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Le plan anti-corruption crée des remous dans les milieux politiques

Map of Liberia IRIN
Without reforms sanctions will remain in place
Le gouvernement libérien et plusieurs hommes politiques éminents ont vivement critiqué le plan anti-corruption élaboré par les bailleurs internationaux, considérant ce plan comme une véritable atteinte à la souveraineté nationale du Liberia.

Le LEGAP (Liberia Economic Governance and Action Plan – Plan d’action et de bonne gouvernance économique) a été élaboré par les bailleurs de fonds afin d’aborder le problème de « la corruption systémique et endémique » qui, selon eux, fait obstacle à la renaissance économique de cette nation de l’Afrique de l’Ouest, après 14 ans de guerre civile.

L’avant-projet de ce document, dont IRIN a obtenu une copie à la mi-juin ; limiterait les capacités du gouvernement libérien à accorder des contrats, préserverait les sources de revenu, nommerait des superviseurs internationaux à des postes clés du gouvernement et des juges étrangers dans les tribunaux libériens.

Le plan prévoyait également de faire appel à des société étrangères pour assurer la gestion d’entreprises nationales telles que le port autonome de Monrovia, l’aéroport international et le société nationale de distribution de carburant.

Selon le ministre libérien de l’Information, William Allen, le gouvernement de transition constitué après l’accord de paix de 2003 et chargé de mener le pays aux élections présidentielles du 11 octobre prochain, a émis se sérieuses réserves sur les propositions faites dans le LEGAP, notamment sur l’idée de s’en remettre aux étrangers pour les décisions importantes concernant le pays.

« Nous n’accepterons pas l’idée que des étrangers viennent aux Liberia assumer des responsabilités légales que doivent exercer des Libériens », a déclaré Allen à IRIN lors d’une entrevue lundi dernier. « Le fait que certains Libériens soient incompétents ne signifient pas que tous les Libériens le sont ».

Allen a par ailleurs affirmé que Gyude Bryant, le chef du gouvernement par intérim, préparait une réponse aux propositions du plan LEGAP ; celle-ci devrait être prête dans une quinzaine de jours.

« Le président Bryant envisage également de débattre de ce plan avec d’autres chefs d‘Etat africains », a-t-il ajouté.

Selon une source proche du gouvernement libérien, Bryant exposera ce plan à l’occasion du sommet de l’Union africaine (UA) qui se tient actuellement en Libye et qui réunit 53 chefs d’Etat du continent. Ce sommet de deux jours, organisé dans la ville balnéaire de Sirte, sur la côte méditerranéenne de la Libye, prendra fin mardi.

« L’examen de ce plan sera inscrit a l’ordre du jour du sommet de l’UA. Et nous pensons qu’il porte atteinte à la souveraineté du Liberia », a révélé la source d’IRIN. Par ailleurs de nombreux chefs d’Etat d’Afrique de l’Ouest partagent l’analyse de Bryant, a-t-elle ajouté.

Mais une source ouest-africaine proche des bailleurs internationaux a confié récemment à IRIN que de nombreux gouvernements africains voient d’un mauvais œil le transfert d’une bonne partie des prérogatives des autorités libériennes à leurs bailleurs de fonds ; ces gouvernements craignent que ce plan ne crée un précédent et qu’il soit applicable ensuite à d’autres pays réputés corrompus.

Au Liberia, ce ne sont pas uniquement les dirigeants qui s’insurgent contre les propositions de la communauté internationale.

Ellen Johnson-Sirleaf, fonctionnaire des Nations unies, arrivée en deuxième position après Charles Taylor lors des élections de 1997 et candidate aux élections de 2005, a été très critique dans son évaluation du plan LEGAP.

« Le document constitue une mise sous tutelle financière et un défi à la souveraineté du Liberia. Chaque Libérien, moi compris, devra le rejeter et s’y opposer vigoureusement » a-t-elle déclaré à la presse, la semaine dernière.

L’autre personnage politique éminent opposé aussi au plan LEGAP est l’ancien président par intérim Amos Sawyer, qui a dirigé le pays de 1990 à 1994 au tout début de la guerre civile du Libéria. Selon lui, ces propositions reviendraient à faire du Liberia un « Etat sous tutelle géré par des étrangers ».

