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La crise alimentaire décime le bétail et prive les bergers nomades de leur moyen de subsistance

[Niger] Almost 40 percent of the animal fodder in Niger was reduced to dust after one of the worst droughts in recent years was followed by an invasion of hungry locusts. Now the animals are dying. WFP
Niger's livestock lie dead, rotting in the sun

Dans la poussière orange, la longue tunique blanche d’Amadou Ibrahim flotte au vent. Ibrahim, un Touareg, s’en veut de ne pas avoir anticipé l’ampleur de la crise alimentaire au Niger.

« Si seulement j’avais vendu mes animaux, ça m’aurait servi à quelque chose. Au moins à nourrir un peu ma famille ; mais maintenant je n’ai rien », a-t-il déploré.

Au Niger, un vaste territoire semi-désertique, près de 40 pour cent du fourrage a été réduit en poussière par une sécheresse d’une ampleur inégalée depuis plusieurs années, suivie d’une invasion de criquets voraces.

Le gouvernement nigérien a estimé le déficit de fourrage à 4,6 millions de tonnes, soit plus de 20 fois le déficit céréalier.

Le fourrage venant peu à peu à manquer, les bêtes, seul moyen de subsistance des nomades, ont commencé à périr les unes après les autres.

Ibrahim possédait un troupeau de dix chèvres, sept chameaux et six vaches. Aujourd’hui, il ne lui reste plus, à lui et à ses sept enfants, qu’une chèvre. Malgré tout, il a de la chance, pense-t-il, qu’une de ses bêtes ait survécu.

« Il y en a beaucoup qui ont tout perdu », a-t-il déclaré à IRIN, alors qu’il se trouvait à Sakabal, un village situé plus de 700 km à l’est de Niamey, la capitale nigérienne.

« Je connais un éleveur qui avait perdu beaucoup de bêtes et puis il y a eu une grande pluie qui a est partie avec tout le reste de ses animaux. », a-t-il raconté. « Ça, il n’a pas pu supporter et il s’est suicidé. Il s’est jeté dans un puits ».

Selon les estimations de l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), plus de 10 000 foyers auraient perdu leurs bêtes au Niger.

La FAO a sollicité la communauté internationale à hauteur de 4 millions de dollars américains pour mettre en place une aide agricole d’urgence. Pourtant, mardi encore, un seul bailleur, la Suède, avait répondu à l’appel, en accordant une somme de 650 000 dollars.

« Au Niger, les familles agropastorales dépendent largement de leur bétail. Celui-ci est à la fois une source de revenu et une source de nourriture », a expliqué Fernanda Guerrieri, qui dirige les opérations d’urgence de la FAO. « Une perte de bétail ou une baisse de la valeur de celui-ci sur les marchés peut avoir un impact désastreux sur la sécurité alimentaire de ces familles ».

Des carcasses décomposées

Aujourd’hui, tandis que les médias internationaux affluent au Niger, les bailleurs de fonds commencent à réagir, les enfants sous-alimentés sont pris en charge et les populations vulnérables reçoivent de la nourriture gratuite. Mais le bétail, en revanche, continue d’être décimé.

Au Niger, deuxième pays le plus pauvre du monde, selon l’Indice de développement humain des Nations unies, le bétail est un élément essentiel du redressement de la situation alimentaire. Malheureusement, aujourd’hui encore, tandis que les premières pousses vertes sortent de terre après les pluies, des carcasses de vache se décomposent au soleil.

Les temps sont durs même pour les bergers touaregs et foulanis qui possèdent encore des bêtes à vendre. Le prix du bétail est en chute libre sur les marchés tandis que celui des aliments de base, comme le mil, enregistre une hausse spectaculaire.

Au marché de Sakabal, Alka Kaossane, le chef du village, se tient près de sa vache - la seule qu’il lui reste -, qui ressemble davantage à un veau.

Un boucher qui passait par là jette un coup d’oeil sur la bête et lui en offre 1 000 francs CFA (2 dollars américains). Pour toute réponse, Alka Kaossane le regarde d’un air incrédule.

Il fut un temps où une grosse vache « bororo » en pleine santé se vendait à quelque 150 000 francs CFA, soit 300 dollars. Aujourd’hui, les bergers peuvent s’estimer heureux s’ils parviennent à obtenir 5 000 francs CFA (10 dollars) en échange d’une de ces vaches « bororo », une espèce à bosse et à longues cornes, typique de cette région.

Alka Kaossane vendra sa vache à Oxfam, l’organisation humanitaire britannique, qui devrait lui en offrir, selon lui, entre 30 000 et 40 000 francs CFA (entre 60 et 80 dollars).

« On achète leurs vaches et leurs taureaux à un prix plus juste pour permettre à ces gens de se procurer du mil ou de la farine », a expliqué Margie Morar, conseillère en sécurité alimentaire pour Oxfam, alors qu’elle se trouvait à Dakoro, une ville des alentours.

« On a aussi mis en place un système de coupons alimentaires contre du travail communautaire comme l’abattage de bêtes, le ramassage de carcasses ou la plantation d’arbres ».

S’adapter pour joindre les deux bouts

Amina Dague a pu bénéficier de ce système. Pour quelques petits travaux en cuisine, elle s’est vu délivrer un coupon qui lui a permis de se procurer du mil, une denrée que sa famille n’avait pas mangée depuis qu’elle avait vu mourir ses dix vaches.

Tant bien que mal, Amina fait tenir la ration de mil en équilibre sur sa tête tout en essayant de donner son sein flétri à un nourrisson affamé. Elle se hâte de rentrer chez elle, impatiente de faire profiter ses six autres enfants du fruit de son labeur.

La crise alimentaire qui sévit au Niger a contraint les bergers touaregs et foulanis à changer leurs habitudes. Ces communautés, qui vivent habituellement sans électricité ni eau courante dans les régions les plus reculées, doivent aujourd’hui se rendre dans les villes pour chercher du travail ou recevoir leurs rations alimentaires.

« C’est un choc pour notre culture, que quelqu’un qui est habitué à monter sur un chameau doive revenir au village à pied, à côté d’une chèvre », a expliqué Ibrahim.

D’autres sont plus amers.

« Ici, pour deux mesures de sorgho, tu marchandes ta dignité », a déclaré Amadou Doutchi, chef foulani et président d’une association de bergers et de paysans de Dakoro.

Les travailleurs humanitaires eux-mêmes admettent que chez les bergers, l’impact psychologique de la crise alimentaire est parfois tout aussi néfaste que l’impact physique.

« Si on n’a pas de troupeaux, c’est comme si on n’avait pas de maison, pas de compte en banque. Ils l’utilisent pour tout : boire du lait, travailler les champs… », a expliqué Louis Belanger, porte-parole d’Oxfam au Niger. « Pour les nomades, le futur est incertain ».


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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