1. Accueil
  2. Africa
  3. DRC

Des groupes confessionnels menacent de boycotter le recensement de la population

[Nigeria] Lagos IRIN
Le recensement de la population nigériane : une tâche bien compliquée
Lorsque les autorités nigérianes procèderont au recensement de la population en novembre prochain, aucune information ne sera recueillie sur les origines religieuses ou ethniques des citoyens.

Le Nigeria est le pays le plus peuplé d’Afrique, avec plus de 126 millions d’habitants. Peuplé au nord par des populations majoritairement musulmanes et au sud par des populations principalement chrétiennes, il est régulièrement en proie à des conflits confessionnels et ethniques.

Les autorités craignent d’attiser les tensions en soulignant ces différences pendant le recensement, une procédure qui, par ailleurs, aurait dû être mise en place il y a longtemps déjà.

Le National Council of State (conseil fédéral des Etats nigérians), une instance consultative qui comprend les gouverneurs des 36 Etats nigérians ainsi que plusieurs anciens chefs de l’Etat, avait été convoqué par le président Olusegun Obasanjo en janvier dernier. Il avait recommandé de ne pas prendre en compte les religions et les ethnies dans le cadre du recensement.

« Au terme d’un débat approfondi, il a été convenu que, n’ayant pas figuré au questionnaire du recensement de 1991, la question de l’ethnicité et de la religion n’apparaîtrait pas non plus dans le questionnaire du recensement de 2005 », avait expliqué l’instance dans un communiqué publié à l’issue de la conférence.

La recommandation a été prise en compte par le gouvernement ; Samaila Makama, directeur de la Commission nationale de la population, a par la suite justifié le bien-fondé de cette décision en affirmant qu’elle permettrait d’éviter les querelles politiques qui avaient entouré toutes les tentatives précédemment entreprises pour dresser un bilan démographique détaillé.

« Etant donné que chaque groupe ethnique et religieux préfèrerait être en supériorité numérique par rapport aux autres, il est sans doute plus sûr d’ignorer la religion et l’ethnicité. Dans le cas contraire, chaque communauté pourrait être tentée de chercher par tous les moyens à avoir l’avantage », a déclaré M. Makama.

Néanmoins, les différents lobbies religieux et ethniques réclament à l’unisson que la religion et l’ethnicité soient prises en compte.

Chrétiens et musulmans ont menacé de boycotter le recensement – ce qui porterait un coup sévère à sa crédibilité – si le gouvernement ne revient pas sur sa position.

Peter Akinola, président de l’Association des chrétiens du Nigeria (CAN) et leader de l’Eglise anglicane, a annoncé en juin que les membres de sa communauté avaient reçu la consigne de boycotter le recensement si la religion et l’ethnicité n’étaient pas prises en compte dans le questionnaire.

« Tout recensement de la population qui ne prend pas en compte ces critères ne vaut rien et ne sera pas accepté », a déclaré M. Akinola. La CAN regroupe les principales confessions chrétiennes, dont l’Eglise pentecôtiste, qui attire de plus en plus de fidèles au Nigeria.

Des menaces semblables ont été émises par la Conference of Islamic Organisations (Conférence des organisations musulmanes). Cette organisation, qui regroupe 27 associations de musulmans, accuse le président Obasanjo, un chrétien du sud, d’être à la tête d’un gouvernement anti-musulman.

Le groupe a déclaré qu’il boycotterait le recensement si celui-ci n’était pas conçu « de façon à prendre en compte toutes les données importantes sur la population nigériane, y compris l’ethnicité et les inclinations religieuses, afin de dissiper tous les doutes et de fournir des informations précises et exactes ».

Au Nigeria, les tentatives de recensement se heurtent toujours à des obstacles. Le premier recensement effectué par les colons britanniques en 1952-53 était destiné à déterminer les circonscriptions électorales et les besoins en ressources. Les résultats avaient montré que le nord présentait une population plus importante.

