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En zone rebelle, «il n’y a aucune action concrète» -- Officiel

[Cote d'Ivoire] Toulepleu Prefecture destroyed by war. IRIN
Dans l’ouest du pays, la plupart des bâtiments publics a été saccagée
Si le docteur Valentin Etekou Akpa affirme avoir fait le bon choix en revenant dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, contrôlé par une rébellion armée, ce haut fonctionnaire admet se sentir seul pour accomplir sa mission : reconstruire le système de santé public après plus de trois ans de conflit. Le directeur régional de la santé de la Région des montagnes et du Moyen-Cavally, qui abritaient près de deux millions d’habitants avant la guerre, est l’un des seuls à être revenu à son poste après le déclenchement de la guerre, en septembre 2002. Mais ses ressources sont limitées et les contacts avec sa hiérarchie, rares. Pourtant, il n’est pas question, pour lui, d’abandonner les populations. “Il y a des malades dans les villages qui n’ont pas les moyens de venir se soigner [à l’hôpital], la population a d’énormes difficultés financières”, explique-t-il à PlusNews, à la lumière d’une lampe torche, preuve des incessantes coupures d’électricité que subit la région. “Dans le même temps, il y a de nombreux cas de séropositivité, des besoins urgents. Il faut que l’on soit là pour assurer la transition, pour aider le personnel à se redéployer, pour redonner confiance”, commente le médecin. Le docteur Akpa dit assister désormais “à la recrudescence de pathologies autrefois contrôlées, telles que la tuberculose, la poliomyélite, la rougeole, la fièvre typhoïde ou encore la lèpre”. Il se désole “du manque d’actions concrètes” en faveur de ces communautés vulnérables. “Il nous faut des budgets de fonctionnements, des ressources financières pour relancer les activités, pour équiper les centres de santé, mais malheureusement, il n’y a aucune action concrète”, se désole-t-il. Après plus de trois ans de crise sociale, politique et militaire aiguë, la situation sanitaire dans l’ouest ivoirien est inquiétante, confirment les travailleurs humanitaires qui tentent, depuis septembre 2002, de faire face aux besoins des populations, des familles appauvries, incapables de se déplacer, de se nourrir et de se soigner correctement. Selon une étude menée en 2004 et publiée cette année à Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire, le départ précipité des personnels de santé et la fermeture de centres sanitaires dans le nord sous contrôle rebelle ont eu un impact dramatique sur la lutte contre le sida, contribuant à accélérer la propagation de l’épidémie dans cette partie du pays. D’après les auteurs, le conflit aurait fait fuir vers le sud 98 pour cent des médecins : trois étaient encore en poste en mars 2004, sur les 127 médecins installés avant 2002 au-delà de la ‘zone de confiance’ qui sépare le sud du pays du nord. Ces départs auraient concerné respectivement 91 et 95 pour cent des médecins travaillant dans les zones urbaines de l’ouest et du nord. Le docteur Akpa était de ceux-là. Lorsque des combattants sont arrivés à Man, en novembre 2002, “on est tous partis”, explique-t-il. Tous : le personnel médical et technique de l’hôpital régional, les responsables des 114 centres sanitaires de la région et les agents de l’Etat. Les organisations humanitaires, et notamment Médecins sans frontières (MSF), ont pris le relais, soignant les urgences d’abord puis les pathologies récurrentes (malnutrition, paludisme, tuberculose, etc) et enfin le VIH/SIDA, puisque le programme national de prise en charge des patients a démarré pour la première fois dans cette région en avril 2005. Sans les humanitaires, pas de soins dans l’ouest Sans eux, affirme le docteur Akpa, “on ne pourrait pas compter les décès que la guerre aurait occasionné”, révélant des taux de séroprévalence au Centre de dépistage volontaire et anonyme de l’hôpital autour de 40 pour cent entre avril et décembre 2005. “Avec MSF, la collaboration est franche et totale. Ils doivent observer la politique sanitaire du pays et il faut quelqu’un sur place qui veille à cela, je suis celui-là”, explique-t-il. Mais, surtout, dit le médecin, “leur présence sur le terrain, dans nos établissements a permis de sédentariser le personnel de santé, de le rassurer : ils ont apporté la sécurité là où elle manquait cruellement.”
