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Les enfants, premières victimes de l’exode post-électoral

Abandonné par ses parents qui ont fuit par crainte de représailles suite à l’annonce des résultats controversés des élections présidentielles, Alex, 14 ans, se rend chaque matin à la plage pour ramasser les gravillons qu’il revendra aux professionnels du bâtiment pour assurer sa subsistance.

«Mes parents ont pris part aux marches de protestation qui ont suivi les élections, puis, poussés par la peur ils ont fuit», explique l’adolescent.

Comme des milliers d’autres militants de l’opposition, les parents d’Alex sont descendus dans les rues pour exprimer leur indignation suite au scrutin du 24 avril qui a confirmé la transition du père au fils Eyadema.

Fils de Gnassingbe Eyadema qui présida aux destinées du Togo pendant 38 ans jusqu’à son décès en février dernier, Faure Gnassingbe a été déclaré vainqueur d’une élection qui, selon l’opposition, a été entachée de fraudes massives.

Les marches de protestation ont été brutalement réprimées par les forces de sécurité dans les jours qui ont suivi l’annonce des résultats du scrutin. Et, selon les habitants d’Aneho et de Lomé, la capitale togolaise, la répression des opposants se poursuit en cachette le soir.

Comme tant d’autres togolais, les parents d’Alex ont parcouru les 5 kilomètres qui séparent la ville orientale d’Aneho de la frontière béninoise d’Hilacondji. Dans leur fuite, ils ont emmené son jeune frère de 12 ans, mais Alex a choisi de rester et de terminer sa scolarité.

«Je vis avec mon oncle», a-t-il confié à IRIN sur la plage. «Mais puisqu’il est sans emploi, je viens régulièrement ici ramasser des gravillons que je vends pour me nourrir».

Alex est un nom d’emprunt; comme tant d’autres habitants craintifs d’Aneho, il hésite a révéler sa vraie identité.

Chaque jour, il se rend à la plage vers 6 heures du matin pour ramasser des gravillons. Après quatre heures de temps passées à recueillir dans son tamis les galets charriés par les écumes des vagues, Alex revend sa cargaison de gravillons aux entrepreneurs en bâtiment locaux pour 1 500 francs CFA (3 US$).

«C’est éprouvant», lance Alex, assis avec trois de ses camarades d’école sous des palmiers du bord de mer . Et parmi ses amis, deux doivent se débrouiller pour subvenir à leurs besoins depuis que leurs parents se sont réfugiés au Bénin voisin, le troisième étant orphelin.

Map of Togo
Carte du Togo
Aneho durement touché par les violences post-électorales

A Aneho, une ville côtière à 45 km à l’est de Lomé, les militants de l’opposition ont manifesté leur mécontentement à l’issue des élections en s’attaquant aux édifices publics et aux résidences des partisans du parti au pouvoir. Selon des sources diplomatiques, ils auraient même réussi à se procurer quelques armes.

Mais la réponse des autorités a été rapide. Un habitant affirme qu’un hélicoptère militaire a tiré sur la foule alors que des camions déversaient en ville des forces militaires et de police qui tiraient des coups de feu en l’air et visaient parfois directement les manifestants.

Selon certains habitants, plusieurs manifestants ont été tués, même si le nombre exact de victimes est inconnu.

Le gouvernement a ouvert une enquête sur les violences post-électorales et des groupes de défense des droits humains ont choisi de mener leurs propres investigations sur ces évènements.

Plusieurs habitants d’Aneho sont convaincus que le gouvernement a recruté des mercenaires étrangers, originaires d’autres pays africains, pour mener les attaques les plus violentes.

«Parmi les militaires qui ont durement torturé mon époux, certains étaient congolais», a déclaré une militante de l’opposition. «Ils n’étaient pas d’ici : ils ne parlaient pas le Mina [le principal dialecte local]; ils parlaient Lingala [un dialecte d’Afrique centrale] et avaient la peau foncée».

