Originaires de Kisangani, chef-lieu de la province Orientale, dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC), Richard et Ruth (des noms d’emprunt) vivaient à Kinshasa, la capitale congolaise, où Richard, chauffeur mécanicien de formation, travaillait «dans les diamants», lorsqu’une rébellion a éclaté en 1997, menant au renversement de l’ancien président Mobutu Sese Seko.
«On est retourné à Kisangani mais comme je travaillais avec les enfants de Mobutu, on a commencé à me chercher alors il a fallu partir», a raconté cet homme de 42 ans. «On est parti à pied, à travers la forêt, on voulait aller à Nairobi [au Kenya] mais on s’est trompé de direction et un jour on est arrivé à une frontière : c’était celle du Soudan.»
Richard, Ruth et les enfants se sont alors dirigés vers la RCA où ils sont arrivés en août 1998, au terme d’un voyage de plusieurs mois pendant lesquels ils n’ont survécu que grâce à la charité de «gens qui nous ont aidés, des chrétiens» rencontrés sur le chemin, qui les ont nourris.
Mais l’épreuve était trop difficile pour les plus jeunes des cinq enfants du couple : deux d’entre eux, des garçons, sont morts peu après leur arrivée à Bangui, la capitale centrafricaine, de malnutrition et de problèmes respiratoires, selon leurs parents.
En dépit de la douleur et du déracinement, Richard et Ruth ont décidé de continuer à se battre pour leurs autres enfants, et pour les deux derniers nés en exil à Bangui.
Sans emploi et sans argent, ils ont frappé à toutes les portes pour survivre, notamment celle du Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR), qui leur fournit épisodiquement une assistance alimentaire.
Et puis Ruth a commencé à tomber régulièrement malade. En mars dernier, lorsqu’elle a développé un zona, une des affections cutanées les plus courantes chez les personnes vivant avec le virus, le couple est allé consulter le médecin de la Commission nationale des réfugiés (CNR).
«Le médecin de la CNR nous a conseillé de faire le test du VIH, on était tous les deux séropositifs», a raconté Richard, tandis que sa femme, les yeux baissés, pleurait doucement à ses côtés. «Moi je suis encore apte mais pour elle, la maladie va progressivement. Elle a besoin d’ARV [antirétroviraux], mais il n’y en a pas.»
En RCA, moins de 3 500 personnes, parmi lesquelles très peu de réfugiés, reçoivent actuellement ces médicaments qui prolongent la vie des personnes vivant avec le VIH/SIDA, sur les plus de 30 000 qui en auraient besoin, selon les Nations unies.
A défaut de pouvoir fournir des ARV, le HCR apporte aux réfugiés un soutien psychologique et les aide dans leurs démarches.
«Nous survivons grâce à l’assistance, même pour manger, mais nous n’avons pas les moyens d’envoyer les enfants à l’école», a dit Richard. «Et maintenant que je suis atteint [par le VIH], les enfants, leur vie, ça va aboutir comment ?»
Les enfants de Richard et Ruth n’ont pas été dépistés et ignorent l’état de leurs parents, a dit le couple, pour qui il s’agit de trouver les moyens de se faire soigner sans éveiller les soupçons, par peur de subir un nouveau rejet.
Parmi les 3 500 réfugiés congolais qui vivent encore en RCA (dont plus des deux tiers en ville), beaucoup ont surveillé de près le déroulement des élections présidentielles dans leur pays, avec l’espoir de pouvoir rentrer si la situation se stabilise.
Les opérations de rapatriement volontaire organisées par le HCR depuis fin 2003, qui ont déjà permis à plus de 3 200 congolais de rentrer chez eux, devraient reprendre avant la fin de l’année, mais Richard et Ruth savent déjà qu’ils n’en feront pas partie.
«Si encore j’avais ma maison, je pourrais peut-être rentrer, mais tout a été cassé, j’ai perdu tous mes biens», a dit Richard. «Et puis on me recherche toujours. En janvier, mon père a été tué à cause de moi, parce qu’on ne me trouvait pas. Je suis toujours en danger.»
Pourtant, lui et sa femme ont dit ne pas vouloir rester en RCA, où il n’y a pas de travail, pas de traitement du VIH pour eux, pas d’école et surtout «pas d’avenir» pour leurs enfants.
«J’insiste pour nos enfants… dans l’état où nous sommes ma femme et moi … il faut les aider», a plaidé Richard. «C’est Dieu qui a voulu cette situation, nous n’avons pas commis de crime.»
ail/ab
This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions