Après trois années de conflit dans le Darfour, Kaltouma Yaya Ato vient de rejoindre les camps de réfugiés au Tchad. Et lorsqu’on lui demande pourquoi elle a décidé de s’enfuir maintenant, la vielle dame de 80 ans, sans un mot, soulève délicatement son pagne pour laisser apparaître les blessures infligées par les miliciens Janjawid.
Sa jambe gauche est enflée et a doublé de volume à la suite des sévices corporels que lui ont fait subir des miliciens arabes. Son crime ? S’être hasardée dehors pour aller chercher du bois. Et un mois plus tard, elle ne peut toujours pas se tenir debout, et encore moins marcher.
Ato fait partie de ces quelque 1 000 réfugiés de la région du Darfour au Soudan qui sont arrivés au camp de Gaga, dans l’Est du Tchad, depuis le début de l’année et qui témoignent des nouvelles attaques perpétrées par les milices Janjawid.
« Ils étaient sans pitié », a-t-elle murmuré.
Ato a fait le trajet entre le camp des déplacés internes du Darfour et la ville de Gaga à bord d’une camionnette, en comptant sur la générosité des passagers pour lui payer les frais de transport et l’aider à monter et à descendre du véhicule.
« Je me sens mieux ici et j’espère que ma vie s’améliorera. C’est calme et on n'entend pas les coups de fusil », a-t-elle ajouté.
Pour bon nombre de nouveaux arrivants, c’est la deuxième ou la troisième fois qu’ils sont contraints de fuir.
Certains viennent des camps de déplacés internes ou des villages voisins de la région du Darfour. Ils se plaignent du manque de nourriture, d’être attaqués dès qu’ils se hasardent dehors pour chercher du bois ou pour faire paître le bétail.
D’autres ont trouvé refuge dans des villages tchadiens. Mais bien vite, ils se sont rendus compte que les milices soudanaises, armées de Kalashnikov, faisaient peu cas des frontières internationales, et passaient la frontière à dos de cheval et de chameau pour mener des attaques en territoire tchadien.
Puis il y a ceux qui, comme Halime Babour, une jeune femme de 32 ans, ont vécu les deux expériences.
Tout en allaitant son bébé de huit mois, elle raconte comment elle a perdu son oncle l’année dernière, au cours d’une attaque de miliciens Janjawid sur le village soudanais de Tandalti.
Elle s’est enfuie au Tchad avec ses six enfants, et a trouvé refuge auprès des habitants du village de Biski. Mais, les milices ont attaqué ce village, tué deux de ses voisins, incendié des cases et volé le bétail.
Fatigués et affamés
« Nous sommes fatigués de subir ces attaques et de déménager. C’est fatiguant pour tout le monde », s’est plaint Babour.
« Tout ce que je veux maintenant c’est me fixer quelque part, avoir un abri, de la nourriture et vivre en paix ».
Depuis le début de l’année, la ville de Gaga a accueilli près de 1 000 nouveaux réfugiés, a expliqué le responsable du camp, Milaiti Ruben de l’agence humanitaire Africare. Et selon lui, ce flux n’est pas prêt de s’arrêter.
« Le flux ne s’arrêtera pas en raison de l’insécurité qui règne à la frontière », a-t-il expliqué à IRIN.
« Et pour les populations, le moyen le plus simple de se protéger est de s’enfuir ».
Le camp de Gaga est le dernier des 12 camps de réfugiés ouverts dans la région Est du Tchad et, pour l’instant, il n’y a pas de problème d’espace.
Réfugiées soudanaises attendant d'être enregistrées dans le camp de Gaga, à l'Est du Tchad |
Les médecins du dispensaire travaillent d’arrache-pied pour traiter les cas de malnutrition chez les nouveaux arrivants.
« Nous avons identifié aujourd’hui 40 nouveaux cas de malnutrition », a déclaré Ngaro Degoto, le surveillant du dispensaire.
« Le nombre de cas de malnutrition a augmenté le mois dernier en raison des nouveaux arrivants, mais pas à cause du manque nourriture dans le camp ».
Les attaques perpétrées le long de la frontière entre le Soudan et le Tchad sont non seulement responsables des nouveaux cas de malnutrition identifiés au dispensaire, mais elles empêchent aussi les travailleurs humanitaires d’apporter l’aide nécessaire aux réfugiés.
« Avant, les réfugiés souffrant de malnutrition sévère étaient envoyés vers l’hôpital d’Adré, mais compte tenu de l’insécurité qui prévaut dans la région, ces évacuations sont désormais impossibles », a expliqué Degoto, tandis que des enfants affamés pleuraient dans l’arrière cour.
« Au camp, nous les suivons heure par heure, mais lorsque nous rentrons le soir, ils sont abandonnés à eux-mêmes jusqu’au matin ».
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