A quelque 95 km au sud-ouest de Gao, au bout de 80 km de pistes arides et poussiéreuses, apparaît le village de Marsi.
A Marsi, un enfant sur cinq souffre de malnutrition, affirme l’ONG française Action contre la faim (ACF), qui distribue une aide alimentaire dans la région.
Mohamed a 15 mois. Il souffre de malnutrition et reçoit des compléments nutritionnels fournis par ACF.
« Le seul problème avec Mohamed, c’est qu’il ne mange pas à sa faim », a déploré sa mère, Fati Mohamed, une femme de 45 ans, en tentant de calmer son fils. Mohamed est le plus jeune de ses sept enfants.
Fati Mohamed est assise, les jambes croisées, devant l’entrée de la maison familiale, une case en bois recouverte de paille.
Malgré son âge, le jeune Mohamed ne peut se tenir debout tout seul et sa tête est bien trop lourde pour son petit corps. Mais Fati est contente des progrès de son fils.
« En mars dernier, avant le début de la saison des pluies, il était tout maigre et j’étais très inquiète. Il a été nourri au lait de chèvre, puisque je n’en avais pas moi-même. Et lorsqu’il n’y avait plus rien à manger pour les chèvres, elles ont cessé d’en produire », a expliqué Fati.
Pendant plusieurs mois, son fils a dû s’habituer à la bouillie de mil. Fati n’avait rien d’autre à lui offrir.
« Il était devenu tellement maigre que j’ai cru qu’il pouvait en mourir », a-t-elle affirmé.
ACF avait lancé son programme de distribution d’aide alimentaire d’urgence à Marsi à la mi-juillet. Depuis lors, Mohamed et près de cent autres enfants, âgés de 6 mois à cinq ans, ont reçu des compléments à base de maïs et de soja.
Jusqu’à présent, Fati et le reste de la famille ne font qu’un seul repas par jour, un plat à base de mil, une céréale riche en féculents qui peut être pilée ou bouillie.
Les mêmes problèmes alimentaires se posent dans de nombreux villages des régions désertiques du Sahel, qui s’étend de la Mauritanie, à l’ouest, au Tchad, à l’est.
Chaque année, les habitants de Marsi doivent subir les affres de la période de soudure. Mais cette année est particulièrement difficile en raison de l’effet conjugué de la sécheresse et de l’invasion des criquets pèlerins de 2004, la plus grave qu’ait connue la région en 15 ans.
Les cultures et la végétation ont été détruites par la sécheresse ou dévorées par des essaims de criquets voraces.
Les habitants de Marsi sont des Tamacheks, des populations semi-nomades. Ils parlent la même langue que leurs voisins Touaregs et comme ces derniers, ils dépendent de leur bétail pour leur survie.
Mais lorsque les habitants de Marsi ont vu leurs troupeaux de chèvres et de bovins dépérir et mourir, ils ont pris conscience de la précarité de leurs conditions de vie.
« Quand il ne pleut pas, il n’y a pas de récolte, mais nous pouvons vendre nos bêtes pour survivre », a expliqué Mohammed Ahmed Ag Moya, 35 ans, qui s’estime heureux d’avoir pu s’en sortir cette année avec cinq chèvres et un chameau.
Mais les chèvres maigres se vendent mal au marché. Le prix des denrées alimentaires de base comme le mil, le sorgho et le riz, a pratiquement doublé par rapport au prix normal.
« Il y a des céréales, mais ces populations n’ont pas les moyens de les acheter », a expliqué Patricia Hoorelbeke, responsable de la mission ACF au Mali et au Niger.
Dans le nord de Gao, où le sol est plus aride, les conditions de vie sont encore plus précaires et un enfant sur quatre souffre de malnutrition, selon ACF.
A 300 km plus au nord, à Kidal, un enfant sur trois est mal nourri, a indiqué Mme Hoorelbeke.
Certains enfants souffrant de malnutrition sévère sont si affamés que leur vie est en danger. Ils sont évacués vers des hôpitaux pour y être soignés.
A l’hôpital principal de Gao, vingt enfants souffrant de malnutrition sévère y sont actuellement soignés. Soixante à soixante-dix enfants y ont été hospitalisés depuis le début de la crise alimentaire.
Mais selon les travailleurs humanitaires, ces chiffres cachent un problème plus sérieux, car ils ne tiennent compte que des cas de malnutrition qui ont été recensés.
« Même si certaines personnes souffrant de malnutrition sévère ont été évacuées vers l’hôpital de Gao pour y être soignées, il est parfois difficile de les localiser car elles sont issues de famille de nomades », a affirmé le Dr Clara Marti Mashoooka, une pédiatre et nutritionniste travaillant pour le compte d’ACF.
A l’hôpital de Gao, aucun enfant de Marsi n’a eu besoin de traitements spécialisés. De plus, le chef du village espère que si la pluie continue de tomber, les conditions de vie des villageois ne pourront qu’aller en s’améliorant.
« Si les pluies se font rares, les paysans et les éleveurs de bétail ne passeront pas une bonne année », a expliqué Mahmoud Abdoulayi, chef du village de Marsi.
« Pour l’instant, la saison des pluies se passe bien et nous prions pour que cela continue. Mais il n’est pas exclu que les criquets reviennent et dévorent tout », a-t-il ajouté ironiquement.
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