Les populations de l’ouest de la Côte d’Ivoire, une région instable, ont subi le conflit de plein fouet
Malgré la présence de MSF à Man, une ville entourée de caféiers au nord-ouest d’Abidjan, le docteur Akpa n’était pourtant pas très rassuré quand, en août 2003, le ministère de la Santé lui a ordonné de reprendre le chemin de la forêt, réputée pour abriter les rebelles sanguinaires venus du Liberia voisin. “Quand je suis revenu … c’était pas facile. Tout ce que j’avais rassemblé depuis 1985 avait été pillé, tout était perdu, parti. Aujourd’hui encore, ils sont dans nos maisons, ils occupent nos logements”, raconte-t-il, en secouant la tête. Pourtant, affirme-t-il, “à aucun moment les Forces nouvelles (le nom de la rébellion armée) ne nous ont empêché de travailler sur le terrain. Au début, on avait un peu peur, mais très vite la confiance est revenue et, depuis, on supervise les progrès en collaboration.” Les relations avec le ministère de la Santé sont plus difficiles. Après un mois d’hôtel, à ses propres frais, le directeur régional finit par s’installer à l’hôpital, dans un petit bâtiment que MSF lui octroie et qu’il partage depuis bientôt trois ans avec son directeur départemental et son chauffeur. Mais contrairement à MSF, le docteur Akpa n’a ni radio, ni téléphone, ni carburant pour sa voiture et il doit parcourir régulièrement les 500 kilomètres qui le séparent d’Abidjan pour prendre les instructions de sa hiérarchie et réclamer les moyens nécessaires à l’accomplissement de sa mission. “Je ne peux pas communiquer avec mon personnel, je n’ai pas de fax… Or il faut que j’ai un contact direct avec mon ministre, c’est lui qui m’a demandé de venir”, explique le docteur Akpa. “Mais je ne sais rien, je suis le seul à me faire entendre… Ce n’est pas normal, de travailler sans appui !” L’étiquette de ‘rebelle’ dont l’affublent ses collègues restés au sud pèse d’autant plus lourd. “Je leur ai dit qu’on est en train de soigner des Ivoiriens, que ce que l’on fait, à la demande du ministre, est pour toute la Côte d’Ivoire.” Une question de responsabilité Mais les idées reçues ont la vie dure et le docteur Akpa a du mal à leur faire comprendre que “c’est une question de responsabilité, nous avons tous continué à être payés pendant quatre ans, comment pourrais-je me justifier devant mon supérieur si je n’accomplis pas ma mission ? Comment pourrais-je me regarder dans la glace sinon ?” C’est grâce à une indemnité que lui verse le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) que le docteur Akpa parvient à se déplacer dans les six districts sanitaires sous sa juridiction : son carburant, les médicaments de première nécessité et une subvention pour le personnel des centres de santé (entre 96 et 192 dollars par mois pour le médecin et chacun des cinq agents) sont fournis par l’agence onusienne.
Les populations de l’ouest de la Côte d’Ivoire, une région instable, ont subi le conflit de plein fouet
“Nous sommes venus parce que l’Union européenne, par l’entremise de l’Unicef, a décidé de relancer les activités sanitaires dans notre région : tous les centres de santé et les dispensaires ruraux avaient été endommagés, le matériel et les installations électriques emportés, les logements des infirmiers et des sages-femmes étaient occupés”, explique-t-il. Après trois ans de travail, il est fier d’annoncer la réouverture de 91 centres et le retour progressif des fonctionnaires du ministère de la Santé, infirmiers, sage-femmes, pharmaciens -- et même les directeurs départements, au nombre de six aujourd’hui. Plus de la moitié de ces centres de santé fonctionne désormais avec du personnel qualifié, redéployé ou affecté dans la région par l’Etat ; 37 bénéficient d’un personnel formé sur place, non-qualifié mais supervisé par le directeur départemental. “Nous avons devancé tous les fonctionnaires de l’Etat, nous sommes les plus nombreux [à être de retour] parce que nous avons fait beaucoup de lobbying auprès du personnel, tout le temps, il était si important qu’ils soient au travail sur le terrain. La population a d’énormes besoins !”, commente le docteur Akpa. Pour lui, si ces fonctionnaires reviennent peu à peu dans la région, “c’est grâce à nous, parce qu’on était là. Ils pensaient que l’insécurité était totale, qu’il était impossible de circuler ! Or nous ne sommes nullement inquiétés, nous pouvons travailler.” La situation est pourtant loin d’être reluisante : le responsable du district sanitaire doit encore emprunter une moto et de l’essence à MSF pour diagnostiquer les patients et alerter sa hiérarchie en cas de pathologies sévères ; le directeur régional casse encore sa tirelire pour acheter des cartes de téléphone et appeler Abidjan. Le médecin s’inquiète surtout pour les villes situées en zone de confiance, une bande de territoire qui s’étire d’est en ouest, séparant les deux belligérants, et que patrouillent plus de 7 500 Casques bleus des Nations unies. “Il y a des endroits où l’insécurité est telle qu’elle risque de compromettre tous nos efforts. Si les problèmes inter-communautaires surviennent à nouveau, [les agents de santé] risquent de repartir.” Pour en savoir plus

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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