« Une atteinte à la souveraineté ? »

Toutefois, lundi dernier, Abou Moussa, le représentant de la Mission des Nations unies au Liberia (MINUL), a insisté sur le fait que le plan LEGAP n’avait pas été élaboré dans le but de voir la communauté internationale administrer les affaires du Liberia.

« Ce document n’a pas pour but de priver le Liberia de sa souveraineté. Il s’agit plutôt d’une alliance constructive entre le gouvernement et ses partenaires internationaux », a déclaré Moussa lors d’une conférence de presse.

« Les Nations unies ne sont pas en faveur d’une mise sous tutelle », a-t-il poursuivi. « [Mais] nous ne pouvons pas fermer les yeux quand les choses se passent mal ».

Les propositions des bailleurs de fonds internationaux ont rencontré un accueil favorable de la part des Libériens eux-mêmes : beaucoup d’entre eux sont en effet écœurés par la corruption qui gangrène le gouvernement de transition, pendant que le Libérien moyen continue de vivre sans eau courante ni réseau électrique, près de deux ans après la guerre.

Les principaux représentants du gouvernement sillonnent Monrovia, la capitale délabrée par la guerre, à bord de véhicules 4 x 4 reluisants, mais le gouvernement n’a pas encore versé les 18 mois d’arriérés de salaires qu’il doit aux fonctionnaires.

« Je sais comment classer ce gouvernement : c’est le pire que le Liberia ait jamais eu », a déclaré Darline Zuahtyu, qui vit en ville, dans une petite case branlante, non loin de la demeure de Bryant, une villa de bord de mer aux allures de forteresse.

La plupart des auditeurs qui appellent les radios commerciales de Monrovia pour commenter le plan LEGAP approuvent le projet, destiné à imposer plus de transparence dans les dépenses du gouvernement et à s’assurer que les fonds alloués à l’aide humanitaire ne tarissent pas.

Une grande partie des infrastructures de base du Liberia a été détruite pendant le conflit de 1989-2003. Par ailleurs, les Nations unies ont décidé de consacrer 760 millions de dollars américains l’année prochaine au financement des forces de maintien de la paix déployées dans le pays et qui comptent 15 000 soldats.

Toutefois, les bailleurs de fonds ont prévenu à plusieurs reprises que le financement de la reconstruction serait suspendu si les politiciens libériens continuaient de gaspiller les fonds ou de détourner les ressources destinées à aider les quelque trois millions d’habitants du pays.

L’église catholique s’est également prononcée en exprimant son soutien au projet.

« Ce projet permettrait d’aider le Liberia à se sortir d’un état de paralysie économique. Le Liberia est ravagé depuis trop longtemps par une corruption économique et politique doublée d’une incompétence politique », a-t-elle déclaré ce week-end.

De même, certains membres du gouvernement de transition, composé de représentants des anciennes factions et de membres de la société civile, ne se sont pas montrés aussi hostiles que Bryant.

Vambah Kanneh – l’un des fondateurs du principal groupe rebelle, Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie (LURD), aujourd’hui ministre des Transports – a déclaré à la presse que le plan LEGAP était le meilleur projet possible pour enrayer la corruption.

« Il n’y aucune raison pour que le gouvernement ou certains Libériens rejettent ce document, puisqu’il vise à enrayer la corruption dans l’intérêt même de la population libérienne », a assuré Kanneh.

Les représentants des Nations unies et les diplomates ont insisté sur le fait que ce projet de lutte contre la corruption serait négociable. Il ne sera en aucun cas imposé. Abou Moussa, le représentant de la MINUL, a déclaré lundi que des négociations privées étaient toujours en cours entre les bailleurs et le gouvernement de transition.

Selon M. Allen, le ministre de l’Information, une nouvelle version du projet serait à l’étude. Il a cependant refusé de dévoiler les modifications effectuées.

« Il y a quelque temps, nous avons reçu un document, qui a été par la suite annulé par les expéditeurs. A présent, nous sommes en train d’étudier minutieusement une version revue et corrigée de ce document », a-t-il déclaré.




This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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