Lors du deuxième recensement, effectué en 1962, les statistiques recueillies avaient été gonflées sur l’ensemble du territoire, ce qui avait entraîné l’annulation des résultats. Un troisième recensement, effectué un an plus tard, avait été accepté après maintes querelles et allégations de manipulation, dont les retombées avaient contribué aux crises politiques qui avaient engendré la guerre civile de 1967-70.

En 1973, une autre tentative s’était soldée par un échec, les différentes régions s’accusant mutuellement, une nouvelle fois, d’avoir manipulé les statistiques pour avoir l’avantage politique.

Sous le régime militaire du général Ibrahim Babangida, qui avait organisé le recensement de 1991 – dernière tentative réussie – les autorités ont décidé pour la première fois de ne plus distinguer les différents groupes religieux et ethniques.

Cette année-là, d’après le recensement, le Nigeria comptait 86,5 millions d’habitants. Avec une croissance démographique de plus de trois pour cent par an, la population du Nigeria dépasserait aujourd’hui les 126 millions, selon les estimations des experts.

Après avoir remporté les élections de 2003, qui lui assuraient un deuxième mandat de quatre ans, le président Obasanjo a aujourd’hui assez d’assurance pour relever le défi du recensement.

Mais le président voit régulièrement son pays ravagé par des conflits ethnique, confessionnel et communautaire. Depuis son arrivée au pouvoir, il y a six ans, ces affrontements ont fait des milliers de morts. L’adoption de la Charia, loi islamique stricte, par plus d’une dizaine d’Etats du nord du pays a bouleversé les communautés chrétiennes voisines et déclenché des flambées de violence ethnique périodiques.

Dans le sud, les Etats pétrolifères du Delta du Niger endurent depuis des années une instabilité constante, causée par la pollution et le peu de fonds disponibles pour le développement. Cette situation a fini par excéder les militants ethniques, qui émettent aujourd’hui des revendications politiques et exigent un meilleur contrôle des ressources pétrolières par les populations locales. De même, dans les régions du sud-est, dominées par l’ethnie Igbo, les populations sont de plus en plus réceptives aux appels à une deuxième tentative de sécession. La première avait déclenché une guerre civile.

Dans le nord, les dirigeants politiques, notamment plusieurs gouverneurs en exercice, le répètent : la densité démographique continuera de servir de base pour décider de l’affectation des fonds fédéraux. Mais ils insistent également sur le fait que la religion et l’ethnicité ne devraient pas être prises en compte.

L’année dernière, au terme d’une réunion des gouverneurs des Etats du nord, Ahmed Makarfi, gouverneur de l’Etat de Kaduna, avait déclaré que les Etats de cette région boycotteraient le recensement si ces deux critères étaient pris en compte dans le questionnaire.

Quant aux dirigeants politiques des Etats du centre et du sud-est, principalement chrétiens, ils ont publié la semaine dernière, à l’issue d’une réunion tenue à Abuja, la capitale fédérale, une déclaration recommandant à la Commission nationale de la population de recueillir des données portant sur la religion et l’ethnicité.

« Nous pensons que ces données permettront, dans une large mesure, la mise en oeuvre d’un plan de développement national concret », pouvait-on lire dans la déclaration, signée par les gouverneurs des Etats des deux régions.

Selon certains observateurs politiques, face à vives polémiques suscitées par le prochain recensement, le président Obasanjo n’aura pas la tâche facile. Ce recensement pourrait même avoir de très graves conséquences, affirment-ils.

« Les querelles entre groupes rivaux, qui déchirent la nation, pourraient s’ajouter à la question du recensement et créer un cocktail explosif », a expliqué à IRIN Ike Onyekwere, un spécialiste.

« Au bout du compte, c’est au président Obasanjo de décider s’il souhaite procéder à un recensement en bonne et due forme ou bien apaiser les tensions politiques », a-t-il poursuivi.


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join