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Casser des pierres pour payer sa scolarité

[Benin] Child working at a quarry in Benin where stone is crushed into gravel, June 2005. IRIN
Enfant travaillant dans une carrière au Bénin
Il suffit d’un marteau pour faire partie des 200 petits Béninois de ce village qui cassent des blocs de pierre des heures durant, un travail déclaré dangereux pour la santé par une convention internationale sur le travail des enfants que le Bénin a signée.

En Afrique subsaharienne, une région pauvre s’il en est, quelque 48 millions d’enfants de moins de 14 ans travaillent pour gagner leur vie, selon l’Organisation internationale du travail (OIT). Soit presque un sur trois.

Casser des pierres pour en faire du gravier, qui sera par la suite vendu aux industriels du bâtiment, est un travail éprouvant et dangereux. C’est pourtant une pratique courante chez les enfants du Bénin comme chez ceux du Nigeria, un pays voisin.

Située à la périphérie du village de Tchatchégou, à 250 km au nord de Cotonou, la capitale du Bénin, cette vaste carrière jonchée de tas de graviers s’étend sur plusieurs kilomètres carrés.

Derrière ces amas de gravier, à l’ombre des arbres ou de leurs abris de fortune, femmes et enfants de tous âges sont occupés à travailler. Certains cassent des pierres, d’autres tamisent du sable, d’autres encore transportent des cailloux dans des bassines en plastique pour en faire des tas.

Assis sur une pierre, comme tout le monde ici, Maxime, un élève de 17 ans explique à IRIN qu’il travaille régulièrement dans la carrière. Son travail consiste à casser des pierres.

« Je viens les mercredis après-midis, après l’école, et les samedis et dimanches. Je travaille pour aider mes parents.”

Selon lui, casser des pierres est pratiquement la seule activité rentable dans cette région où la terre, appauvrie, ne donne presque plus rien.

Selon Maxime, c’est la carrière, où il travaille depuis son plus jeune âge, qui lui aurait permis de financer lui-même sa scolarité. C’est ce qu’affirment également nombre des enfants qui travaillent à ses côtés.

« Des fois, je gagne jusqu’à 1 500 francs CFA (3 dollars américains), que j’utilise pour payer ma scolarité et pour aider mes parents », déclare-t-il.

A quelques pas de lui, une petite fille de huit ans essaye de briser une pierre. Courbée par l’effort, celle-ci explique qu’elle travaille ici en compagnie de sa mère.

« Nous venons chaque jour d’Okèmèrè (à 5 km de là) pour travailler ici », poursuit Anna.

Des enfants cassant des pierres pour en faire du gravier
Cicatrices et plaies ouvertes

Les femmes et les enfants de la carrière ont indiqué à IRIN qu’ils achetaient de gros blocs de pierre destinés à être cassés pour un montant d’environ 5 000 CFA francs (10 dollars américains) pièce aux ouvriers qui dynamitaient la roche, à quelques kilomètres de là.

Joséphine Oketokoun, une concasseuse de 40 ans, a expliqué que les femmes transportaient ensuite les blocs de pierre jusqu’à la carrière, où elles travaillent avec les plus jeunes.

« Si nous laissions nos enfants à la maison, nous serions inquiètes pour leur sécurité car il n’y a personne là-bas pour prendre soin d’eux », a indiqué Marie Otchoun, une concasseuse. « C’est pour ça qu’on les emmène avec nous ».

Les écoliers ne travaillent à la carrière qu’après les classes ou pendant le week-end. Leur travail consiste à casser des pierres pour en faire du gravier, qui servira ensuite à la construction de routes ou de bâtiments. Mais les enfants qui ne sont pas inscrits à l’école travaillent parfois plus de huit heures par jour, six jours par semaine, voire sept.

Entre 150 et 200 enfants s’emploient à casser des pierres dans cette carrière, selon Otchoun.

D’après l’OIT, plus d’un million d’enfants dans le monde travailleraient dans des petites mines et carrières comme celle-ci. Leurs conditions de travail ont été dénoncées par la convention de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants (1999).

L’accord, ratifié par 75 pour cent des Etats membres de l’OIT, qualifie un tel labeur de dangereux et préjudiciable au bien-être physique, mental et moral de l’enfant.

A Tchatchégou, les cicatrices et les plaies sanglantes que l’on aperçoit sur les membres des enfants sont la preuve qu’il existe bel et bien un risque d’accidents.

Les enfants se couvrent avec des bouts de pneus usagés ou des morceaux de tissu pour se protéger des projections de pierres.

Mais les accidents sont monnaie courante, selon Otchoun. La plupart sont provoqués par des projections de pierres ou des coups de marteau mal ajustés.

« S’il y a un accident, on va au centre médical du coin lorsqu’on a assez d’argent », a-t-elle expliqué. « L’un de nous est mort récemment. Il a reçu une grosse pierre sur la tête quand ils ont dynamité la roche ».

Benin
Des risques de maladie pulmonaire

Malgré tout, au Bénin, l’un des 20 pays les plus pauvres du monde, travailler des heures durant dans des conditions à risque pour gagner une maigre pitance est toujours mieux que de ne pas travailler du tout.

« Nous vendons la bassine de gravier à 150 francs CFA (30 cents américains) pour les habitants de la localité, et les huit à 1 500 francs CFA (3 dollars américains) pour les gens venus d’ailleurs », a précisé Otchoun. « Je peux gagner entre 10 000 et 15 000 francs CFA (20 et 30 dollars américains respectivement) par mois ».

Un tiers de la population totale du Bénin (7,5 millions d’habitants) vit en dessous du seuil de pauvreté, selon l’Indice de développement humain établi par les Nations unies. Qui plus est, la croissance démographique reste supérieure à la croissance économique.

Selon Marc Tchanou, un maître d’école de la région, malgré les dangers que comporte l’exploitation des carrières, les habitants n’ont pas d’autre choix pour joindre les deux bouts.

« Mais tant que cette activité existera, il sera difficile de mettre un terme au travail des enfants dans la carrière, surtout que la plupart d’entre eux travaillent aux côtés de leurs parents », a-t-il déclaré à IRIN.

« Difficile d’empêcher ça quand c’est la pauvreté qui pousse ces enfants à travailler dès leur plus jeune âge. Comment empêcher les enfants de travailler sans offrir d’autre moyen de subsistance à leurs familles ? ».

Entre-temps, le gouvernement a élaboré un projet de loi interdisant le travail des enfants, mais la loi n’a pas encore été adoptée.

Au Bénin, Tchatchégou est loin d’être un cas isolé : dans tout le pays, des petits Béninois travaillent dans des carrières, des mines d’or ou des exploitations d’argile.

« C’est un phénomène qui prend de l’ampleur », selon Raouf Pereira, un médecin béninois spécialisé dans la médecine du travail.

D’après lui, les enfants travaillent pendant de longues heures et portent des charges trop lourdes, qui peuvent entraver leur développement moteur. De plus, ils sont constamment exposés à des projections de pierres ou à des éboulements.

Les maladies respiratoires sont monnaie courante chez les enfants qui travaillent dans les mines et les carrières, où ils inhalent de la poussière pendant la saison sèche et souffrent de l’humidité pendant la saison des pluies.

Toujours selon Pereira, casser du granit est probablement l’activité extractive la plus dangereuse car la poussière de granit contient des cristaux de silice. Ceux-ci peuvent causer une maladie, à ce jour incurable, qui détruit progressivement les poumons.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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