A Lokony, une banlieue de Juba, la capitale du Sud Soudan, des messages de sensibilisation sur le VIH sont placardés sur les murs d’enceinte d’une école locale, mais les passants ne semblent pas y prêter une grande attention. Un phénomène qui n’est pas surprenant puisque les habitants, dans leur grande majorité, ne savent pas lire.
Seuls 24 pour cent des Sud-Soudanais savent lire ou écrire, d’après le Fonds des Nations Unies pour la population. Cela signifie que les méthodes classiques de diffusion des messages sur le VIH –telles que les affiches, panneaux publicitaires et dépliants dans les centres de santé- n’atteignent pas la majorité de la population.
En 2007, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme a accordé à la région une subvention de 28,5 millions de dollars, au moment où un plan de lutte contre l’épidémie était élaboré, mais peu de progrès ont été faits.
« Chaque fois que nous rencontrons nos partenaires, chaque fois que nous rencontrons les dirigeants du gouvernement, on nous met au défi en nous disant : ‘vous dites que vous combattez le sida, mais quand on se déplace à travers le Sud Soudan, en fait, on ne voit aucun message’ », a dit le docteur Angok Kuol, directeur exécutif de la Commission sud-soudanaise de lutte contre le sida (SSAC).
« Nous devons proposer des messages [adaptés] », a-t-il dit récemment lors d’une réunion avec les parties prenantes de la lutte contre le sida à Juba. « Nous devons cesser d’employer des messages qui ne sont pas clairs, qui ne sont pas conformes à notre culture ».
Pendant plus de la moitié du siècle dernier, le Sud Soudan a été plongé dans de multiples conflits, le plus récent ayant pris fin avec la signature d’un accord global de paix entre le nord et le sud en 2005. Depuis lors, les travailleurs de la santé publique se sont rendus compte que les messages de prévention du VIH, qui semblaient avoir si bien fonctionné dans des pays voisins, tels que le Kenya et l’Ouganda, pourraient ne pas connaître le même succès dans la région.
De nombreux travailleurs de la santé se demandent si la stratégie de prévention « ABC » -abstinence, fidélité, préservatif- peut marcher au Sud Soudan. Des spécialistes en communication dans le domaine de la santé publique consacrent une bonne partie de leurs réunions à réfléchir aux moyens de modifier cette approche.
« Soyez fidèle à votre partenaire –dans un contexte polygame, allez-vous dire aux gens qu’ils doivent rejeter l’autre femme ? », a demandé, lors d’une de ces réunions, Fredrick Musoke, consultant pour le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et la SSAC, recruté pour définir les contours d’une politique de communication en faveur du changement de comportement dans la région.
La polygamie n’est qu’une des multiples pratiques que les travailleurs publics de la santé trouvent en travers de leur chemin lorsque qu’ils s’efforcent de combattre le sida. L’héritage des veuves est aussi largement répandu. Une femme peut parfois apporter une dot aussi importante qu’un troupeau de bétails, ce qui fait que même lorsque son mari décède, sa belle-famille a intérêt à la garder, elle et ses biens, au sein de la famille.
« Utilisez un préservatif pour protéger celui [ou celle] que vous aimez », a proposé un autre groupe, mais cette proposition a très vite été écartée par Deng Mathiang, de la SSAC. « Cela veut-il dire que si vous avez des relations sexuelles avec quelqu’un que vous n’aimez pas, vous ne devez pas utiliser de préservatif ? », a-t-il demandé. « Certaines personnes ont des relations sexuelles juste parce qu’elles en ont envie ».
« Pas de préservatif, pas de relations sexuelles » a proposé un autre groupe, tandis que M. Kuol, de la SSAC, a suggéré que l’utilisation de dessins explicatifs comme support d’éducation serait le meilleur moyen d’atteindre une audience largement illettrée.
La réunion à Juba a montré qu’il n’y avait pas de réponse simple, mais les responsables sanitaires de la région ont fait part de leur soulagement de voir que des efforts significatifs de prévention du VIH avaient été initiés.
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