour dégager les fonds qui serviront à financer l’aide aux sinistrés et leur relogement, le président Abdoulaye Wade avait proposé le mois dernier de reporter les élections législatives et présidentielles prévues en 2006 et en 2007, et de regrouper les deux scrutins. L’idée a été accueillie avec scepticisme dans les rangs de l’opposition qui considère que M. Wade exploite la situation actuelle à des fins politiques.

Mais pour les sinistrés, la priorité est de mettre un terme au calvaire qu’ils vivent actuellement.

Après trois semaines de recherche vaine, Mor Diop, un vieil homme à la retraire, et les quinze membres de sa famille sont enfin soulagés. Ils ont trouvé un endroit où dormir dans un des nombreux camps de gérés par l’armée à Thioraye, une banlieue proche de Dakar.

« Je viens ici [au camp de Thiaroye] chaque matin avec ma famille depuis le 1er septembre », a déclaré Mor Diop. « Tout ce qui m’intéresse, c’est de quitter la zone inondée », a ajouté le vieux retraité après qu’il se soit attribué un espace dans un centre commercial en construction. « Qu’on me tue, mais je ne sortirai pas de là où je suis ».

Des sinistrés hébergés dans les cours d’école

Alioune Diallo, le coordinateur du camp érigé au lycée Limamoulaye qui regroupe 1666 habitants de Médina Gounass, côtoie ces difficultés quotidiennement.

«Les sinistrés dorment dans des salles de classe aménagées et là vraiment, on a atteint les limites de notre capacité d’accueil. Mais il y a de sinistrés qui forcent. Alors on leur donne des nattes et ils se regroupent dans la cour », explique t-il

Des centaines de sinistrés sont hébergés dans des écoles. Mais que deviendront-ils après la réntrée des classes ?

Les problèmes d’espace ne sont pas les seuls auxquels M. Diallo doit faire face.

Selon un membre du personnel de santé qui a préféré garder l’anonymat, « les conditions sanitaires sont déplorables, et les moustiques et les mouches prolifèrent », ce qui renforce les risques de diarrhées et de paludisme, les deux principaux maux dont souffrent les déplacés.

De même, ajoute t-il, seuls 50 pour cent des déplacés possèdent des moustiquaires pour prévenir le paludisme, et le centre de santé ne bénéficie que de médicaments de première nécessité.

M. Diallo doit donc souvent payer de sa poche pour les médicaments prescrits aux malades. Or, remarque t-il, « mon salaire, c’est ma famille et moi. Pas pour les sinistrés ».

Malgré les conditions de vies parfois difficiles auxquelles ils sont confrontés, la plupart des sinistrés du Lycée Limamoulaye sont d’accord pour dire qu’ils y vivent dans des conditions très satisfaisantes.

Mais pour eux, l’avenir dans le lycée semble bien incertain, d’autant plus qu’une délégation du ministère de l’Education nationale venue visiter ce camp le 14 septembre a confirmé que la rentrée scolaire dans le lycée – le plus grand d’Afrique de l’Ouest – aura bien lieu le 11 octobre.

Awa Seck, qui vit depuis deux semaines dans une salle de classe avec 11 autres personnes, se demande ce qu’il adviendra d’elle et de sa famille.

Comme beaucoup d’autres propriétaires vivant dans les zones sinistrées, Mme Seck est inscrite sur une liste qui, à en croire les propos du chef de l’Etat, lui permettra d’être relogée gratuitement sur un site bénéficiant d’un système d’évacuation des eaux usées et des eaux de pluie. Reste à savoir où se trouvera sa future maison et quand elle pourra en prendre possession.

« C’est bientôt la rentrée des classes. Je dépends vraiment des autorités et ne sais pas quoi faire si je dois partir d’ici et que ma maison est toujours inondée », explique t-elle, confiant que ses inquiétudes sont partagées par de nombreux sinistrés.


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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