Les deux premiers trains à quitter le quai depuis près de 10 ans en direction de Wau, une ville du sud, sont arrivés en mars 2010 ; l’un transportait des marchandises, l’autre du matériel et du personnel de maintenance, a indiqué à IRIN Al Haji Maktoub, responsable de la Société soudanaise des chemins de fer.
Le gouvernement central a consacré 35 millions de dollars américains aux travaux de rénovation, s’élevant à 46 millions de dollars ; le reste de la somme a été financé par les bailleurs de fonds, par le biais d’un fonds national géré par la Banque mondiale.
« Un sac de sucre coûte 155 [livres soudanaises, soit 69,50 dollars]. Quand ce train est arrivé, le prix a baissé à 80 [35,90 dollars] », a rapporté John Arop, responsable d’une organisation non gouvernementale (ONG), installé à Wau. Le prix des boissons sans alcool telles que le Coca-Cola ou le Fanta a diminué de moitié, passant de deux SDG (90 centimes de dollar) à une SDG (45 centimes de dollar), a-t-il ajouté. Le premier train de marchandise transportait également du sucre, du ciment et du sorgo.
Les étals du marché situé en face de la gare rénovée sont en construction et en réparation en prévision d’un boom. Auparavant, le bois d’œuvre, le miel, le café et le thé étaient acheminés vers le nord à partir de Wau, mais le premier de ces services de transport, prévus pour être hebdomadaires, est rentré vide.
Du potentiel
Le transport ferroviaire peut entraîner une réduction considérable des prix, car les camions de livraison se heurtent à de nombreux barrages routiers et sont soumis à de lourdes taxes, a expliqué M. Arop ; mais il reste à déterminer si ce moyen de transport permettra également de réduire le coût des opérations humanitaires, notamment de l’acheminement de l’aide alimentaire, selon des responsables. Par ailleurs, si les services de transport de passagers reprenaient également, le déplacement des sudistes vers et depuis Khartoum ou le Darfour deviendrait bien plus facile, selon un observateur international.
Toutefois, la voie ferrée, construite en 1961, a un passé sinistre. Elle était en effet utilisée pour ravitailler Wau au cours de la guerre civile, longue période au cours de laquelle la ville était un avant-poste fortement militarisé du gouvernement central, entouré de zones occupées par l’Armée populaire de libération du Soudan (SPLA), mouvement alors rebelle.
Au cours du conflit, la SPLA tendait des embuscades le long des voies ferrées. En réaction à cela, les trains étaient escortés par des miliciens à cheval, fidèles au gouvernement, connus sous le nom de Murahaliin, et parfois par les Forces de défense populaires (PDF), un groupe paramilitaire. Les villages étaient pillés et rasés, selon différents rapports sur les droits humains.
En octobre 1995, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits humains au Soudan avait fait état de « récurrences constantes d’enlèvements de femmes et d’enfants de la province de Bahr al Ghazal par l’armée du gouvernement, les soldats des PDF, les miliciens armés par le gouvernement, ainsi que les moudjahidin qui les accompagnent au cours des incursions et des raids menés depuis les convois de train gardés par l’armée en direction de Wau. A plusieurs reprises, les trains affrétés par les Nations Unies pour l’acheminement de vivres dans la région pendant les escales ont été suivis, quelques semaines plus tard, par des convois militaires ; les personnes qui s’approchent des trains gardés par les militaires dans l’attente d’une distribution de vivres deviennent la proie facile des ravisseurs ».
Photo: Ben Parker/IRIN |
En tournée électorale avec Salva Kiir et Riek Machar, président et vice-président du Sud Soudan, en Equatoria occidental |
Les raids permettaient également aux miliciens d’enlever les femmes et les enfants du Sud Soudan, pour les emmener au Nord Soudan dans des conditions souvent semblables à l’esclavage, selon les associations de défense des droits humains. Plus de 11 000 personnes ont ainsi été enlevées dans l’ensemble de la région, selon les recherches menées par le Rift Valley Institute.
Mais s’il est vrai que le train était un « instrument de terreur » dans les années 1990, il semble qu’il soit devenu aujourd’hui une « tactique électorale », a observé un responsable international. Les élections doivent en effet se tenir en avril, bien que les partis d’opposition demandent leur report.
Un nouveau départ
La réouverture de la ligne ferroviaire reliant Wau, chef-lieu du Bahr el Ghazal occidental au sud, au Darfour et à Khartoum, en passant par Babanusa, a été marquée par un rassemblement à l’occasion duquel Omar el Bashir, président du Soudan, et Salva Kiir, président du Sud Soudan, se sont tous deux exprimés.
David Gabriel Makwer, l’un des trois responsables de la police ferroviaire sud-soudanaise, s’est exprimé à ce propos à l’ombre d’un arbre, à la gare de Wau : il a expliqué que la majeure partie de la ville était venue assister à l’événement du 11 mars et que l’ambiance avait été « très positive », le rassemblement s’accompagnant de musique et de célébrations dans la rue et les médias locaux.
L’optimisme a toutefois revêtu une connotation politique évidente lors de la cérémonie d’inauguration, à Wau. Selon M. Arop, les répercussions symboliques et économiques de la réouverture de la ligne ferroviaire pourraient avoir « influencé la réflexion des gens » concernant la politique et l’unité nord-sud, mais alors que la période intérimaire touche à sa fin, il est déjà « trop tard », a-t-il dit.
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