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IRIN Interview avec Christina Linner, coordonnatrice principale du HCR pour les enfants réfugiés

La protection des droits de l'enfant était au centre des travaux de l'atelier inter-agences des Nations Unies qui s'est tenu du 24 au 27 février à Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo (RDC). Christina Linner, suédoise de nationalité, est coordonnatrice principale pour les enfants réfugiés au Haut Commissariat pour les Réfugiés (HCR) à Genève (Suisse). Elle a été l'une des principales animatrices de la rencontre. Travaillant au HCR depuis plus de 20 ans, elle a accepté de partager avec IRIN son expérience en matière de protection des droits des enfants réfugiés en particulier, mais aussi des droits des réfugiés en général.

QUESTION: Quel était l’objet de votre venue à Kinshasa?

REPONSE: Je suis venue à Kinshasa pour un atelier qui a eu lieu du 24 au 27 février dernier. C'est un atelier régional de travail sur les droits de l'enfant qu'on appelle " ARC ", en anglais, Action for Rights of Children. L'atelier a réuni sept pays francophones de la région des Grands Lacs et l'Afrique Centrale: la RDC, la République du Congo, le Rwanda, le Burundi, le Gabon, le Tchad et la République centrafricaine.

Q: Que peut-on retenir de cet atelier?

R: Nous nous étions fixé trois objectifs: le renforcement de la connaissance des participants sur les droits de l'enfant, le renforcement de la collaboration inter-agences et aider les participants à mieux incorporer les sujets abordés dans leurs activités et programmes généraux.

Il s'agit certes-là d'un objectif ambitieux. Le sujet est important. C'est la première fois qu'un tel atelier était organisé. Mais le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (Unicef) et Save the Children-UK [une ONG de défense de l’enfant] ont, par leur présence à cet atelier, facilité la tenue de certaines sessions.

Q: Quel a été votre apport à cet atelier en tant qu'experte en matière de défense des droits de l'enfant?

R: Notre démarche était de répertorier les sujets prioritaires dans cette région et de réunir des facilitateurs qui pourraient partager leurs expériences et apporter des propositions. Notre but ensuite était de voir comment les participants allaient renforcer ces expériences et répondre à ces besoins dans leurs programmes respectifs.

Nous avons choisi cinq sujets pour cet atelier:

Les normes juridiques internationales en la matière; la question des enfants non accompagnés et séparés; la violence sexuelle; le problème des enfants associés aux forces et groupes armés; le dernier point consistait à envisager les moyens pour permettre à la communauté des réfugiés de se protéger elles-mêmes.

Q: Quelles ont été les propositions avancées par rapport à ces thèmes?

R: Nous, le HCR, comme les autres agences humanitaires, y compris les ONG et autres partenaires, sommes souvent limités en ressources et en pouvoir d'action. La responsabilité primaire relève des Etats individuellement, car ce sont eux qui ratifient les conventions et les protocoles internationaux.

Notre devoir est plutôt de soutenir et d'aider les Etats dans leur connaissance et leur compréhension des droits de l'enfant.

Dans la convention relative aux droits de l'enfant par exemple une clause est absolument fondamentale: la non-discrimination. Cela signifie qu'un Etat est responsable de tous les enfants placés sous sa responsabilité, y compris évidemment, les enfants réfugiés.

Or, on ne prend pas le temps d'expliquer. La connaissance nécessaire n'existe pas toujours. Je crois que c'est par là qu'il faut commencer: former, renforcer les capacités, aider, soutenir et contrôler le suivi... C'est de cette manière que nous pouvons vraiment aider.

Les participants à l'atelier vont avoir le devoir de partager leurs connaissances et d'aider leurs partenaires gouvernementaux, non gouvernementaux ou d'autres encore à améliorer leurs connaissances dans le droit des réfugiés. Save the Children-UK par exemple est spécialisé dans la protection des enfants, l'Unicef s'occupe des enfants dans le monde, d'autres organisations ne travaillent pas spécifiquement sur les questions de l'enfant mais sont des partenaires en assistance et en protection des réfugiés.

Prenons un exemple. Si vous trouvez un enfant seul dans la rue, c'est peut-être un enfant non accompagné ou un enfant séparé momentanément de ses parents ou un enfant dont les parents sont quelque part ailleurs. Doit-on immédiatement placer cet enfant dans une institution? Non, si, après vérification, l'enfant est effectivement non accompagné ou séparé, le placer dans une institution sera la dernière solution à envisager.

Il faut plutôt trouver une famille d'accueil le temps de retrouver sa vraie famille. La famille d'accueil doit de préférence être de la même culture, de la même origine que l'enfant pour lui fournir une stabilité. Dans le cas contraire, il faudrait essayer de le placer dans une famille du pays hôte. C'est pratiquement toujours préférable pour un enfant d'être dans un cadre familial plutôt que dans une institution.

