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Le tourisme du sexe en plein essor sur la côte caraïbe

En apparence, la ville historique de Carthagène, située dans le nord de la Colombie, sur la côte caraïbe, est une destination touristique haut de gamme, une vieille ville fortifiée où les passagers des navires de croisière se promènent à travers un labyrinthe de ruelles étroites, tandis que les touristes se réfugient dans des boutiques et des cafés climatisés pour échapper à la chaleur tropicale qui règne dans le pays.

Mais derrière ce charme, digne d’une brochure d’agence de voyage, la ville cache un visage autrement plus miteux. Les auberges pour routards qui jalonnent la rue pittoresque, située juste aux portes de la vieille ville se trouvent dans un quartier chaud réputé et, pour bon nombre, les hommes qui somnolent sur les bancs du parc du coin ne font pas la sieste : ils attendent d’aborder des travailleurs du sexe.

Selon Mayerlin Verqara Perez, coordinatrice de programme à la Fundación Renacer, une organisation non-gouvernementale (ONG) qui s’efforce de prévenir l’exploitation des enfants et des adolescents, passée une certaine heure de la nuit, dans les rues de Carthagène, près d’une personne sur deux est impliquée d’une manière ou d’une autre dans le commerce du sexe.

L’homme au débardeur noir, qui fume une cigarette, est un souteneur notoire, explique-t-elle, et la fille à la robe jaune moulante et l’homme de type européen en short sont presque sans le moindre doute une travailleuse du sexe et son client. Même le groupe d’adolescents sur leur trente et un qui traînent près de l’entrée de la vieille ville vendent probablement leurs corps.

« C’est devenu bien pire ces 10 dernières années », estime Mme Perez. « Il y a plus d’enfants qui se livrent au commerce du sexe et ils commencent plus jeunes ».

Les enfants, enrôlés dans le commerce du sexe

La côte caraïbe de la Colombie attire un nombre croissant de visiteurs internationaux depuis 10 ans, la situation de sécurité s’étant améliorée dans le pays.

Cependant, au-delà de la ville fortifiée et de la principale avenue des hôtels, la plupart des habitants de Carthagène restent pauvres, en particulier les personnes originaires d’autres régions du pays, qui ont été déplacées ici par le conflit armé entre les mouvements rebelles gauchistes et les groupes paramilitaires de droite.

Le mélange entre touristes fortunés et habitants désespérés a entraîné une croissance alarmante du tourisme sexuel.

« Carthagène est reconnue pour être un endroit où vous pouvez avoir facilement des rapports sexuels avec des adultes ou des enfants », a expliqué à IRIN/PlusNews Fabian Cardenas, directeur régional de la Fundación Renacer. « Les autorités surveillent étroitement [ce qui se passe], mais si vous avez l’air d’un touriste, rien que pour cela, les personnes qui travaillent dans l’industrie informelle du tourisme vous feront probablement des propositions ».

Selon M. Cardenas, il arrive fréquemment que des hommes, venus visiter Carthagène en touristes, soient abordés par des serveurs, des grooms ou des chauffeurs de taxi, qui leur proposent de leur présenter des travailleuses du sexe ou de les mettre en contact avec des agences d’hôtesses.

Même les conducteurs des calèches qui transportent les touristes d’un bout à l’autre de la vieille ville perçoivent une commission lorsqu’ils rabattent des clients pour le compte des sex clubs.

Selon les estimations de la Fundación Renacer, quelque 650 enfants travaillent dans l’industrie du sexe, dont bon nombre ont été forcés à le faire par leurs parents ou d’autres membres de leur famille.

Chaque année, l’organisation convainc environ 400 d’entre eux de participer à un programme d’aide psychosociale comprenant un traitement contre les infections sexuellement transmissibles (IST), un soutien psychosocial, une formation pratique et une sensibilisation à la santé et aux droits sexuels et reproductifs.

L’organisation fait appel à des travailleurs de terrain comme Mme Perez pour identifier les enfants et les adolescents concernés et gagner leur confiance avant de les inviter à participer au programme, mais les souteneurs et les auteurs de maltraitances ont commencé à se servir des nouvelles technologies pour rendre ces derniers moins visibles.

« Il y a 10 ans, nous trouvions ces gamins dans les parcs et les boîtes de nuit, mais avec les téléphones portables et l’Internet, ils sont plus difficiles à identifier », a-t-elle indiqué.

En outre, les enfants qui acceptent de participer au programme ne cessent pas forcément de faire le trottoir. « Nous essayons de les convaincre qu’il faut changer et de leur montrer toutes les maltraitances qu’ils subissent, mais c’est difficile parce qu’ils ont un lien étroit avec la rue et qu’ils ne se considèrent souvent pas comme des victimes », a expliqué M. Cardenas.

Un grand nombre de ces enfants sont également dépendants de la drogue ou de l’alcool que leur donnent leurs souteneurs pour faire en sorte qu’ils ne quittent pas le métier.

Notre visite de nuit nous conduit devant un bar du quartier chaud de Carthagène, où Mme Perez reconnaît deux filles, qui traînent près de l’entrée. Toxicomanes, elles ont arrêté le programme de la Fundación Renacer pour retourner sur le trottoir.

Risque VIH

La prévalence du VIH au sein de la population colombienne dans son ensemble reste inférieure à un pour cent et se manifeste par des épidémies concentrées qui touchent essentiellement les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes.

Dans la région caraïbe, en revanche, une recrudescence des infections a été constatée ces dernières années chez les hétérosexuels. En outre, si à l’échelle nationale, seule une personne atteinte du VIH sur quatre est une femme, sur la côte caraïbe, le ratio est d’une sur trois.

Selon Ricardo Garcia, directeur pays du Programme commun des Nations Unies sur le sida, ONUSIDA, cette tendance s’explique probablement par la culture machiste qui prévaut dans le pays, où il est socialement acceptable pour un homme d’avoir plusieurs partenaires, mais l’impact du tourisme sexuel pourrait également être une explication.

Des IST sont décelées chez bon nombre des jeunes qui se présentent aux centres de la Fundación Renacer. Jusqu’ici, l’organisation n’a détecté que trois cas de VIH, mais selon M. Cardenas, nombre de jeunes craignent de se faire dépister.

« La plupart n’ont recours à aucune méthode de protection et sont entourés de mythes », a-t-il expliqué. « Ils pensent qu’on peut deviner en regardant quelqu’un si cette personne est atteinte de ces maladies, et que se laver les parties génitales avec du Coca-Cola après les rapports sexuels leur permettra de se protéger ».

En outre, il n’est pas toujours facile pour les travailleurs sexuels mineurs de se procurer des préservatifs. Certains souteneurs leur en fournissent, et la Fundación Renacer les distribue dans les boîtes de façon à pouvoir entrer en contact avec des recrues potentielles pour son programme, mais d’après M. Cardenas, la plupart des travailleurs sexuels mineurs en savent peu sur le VIH et ont tendance à se plier aux préférences de leurs clients pour ce qui est de l’utilisation du préservatif.

Les clients eux-mêmes nourrissent souvent l’illusion que les travailleurs sexuels mineurs ne sont porteurs d’aucune IST et que le préservatif n’est donc pas nécessaire, a indiqué M. Cardenas.

« Les gens viennent ici en provenance d’autres pays ou d’autres villes pour avoir des rapports sexuels [sans protection] avec des enfants parce qu’ils pensent que c’est sans risque ».

ks/he/nh/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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