Selon les prédictions de FEWSNET concernant la situation alimentaire du pays entre janvier et juin, les ménages les plus pauvres, notamment dans les régions pastorales, devront employer les grands moyens en vendant leurs avoirs productifs, en limitant ce qu’ils mangent et en migrant vers des lieux plus hospitaliers.
Selon le gouvernement, la récolte de 2009 était 30 pour cent moins abondante que les années précédentes à cause des pluies tardives ou irrégulières. Ainsi, environ deux millions de personnes qui, en temps normal, vivent de l’agriculture ont aujourd’hui de la difficulté à se nourrir.
Les estimations ne tiennent pas compte des populations des régions isolées et désertiques du nord du pays comme celles de Tibesti, Borkou et Ennedi, qui couvrent près de la moitié de la superficie du territoire.
Ces régions faiblement peuplées ne sont facilement accessibles que par hélicoptère. Elles ont été, par le passé, dévastées par des conflits et les projets financés par des organisations internationales y sont rares.
Des enfants trop maigres
Selon une étude nutritionnelle réalisée en décembre dernier à Bahr El Ghazel, une région pastorale semi-aride située dans l’ouest du pays, 27 pour cent des 687 enfants de moins de cinq ans examinés étaient trop maigres. Ce chiffre représente près du double du seuil d’urgence établi par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui est de 15 pour cent.
Selon Loan Tran-Thanh, chef de mission pour Action Contre la Faim (ACF) au Tchad, l’ONG qui a mené l’étude, les résultats sont alarmants.
« C’était au fin de la période des récoltes, à un moment où les taux de malnutrition devaient être plus faibles que [pendant] la saison des pluies, qui correspond au début de la période de soudure », a-t-elle dit. « S’ils sont déjà aussi élevés, qu’est-ce que ce sera pendant la période de soudure? »
Dans le district voisin de Noukou, dans la région occidentale de Kanem, à la frontière avec le Niger, 19 pour cent des 540 enfants examinés étaient atteints de malnutrition aiguë.
Contrairement à la malnutrition chronique, due à un manque de nutriments importants tout au long de l’année, la malnutrition aiguë peut varier en fonction des saisons.
La région a toujours enregistré des taux élevés de malnutrition chronique, a indiqué Mme. Tran-Thanh.
Photo: UN Cartographic section |
Dans les zones pastorales de l’ouest du Tchad, notamment dans la région de Kanem et de Bahr El Ghazel, les taux de malnutrition ont dépassé le seuil d’urgence |
« Quand ACF est arrivé dans la région de Kanem, toute l’attention était concentrée sur l’est [du Tchad] à cause des violences au Darfour [voisin]. Cette année, [l’irrégularité] des précipitations a exacerbé le problème de malnutrition chronique dans la région de Kanem et dans les zones que nous avons étudiées, mais les populations qui y vivent ont toujours souffert de problèmes de malnutrition chronique », a-t-elle ajouté.
Le manque de fonds a obligé ACF à fermer son bureau de Kanem, mais l’ONG a pu revenir dans la région en 2008 grâce au financement accordé par l’Office d’aide humanitaire de la Commission européenne (ECHO).
Selon le gouvernement, de nombreuses bêtes élevées dans les zones pastorales de la région occidentale de Kanem et de la région orientale de Biltine sont mortes de faim lorsque les pâturages se sont asséchés, en 2009, à cause des pluies qui tardaient à tomber.
Celles qui ont survécu ont eu de la difficulté à se reproduire et à produire du lait, selon une étude réalisée par le gouvernement et plusieurs organisations en octobre 2009.
D’après cette étude, les animaux et leurs bergers ont commencé à se diriger vers le sud dès la fin du mois d’octobre – soit plusieurs mois avant la saison de transhumance habituelle - pour trouver des pâturages plus verts.
Cette « première stratégie des éleveurs nomades » risque de provoquer des conflits entre les bergers et les fermiers, selon l’étude.
La raréfaction des pâturages et des terres cultivables a entraîné de violents affrontements entre les pastoralistes et les fermiers dans au moins deux pays voisins du Tchad, le Soudan et le Nigeria.
Besoins d’urgence
Le gouvernement dispose d’environ 23 000 tonnes de céréales, 350 tonnes de semences de riz et 200 sacs de fourrage, mais « la lutte contre le faim est par définition, une opération d’urgence » et nécessite plus de ressources, a dit le ministre de
l’Économie tchadien, Ousmane Mater Brémé.
L’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a promis l’équivalent de 500 000 dollars de fourrage pour la région aride de Bahr El Ghazel et d’un million de dollars de semences pour les régions de la bande sahélienne, dans l’ouest et le centre du Tchad.
Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le Programme alimentaire mondial (PAM) et ACF s’apprêtent également à ouvrir plus d’une centaine de centres de nutrition dans ces régions.
Elles distribueront 50 000 cartons de « Plumpy'nut », une pâte nutritive à base d’arachides, et donneront des suppléments « Plumpy'doz », une variante du Plumpy’nut à haute teneur en matières grasses, à 45 000 enfants âgés de 6 à 23 mois pendant les mois où la faim frappe le plus durement, soit entre mai et août.
ACF analyse actuellement les résultats des études sur l’eau et l’assainissement et la
securité alimentaire réalisée à Bahr El Ghazel, a dit Mme. Tran-Thanh à IRIN.
« Si nous ne nous attaquons pas aux causes sous-jacentes de la malnutrition – les populations ont-elles accès à l’eau ou aux services de santé ? – la malnutrition continuera d’exister. Le problème, c’est qu’il n’y a pas suffisamment d’acteurs qui s’associent pour en étudier [les divers aspects] ».
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