En Europe, le continent d'où je viens, on avait le cas de la Roumanie. Il fut un temps, dans ce pays, l'on mettait beaucoup d'enfants dans des institutions, pas nécessairement parce qu'on n'avait pas de choix, mais parce que c'était une politique. Cette solution était très mauvaise pour le développement et le bien-être des enfants, a-t-on découvert par la suite. Connaître la bonne méthode dans ce domaine est donc très important.

Bien évidemment, il faut s'assurer ensuite que les familles d'accueil n'abusent pas des enfants en les utilisant comme esclaves domestiques ou sexuels. L'enfant réfugié doit continuer à aller à l'école comme les autres enfants.

Q: Pensez-vous que ces solutions soient applicables aux enfants des rues qui sont de plus en plus nombreux dans la région? Dans la seule ville de Kinshasa, près de 25.000 enfants des rues ont été enregistrés par le ministre congolais des affaires sociales.

R: C'est un problème pour tous les enfants, y compris les enfants réfugiés urbains parce que les parents ne peuvent pas s'occuper d'eux ou parce qu'ils sont orphelins. Le sujet a aussi fait l'objet de discussions dans l'atelier ARC.

La première chose est de saisir là ou les causes à l'origine de la situation de l'enfant.

La pauvreté de la famille peut être l'une des causes. L'enfant peut avoir été séparé de sa famille au cours de leur fuite d'une zone de conflit. L'enfant peut-être parti de lui-même pour découvrir ce qui se passe ailleurs, ceci n'étant pas nécessairement le cas des enfants ici en RDC.

Des études ont aussi démontré qu'il peut aussi s'agir d'un enfant qui a été abusé à la maison, par ses parents ou des parents proches. Bien que les filles soient particulièrement exposées, des femmes abusent également des garçons.

Après avoir identifié les raisons pour lesquelles les enfants sont dans la rue, il faut envisager les solutions.

Une des réponses est de trouver une organisation pouvant aider l'enfant. Beaucoup d'ONG locales et internationales font un travail remarquable.

Il faut connaître ce qui est dans l'intérêt supérieur des enfants. Si ce sont des jeunes, il est préférable de leur trouver une famille d'accueil. Si les enfants sont plus âgés, il y a la possibilité de les mettre dans des groupes " homes " . On peut aussi envisager que les plus âgés prennent soin des plus jeunes. Mais il faut s'assurer que les plus âgés aient la possibilité d'aller à l'école.

Q: Quelles sont vos priorités ?

R: Je vais juste mentionner les cinq priorités que nous avons en ce moment au HCR, de manière globale. Mais il y en a beaucoup d'autres à un niveau régional.

En premier lieu, il y a le problème de la séparation qui entraîne tellement d'autres conséquences. Il s'agit d'un problème-clé pour les enfants réfugiés. Les recherches sont transfrontalières ce qui rend l'exercice difficile. Nous avons besoin de travailler avec de nombreux partenaires, parmi lesquels le CICR [le Comité International de la Croix Rouge] et Save the Children.

Une autre priorité est l'exploitation, les sévices et la violence sexuels contre les enfants.

Il y a également le recrutement militaire. Si vous n'avez pas d'acte de naissance et si vous n'avez pas une famille ou une communauté qui vous protége, vous êtes très vulnérable. Le risque que ces enfants rejoignent des forces ou groupes armés peut alors devenir très grand, parce qu'on leur promet de la nourriture, un encadrement familial alors qu'ils sont à la recherche d'une protection.

Le problème de l'éducation est une autre priorité. Certains enfants n'ont plus accès à l'éducation, notamment les filles. Si une fille est prise en charge par une famille, elle est plus souvent exploitée à aider dans le ménage et à prendre soin des plus petits. Cette fille n'aura pas la chance de poursuivre des études, surtout si elle est plus âgée. Quelle sera alors l'alternative pour elle? Peut-être se marier très jeune, même si ce n'est pas ce qu'elle désire.

Enfin, il y a les besoins spéciaux des adolescents que l'on essaie de mettre en valeur. L'âge limite pour l'adolescence varie selon les différents pays et les cultures. Mais ce qui est important est que la Convention relative aux Droits de l'Enfant protége l'enfant jusqu'à l'âge de 18 ans, même si la loi du pays stipule par exemple que la fille devient adulte lorsqu'elle est mariée à l'age de 14 ans. Dans cette matière, un immense travail d'information est nécessaire.

A coté de ces priorités globales, il existe des priorités régionales. Il y a par exemple certaines pratiques comme l'excision. Le HCR essaie aussi d'augmenter la connaissance avec ses partenaires et de combattre cette pratique. Comme ces pratiques sont souvent acceptées et même encouragées par les familles, il est très difficile de renverser l'état des choses. Il nous faut en même temps être sensible à la culture et travailler avec les femmes de la société concernée.

Q: A combien chiffrez vous le nombre d'enfants réfugiés?

R: Les dernières statistiques disponibles dénombrent près de 9,1 millions enfants réfugiés qui représentent 46 % des réfugiés placés sous notre mandat.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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