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Paix et processus de réconciliation en péril au Burundi

Police prevent Agathon Rwasa from meeting his supporters in Bujumbura (August 2013) Desire Nimubona/IRIN
The police have increasingly broke up opposition party gatherings
Quinze ans après l’accord de paix qui réclamait sa création, une Commission Vérité et Réconciliation (CVR) va finalement être mise sur pied pour examiner les crimes commis depuis 1962 au Burundi. Mais les controverses et les désaccords, qui grippent le mécanisme depuis le début, sont toujours d’actualité, ce qui remet en question l’efficacité de la commission. La préoccupation centrale est de savoir si la CVR aura un champ d’application sélectif.

Le 17 avril, la procédure de vote au parlement pour la création de la commission a été boycottée par les membres de l’opposition qui accusaient le parti au pouvoir, le CNDD-FDD, de vouloir s’arroger le droit de désigner les membres de la commission.

La société civile a également pris part au débat et a accusé le parti dirigeant de vouloir « protéger ceux de ses membres qui auraient commis des atrocités ».

À l’instar du ministre de la Justice, Pascal Barandagiye, les responsables du gouvernement ont rejeté les critiques concernant l’impartialité ou le manque d’impartialité de la commission.

IRIN a examiné les problèmes qui continuent de mettre en péril le processus de réconciliation au Burundi.

Pourquoi le Burundi a-t-il besoin d’une CVR ?

Après presque cinq décennies de conflits violents et de graves violations des droits de l’homme, le Burundi a besoin de mécanismes de justice transitionnelle afin de permettre la réconciliation.

« Le pays a toujours connu une agitation politique provoquée par des tensions ethniques et un sentiment d’exclusion. Les tensions perdurent et il faut trouver un mécanisme permettant aux Burundais de se réconcilier », a déclaré à IRIN Willy Nindorera, chercheur spécialisé dans les conflits au Burundi.

Depuis que le pays s’est proclamé indépendant de la Belgique en 1962, des dizaines voire des centaines de milliers de personnes ont probablement été tuées dans des affrontements ethniques opposant les Hutus à la minorité tutsi. De 1993 à 2005, les combats opposaient surtout l’armée, majoritairement tutsi, aux groupes de rebelles hutus. La communauté internationale avait fait pression sur les combattants afin qu’ils mettent un terme au conflit, grâce à l’accord de paix et de partage du pouvoir signé en 2000 à Arusha, en Tanzanie.

« Il est important de connaître la vérité sur les événements du passé qui ont agité le pays, mais aussi de savoir qui les a orchestrés, afin de permettre une paix et une réconciliation durables. La révélation de la vérité doit faire partie du processus de paix », a déclaré à IRIN un militant de la société civile, sous couvert d’anonymat.

Lors de sa visite au Burundi en juin dernier, Ivan Simonovic, Secrétaire général adjoint aux droits de l’homme des Nations Unies, a déclaré à IRIN que « le peuple burundais, ainsi que les mouvements internationaux des droits de l’homme et la communauté internationale attendent impatiemment et depuis de nombreuses années la création d’un mécanisme de justice transitionnelle au Burundi ».

Quelle est la mission de la CVR ?

En plus de faire la lumière sur les conflits qui ont marqué le Burundi depuis la déclaration de l’indépendance, la CVR doit qualifier les crimes commis et établir l’identité des coupables et des victimes.

D’après la nouvelle loi, la CVR déterminera s’il est nécessaire de mettre en place une deuxième institution chargée de poursuivre en justice ceux qui ont été reconnus coupables de crimes. En effet, elle ne sera pas dotée de pouvoirs de poursuite, mais pourrait proposer l’amnistie pour les délits mineurs.

Pourquoi est-ce si long à mettre en place ?


La lenteur du processus est due aux querelles politiques internes, ainsi qu’aux désaccords entre les autorités burundaises et les Nations Unies.

L’accord d’Arusha (un traité crucial signé en 2000 par les groupes politiques au Burundi) prévoyait la mise en place, pendant la première période de transition du Burundi qui s’est achevée en avril 2003, de deux mécanismes judiciaires : une CVR et un tribunal pénal.

Le parti dirigeant au Burundi ne comptait pas parmi les signataires de l’accord d’Arusha et a toujours estimé qu’il n’était pas lié par les résolutions du traité.

En 2004, les Nations Unies ont envoyé une équipe au Burundi, afin d’évaluer la possibilité de mettre en place les mécanismes de justice transitionnelle, comme prévu par l’accord de 2000. Au terme de sa mission, l’équipe a recommandé la création d’un double mécanisme : une commission de la vérité chargée « d’établir les faits historiques, de déterminer les causes et la nature du conflit au Burundi, de classifier les crimes commis, et d’en identifier les responsables » ; ainsi qu’une chambre spéciale au sein de l’appareil judiciaire burundais chargée de « poursuivre les plus grands responsables des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre ».

Le Conseil de sécurité des Nations Unies a approuvé ces recommandations en 2005, dans sa résolution 1606.