S’il n’a pas été possible de vérifier ces allégations, certaines sources diplomatiques et humanitaires reconnaissent cependant que le gouvernement a peut être demandé l’aide de forces étrangères pour faire face à la grave crise que traversait le pays.

Près de la moitié des réfugiés sont des enfants

Selon l’agence des Nations unies pour les enfants (UNICEF), parmi les 20 000 Togolais qui ont cherché refuge au Bénin, près de 200 seraient des enfants de 9 à 17 ans, abandonnés ou séparés de leurs parents et nécessitant une assistance et un soutien urgents.

«Certains ont affirmé avoir vu leurs parents se faire tuer», a indiqué l’UNICEF dans une rapport qui précise que près de la moitié des réfugiés étaient des enfants.

Mais pour Alex et ses amis qui sont restés au Togo, la vie n’est pas plus facile. Ecumer la mer à la recherche de gravillons est un travail éprouvant et les garçons craignent que l’eau ne soit polluée.

A l’horizon, on aperçoit le quai d’où les bateaux chargent le phosphate des mines de la région. Et en aval, à l’endroit où Alex et ses amis travaillent, l’eau est d’un vert fluorescent.

«Les dépôts dans l’eau irritent nos yeux», explique un des amis d’Alex.

«Et tous les poissons qui se hasardent ici meurent», ajoute un autre, en montrant une zone beaucoup plus colorée le long de la côte. «Ils flottent à la surface !»

Le plus important pour ces garçons est d’aller au bout de leur scolarité qui s’achève dans quelques semaines. Après, ils rejoindront peut-être leurs parents au Bénin.

Certains jeunes étudiants qui avait fui sont revenus pour passer leurs examens. Pour Edoh, un petit homme entre deux âges qui vit à Aneho, ils font preuve de témérité.

«Mon petit frère est revenu, mais je lui ai dit de retourner au Bénin! Ils ont arrêté tant de jeunes collégiens. Le forces de sécurité ont emmené des jeunes garçons la semaine dernière et depuis on ne les a plus revus», a-t-il dit.

[Togo] Children left to fend for themselves after their parents fled post-election violence in Togo. 2005.
Alex et ses amis ramassant des gravillons sur la plage
10 000 personnes déplacées à l’intérieur du pays

Selon l’agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR), plus de 33 000 Togolais se sont réfugiés au Bénin et au Ghana, et même si l’afflux de réfugiés vers le Ghana a cessé, un nombre important de jeunes gens apeurés continue d’arriver au Bénin.

La plupart des personnes restées à Aneho sont des femmes, des enfants et des personnes âgées.

A l’office de dimanche dernier à la cathédrale catholique, seuls 200 membres de la communauté étaient présents alors que les 800 places de l’église sont normalement toutes occupées, a confié le prêtre à IRIN. Ce sont principalement des femmes qui ont assisté à cet office, a-t-il noté.

Mais toutes les personnes en fuite n’ont pas quitté le Togo.

Certaines agences des Nations unies travaillant avec des ONG locales et internationales estiment à 10 000 personnes le nombre de déplacés à l’intérieur du Togo depuis le début des émeutes post-électorales.

L’UNICEF a fourni près de 1 150 colis de denrées alimentaires et des produits de première nécessité distribués par des ONG locales et les autorités dans les villes du sud telles que Aneho, Atakpame, Kpalime et Lomé.

UNICEF estime que 5 800 personnes bénéficieront de cette aide, en comptant que chaque famille est composée en moyenne de cinq membres.

Nous ne savons pas quel est le pourcentage de femmes ou d’enfants chez les personnes déplacées, mais ils semblent constituer la majorité», a déclaré Aicha Flambert, directrice togolaise de l’UNICEF.

Il est difficile d’obtenir des informations fiables. Selon certaines ONG locales, les déplacés ont peur de signaler leur présence aux chefs de village, à plus forte raison aux autorités locales, par crainte de représailles.

«La plus grande difficulté que nous rencontrons ici est le manque d’information, mais les gens sont dans le besoin. Nous avons donc décidé de commencer la distribution de rations sans en tenir compte.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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