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Le travail des enfants en hausse après les tremblements de terre

Au premier coup d’œil, on a du mal à croire que Muhsin, 10 ans, allait autrefois à l’école régulièrement et qu’il rêvait de devenir pilote d’avion. Aujourd’hui, le jeune Muhsin fouille parmi les ordures jetées à même le sol, à Abbotabad, une ville de la province pakistanaise de la Frontière du Nord-Ouest, pour récupérer du carton, des bouteilles vides et des morceaux de métal, qu’il revendra ensuite pour empocher moins d’un dollar par jour.

« J’ai dû arrêter l’école », a-t-il confié à IRIN, prenant une pause, en essuyant d’un revers de manche son visage noirci par la saleté. « Mais que pouvais-je faire d’autre ? Après le tremblement de terre, je devais aider ma famille ».

Muhsin a perdu son père lorsque la maison louée par ses parents dans la ville voisine de Balokot, épicentre du tremblement de terre d’octobre 2005, s’est effondrée autour d’eux, ne laissant à Muhsin et à ses deux frères d’autre choix que de partir s’installer à Abbotabad avec leur mère pour trouver du travail.

« Je veux retourner à l’école, mais je ne peux pas », a déploré Muhsin. « Ce n’est tout simplement pas possible ».

Comme Muhsin, des milliers d’enfants de la région nord du Pakistan, touchée par les tremblements de terre, ont été contraints de renoncer à l’école et d’intégrer le marché du travail pour subvenir aux besoins de leur famille à la suite de la catastrophe.

Plus de 73 000 vies ont été perdues et plus de 3,5 millions de personnes se sont retrouvées sans abri au cours de ce tremblement de terre, considéré comme la catastrophe la plus grave qui ait jamais frappé ce pays d’Asie du Sud.

Un grand nombre des enfants touchés appartiennent aux communautés les plus pauvres, et n’ont donc eu d’autre choix que d’aller s’installer dans de plus grandes villes et bourgades de la région pour chercher du travail ; bon nombre d’entre eux vivent sur place sans leur famille.

« Tout d’un coup, de plus en plus d’enfants et leurs familles sont venus dans les grandes villes pour trouver du travail », a confirmé Violet Speek-Warnery, spécialiste de la protection de l’enfance au Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF). 

Des millions de travailleurs mineurs

Plus de deux ans et demi plus tard, les autorités pakistanaises ont exprimé des préoccupations au sujet de la recrudescence du travail des enfants (un problème déjà grave dans l’ensemble du Pakistan) dans la région frappée par le tremblement de terre.


Photo: David Swanson/IRIN
Une recrudescence du travail des enfants a été constatée à la suite des tremblements de terre qui ont frappé le nord du Pakistan
Selon une enquête sur le travail des enfants, menée par le Bureau fédéral des statistiques en 1996, et qui contient les statistiques officielles les plus récentes ayant été rendues publiques à ce sujet, 3,3 millions d’enfants de moins de 14 ans travaillaient à l’époque. À en croire les travailleurs humanitaires, le nombre est probablement bien plus élevé aujourd’hui.

Dans certaines villes telles qu’Abbotabad, les enfants dorment dans les rues, à la vue de tous, un phénomène qui n’existait pas jusqu’en 2005. Cette situation a incité le gouvernement à ouvrir une école spécialement conçue pour accueillir les enfants qui travaillent dans la région.

« Avant le tremblement de terre, le taux de travailleurs mineurs était d’environ cinq pour cent. Aujourd’hui, il est supérieur à 15 pour cent », a indiqué Faiz Ullah, directeur adjoint du service du travail d’Abbotabad, estimant que quelque 10 000 enfants de cette région, touchée par le tremblement de terre, travaillaient pour subvenir aux besoins de leur famille.

Selon Save the Children Suède, une organisation non-gouvernementale (ONG), ces enfants sont bien plus nombreux, bien qu’il y ait un manque d’informations vérifiables et quantifiables pour le confirmer.

« Pour moi, ce nombre est bien plus élevé. Dix mille est un nombre insignifiant », a affirmé Ghulum Qadri, responsable de programmes pour l’organisation au Pakistan.

Selon les informations que l’ONG a recueillies à la fin de l’année dernière auprès de quelque 5 000 enfants dans les districts de Battagram, Abbotabad et Mansehra, touchés par le tremblement de terre (des informations que l’ONG est encore en train d’analyser), avant la catastrophe, environ 20 pour cent des enfants travaillaient. Aujourd’hui, environ 35 pour cent des enfants de ces régions travaillent. 

Ramener les enfants à l'école 

En collaboration étroite avec les autorités locales et la Jobs Creating Development Society (JCDS), une ONG d’Abbotabad, l’UNICEF a ouvert deux centres de protection de l’enfance dans la ville, où il avait été découvert qu’environ 500 enfants travaillaient.

Dans ces centres, les enfants peuvent suivre une formation informelle qui leur permettra d’être réintégrés dans les établissements publics, a expliqué Agnes Mutenyo Karani, responsable de la protection de l’enfance à l’UNICEF.


Photo: David Swanson/IRIN
De très nombreux enfants ont dû abandonner l'école à la suite des tremblements de terre, pour venir en aide à leur famille
En outre, les travailleurs du centre ont l’occasion de se réunir avec les employeurs locaux pour les sensibiliser aux droits des enfants, afin que le travail des enfants puisse être évité.

La plupart des participants sont des garçons, mais un grand nombre de filles prennent également part à ce programme, dont bon nombre travaillent comme domestiques dans la région touchée par le tremblement de terre, selon Mme Speek-Warnery.

Pour pouvoir participer à ce programme, les enfants doivent obtenir la permission de leurs parents et de leurs employeurs. Les cours sont ensuite vus de manière accélérée, ou revus, suivant les besoins de chaque enfant, a expliqué Mme Speek-Warnery.

« Certains enfants ont déjà suivi une formation scolaire, d’autres non. Nous devons concevoir notre programme d’études en conséquence », a ajouté Akbar Ali, observateur de la protection de l’enfance à la JCDS.

Des résultats prometteurs

Sur les 119 enfants qui ont participé au programme jusqu’ici, 43 ont pu retourner dans leurs familles après avoir reçu un soutien psychologique familial ; et grâce à une aide au rétablissement des moyens de subsistance, ils sont aussi retournés sur les bancs de l’école. Les plans individuels de réinsertion élaborés pour les 76 autres font l’objet d’un suivi.

« Je suis content d’être de retour », a déclaré Hameed-ullah, huit ans, le sourire aux lèvres.

Il y a quelque temps encore, Hameed-ullah, qui avait arrêté l’école à Muzaffarabad, à la suite du tremblement de terre, survivait en faisant les poubelles dans les rues d’Abbotabad avec son frère aîné.

ds/at/ed/nh/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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