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Enfants en danger : l'adoption traditionnelle peut être un véritable calvaire

[Senegal] Talibe beggar children on the streets of Dakar, Senegal. [Date picture taken: 06/01/2006] Pierre Holtz/IRIN
Un talibé dans les rues de Dakar (photo d’archives)

« J’avais quatre ans lorsque mon père m’a confié à mon oncle qui n’avait pas d’enfant. Quand j’étais petit, ça se passait bien. Mais mon calvaire a commencé dès que j’ai eu neuf ans. Je n’étais plus un enfant de la maison, j’étais l’esclave », raconte Souleymane.

Agé aujourd’hui de 16 ans et vêtu de haillons, ce jeune homme au regard mélancolique a perdu trois doigts à la main droite et éclate en sanglots lorsqu’il se souvient de ces tristes années.

Comme des milliers d’enfants à travers le continent africain, Souleymane a été victime des dérives de l’«adoption informelle», également appelée «adoption traditionnelle» ou «confiage», une pratique ancestrale qui consiste à envoyer un enfant chez des parents proches ou des amis de situation sociale et financière similaire ou supérieure, afin qu’ils se chargent de son éducation.

Parti de son village pour vivre dans la famille de son oncle à Garoua, la capitale du nord du Cameroun, dans l’espoir d’être inscrit dans une des nombreuses écoles de la région, Souleymane s’est trouvé contraint d’effectuer des travaux domestiques. Mais un jour, il a décidé de s’enfuir.

« La femme de mon oncle ne faisait plus rien à la maison. Je préparais, je faisais la vaisselle tous les travaux domestiques de la maison », déclare Souleymane. « En récompense, c’étaient les bastonnades qui suivaient », ajoute-t-il.

Cela fait quatre ans qu’il vit dans les rues de Garoua. « Je n’y retournerai jamais plus », affirme-t-il.

Autrefois un honneur, l’adoption est devenue un fardeau

« Dans le temps, c’était un honneur d’élever l’enfant d’une tierce personne. Ainsi, on donnait un enfant à un couple qui ne pouvait pas en avoir, ou on confiait à une famille les enfants d’une femme qui venait de décéder.

« Il aurait été inimaginable que les gens voient l’enfant qui leur avait été confié se balader en haillons et pieds nus. Cela aurait été une honte », explique Youssouf Tata Cissé, chercheur malien à la retraite.

Mais de nos jours, ce qui pousse avant tout les parents à se séparer de leurs enfants, c’est tout simplement leur incapacité à les élever, raconte El Kane Mooh, conseiller régional pour l’Afrique de l’ouest à Save the Children, Suède.

« Les parents n’ont plus les moyens ».

La pauvreté et l’émigration ont rompu les liens familiaux traditionnels et des histoires comme celle de Souleymane sont légion dans la région, expliquent les experts.


Des enfants mendiant, les pieds nus, dans les rues de Dakar, au Sénégal

« Dans notre région, nous assistons à une paupérisation croissante. La famille africaine, au sens où on la connaît, n’existe plus. Le fantasme de la solidarité africaine n’est plus d’actualité, affirme Jean-Claude Legrand de l’Unicef. « On observe une mutation d’un système familial, une nouvelle dynamique où la protection de l’enfant n’est plus la priorité ».

Des enfants victimes d’abus sexuels

Beaucoup de jeunes filles sont non seulement exploitées et maltraitées, mais elle sont également victimes d’abus sexuels.

Agée aujourd’hui de 28 ans, Sylvie vit aussi à Garoua et a été confiée à deux ans à sa grande sœur qui ne pouvait pas avoir d’enfant.

« Dès que ma sœur allait au travail, j’étais à la merci de sa coépouse et de ses enfants qui étaient plus âgés que moi ».

Et à huit ans, le jeune frère de son oncle, qui avait 18 ans et qui s’occupait souvent d’elle, l’a violée.

« J’en ai beaucoup souffert. Il m’arrive d’y penser encore », commente-elle.

Quant à Amélie, qui a échappé aux griffes de sa tante il une dizaine d’années et vit désormais à Paris, elle a été battue le jour où elle a tenté de parler des abus qu’elle subissait.

« Le jour où j’ai dit qu’un de mes oncles me faisait des attouchements, on m’a battue et fouettée jusqu’au sang. Même si c’était vrai, je devais me taire. Ces choses ne se disent pas », confie Amélie.

Les familles adoptantes ont besoin d’être soutenues

Enfants mendiant quelques pièces de monnaie dans les rues de Dakar

Pour mettre fin à ces violences, le rapport 2002 de la Banque Mondiale, qui finance entre autres des programmes d’aide aux enfants de rue en Afrique occidentale, recommande le parrainage de l’éducation des enfants orphelins, ainsi que des suppléments de nourriture et une aide financière aux familles adoptantes.

De son côté, les Nations unies s’emploient à fournir des centres d’accueil dans les villes afin que les enfants orphelins et victimes d’abus de toutes sortes puissent venir trouver de l’aide.

Il existe un de ces centres à Cotonou, la capitale du Bénin, où plus de 500 enfants se présentent spontanément chaque année, et au Gabon, où une ligne directe a été mise à la disposition des enfants pour leur permettre de dénoncer les maltraitances qu’ils subissent.

Mais pour Mooh de l’ONG Save the Children, il faudrait multiplier les actions pour empêcher que les enfants ne deviennent orphelins et éduquer les familles paysannes pour qu’elles mettent fin à la pratique de l’adoption traditionnelle.

« Les parents en ville n’ont pas les moyens d’investir sur un enfant, surtout lorsqu’ils n'ont pas les moyens d'envoyer leurs propres enfants à l’école ».


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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