Les désaccords entre les Nations Unies et les autorités burundaises ont retardé davantage le processus. Ils portent sur les principes fondamentaux relatifs à la création des deux mécanismes, notamment la non-application de l’amnistie pour les actes de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre ; la relation entre la CVR et le tribunal spécial proposés ; ainsi que l’indépendance du procureur du tribunal spécial.

« Les nombreux intérêts politiques en jeu et le manque de cohésion sur la façon de mettre en place ces mécanismes les retardent depuis trop longtemps », a déclaré à IRIN M. Nindorera.

Après un retard de plusieurs années, en juillet 2011, le président Pierre Nkurunziza avait annoncé la mise en place d’une Commission Vérité et Justice en 2012, ce qui n’a pas été le cas.

Que s’est-il passé récemment ?

Le 17 avril, le parlement burundais a adopté la loi qui autorise la mise en place de la CVR et prévoit que les 11 membres de la commission seront nommés par le président, M. Nkurunziza.

Si le président a publiquement déclaré que la CVR sera mise sur pied à la fin du mois de juillet, les membres du parti dirigeant pensent que ce ne sera pas le cas avant août.

Quelle est la situation actuelle des droits de l’homme au Burundi ?

À l’approche des élections présidentielles et parlementaires de 2015, les violations des droits de l’homme se multiplient au Burundi. Les analystes, les membres de l’opposition et les défenseurs des droits de l’homme pensent qu’il s’agit là d’une tentative de M. Nkurunziza de raffermir son emprise sur le pays.

Les jeunes affiliés au parti dirigeant font preuve de plus en plus de violence lorsqu’ils perturbent les rassemblements des partis d’opposition. Les révisions constitutionnelles proposées sont contestées.

Dans un communiqué de presse, Human Rights Watch a déclaré avoir relevé une série de restrictions portant atteinte à la liberté d’expression, d’association et de rassemblement au Burundi, au cours des quatre dernières années. Depuis fin 2013, les affrontements entre le parti dirigeant et l’opposition se sont intensifiés. Les partis d’opposition sont sans cesse harcelés par des fonctionnaires d’État et des membres du parti au pouvoir. Les militants de la société civile et les journalistes indépendants sont également ciblés. Dernièrement, un éminent défenseur des droits de l’homme a été traduit en justice le 4 juillet pour atteinte à la sûreté de l’État.

Pierre Claver Mbonimpa, président de l’Association pour la protection des droits de l’homme et des prisonniers (APRODH), un défenseur des droits de l’homme bien connu au Burundi, a été arrêté en mai. Les autorités l’accusent d’avoir « diffusé des informations pouvant porter atteinte à l’ordre public ».

En mars, les autorités ont interdit la pratique collective du jogging dans les rues de la capitale Bujumbura et ont accusé l’opposition de se servir de cette activité comme excuse pour organiser des soulèvements à caractère politique.

La détérioration de la situation des droits de l’homme au Burundi a alerté la communauté internationale. « Les violences liées au processus électoral doivent être évitées ; et le harcèlement contre des adversaires politiques ne doit pas être toléré. Ce sont là des conditions indispensables à la tenue d’élections libres et équitables en 2015, afin que les résultats soient acceptés par tous », a déclaré M. Simonovic en juin.

La réconciliation semble être une bonne solution. Quel est le problème ?

La création d’un mécanisme de réconciliation est une question qui divise plus qu’elle ne rassemble au Burundi.

En premier lieu, seul le parti dirigeant a voté la loi relative à la création de la CVR. Les membres de l’opposition ont boycotté le vote à l’assemblée pour protester contre les amendements de la loi qui autorisent le président à nommer les membres de la CVR.

« Les représentants des partis siégeant à l’Assemblée nationale avaient quitté la séance et seul le parti dirigeant a voté [en faveur] du projet de loi », a déclaré Jeanine Nahigombeye, directrice de l’organisation non gouvernementale Impunity Watch.

Les organisations de la société civile ont également exprimé leur inquiétude au sujet du rôle du président dans la désignation des membres de la CVR. Elles ont expliqué que leurs propositions ont, elles aussi, été écartées de la loi relative à la CVR.

« Le parti CNDD-FDD au pouvoir a participé au conflit que nous avons connu. Il n’est pas normal qu’un parti qui a joué un rôle dans les conflits passés examine les questions liées à la réconciliation sans consulter les autres au Burundi », a affirmé Pacifique Nininahazwe, défenseur des droits de l’homme.

« Premièrement, la loi ne mentionne rien concernant la justice [ou] les sanctions à l’encontre de ceux qui ont commis de graves violations des droits de l’homme ; [et] le mécanisme d’enquêtes a été écarté », a-t-il ajouté.

François Kabura, vice-président de l’Assemblée nationale, a cependant tenté d’apaiser les craintes concernant la partialité supposée des membres de la commission, expliquant que seules des personnes ayant une réputation sans tache seraient choisies pour faire partie de la commission.

Un membre du parti d’opposition a déclaré à IRIN que le parti dirigeant était trop obnubilé par le pardon, au détriment de la recherche d’une justice pour les crimes passés.

« Nous devons pardonner et aller de l’avant, mais ceux qui ont commis des crimes doivent être punis », a-t-il déclaré.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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