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La tradition d’hospitalité mise à mal en Afrique du Sud

Les récentes agressions dont ont été victimes des migrants somaliens, zimbabwéens et mozambicains en Afrique du Sud ont été qualifiées de xénophobes : mais ces agressions ne traduiraient-elles pas un problème bien plus important que la simple peur de l’étranger, un problème bien plus national ?

Il y a moins d’un mois, trois hommes ont été tués au cours de lynchages visant des ressortissants étrangers vivant dans les campements sauvages de Brazzaville, Saulsville, Phomolong et Vergenoeg, à l’ouest de Pretoria, la capitale sud-africaine.

Pendant que leurs boutiques et leurs domiciles étaient pillés et incendiés, bon nombre des ces étrangers avaient trouvé refuge au commissariat d’Atteridgeville, tout proche ; certains ont été conduits au centre de rétention Lindela en vue d’une expulsion prochaine, et quelque 560 autres ont été hébergés dans une école de la région, selon Mantshela Tau, porte-parole du ministère de l’Intérieur.

En raison de la reprise des classes, après les vacances de Pâques, le reste du groupe, environ 150 personnes – dont 22 enfants – a maintenant été transféré sur un vaste site vide de Pretoria, placé sous haute sécurité. Entre-temps, aucune date n’a été fixée pour appliquer la décision du ministre de l’Intérieur, Nosiviwe Mapisa-Nqakula et de Gwen Ramokgopa, le maire de Pretoria, de réinstaller ces étrangers dans leurs anciennes communautés, et d’organiser dans le même temps une série de réunions communautaires pour désamorcer les tensions, a indiqué M. Tau.

Les attaques contre les étrangers sont loin d’être un phénomène nouveau en Afrique du Sud. Mais selon Jack Redden, porte-parole régional du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), il y a eu une augmentation inquiétante du nombre de cas d’agression ces derniers mois sans que l’on sache vraiment pourquoi.

« Nous avons entendu parler d’une demi-douzaine d’incidents différents depuis fin janvier », a expliqué M. Redden. « Ces agressions sont de plus en plus ignobles et violentes ».

Concurrence malsaine

En collaboration avec le gouvernement, le HCR mène depuis longtemps une campagne de « lutte contre la xénophobie » ; mais celle-ci ne semble pas avoir particulièrement changé l’opinion de Tshepo Serala. Un mardi midi, alors qu’il était assis au soleil avec des amis devant une petite boutique du campement de Brazzaville où il vit, il a donné son avis sur les agressions.

« Ils prennent nos emplois », a-t-il dit pour justifier ces agressions. « En tant que Sud-africains, notre niveau d’instruction est faible, alors que ces gens savent faire du commerce et que certains sont instruits ».

« Je peux vous dire qu’on est mieux sans eux », a renchéri Sipho Seheri, qui vit dans le campement voisin de Jessvillle.

« Ils étaient impliqués dans de graves affaires de crime [...] Mais je peux aussi vous montrer des étrangers qui travaillent sérieusement [qui ne commettent pas de crimes] et qui vivent encore ici. C’est juste que la plupart d’entre eux commettent des crimes ».

Le taux de chômage élevé, estimé à environ 40 pour cent, la lenteur observée dans le déploiement des services dans le pays, les agressions criminelles organisées par les commerçants autochtones rivaux pour faire fermer les boutiques tenues par des étrangers, un chauvinisme malsain inculqué par l’apartheid : tout a été envisagé pour expliquer cette animosité envers les étrangers et la crainte qu’ont certains Sud-africains de ne pas pouvoir accéder aux maigres ressources disponibles en raison de la concurrence.

« Vous entrez dans la boutique d’un étranger, elle regorge de vivres ; vous avez faim, vous êtes sans le sou, que se passe-t-il ? L’effet de meute »
Pendant plusieurs générations, l’Afrique du Sud a attiré des travailleurs migrants de tous les pays de la région. A la fin du régime de l’apartheid, en 1994, le nombre de migrants a considérablement augmenté et le sentiment que les étrangers profitaient en quelque sorte du système s’est également développé, même si les avantages économiques de la migration, en termes de partage des compétences, de création d’emplois et de transactions commerciales sont vantés par le gouvernement.

Pour le docteur Asa August Ngwezi, un psychologue clinicien qui dirige une organisation non-gouvernementale (ONG) locale à Atteridgeville et a offert un soutien psychologique aux victimes de ce type d’agressions, cette violence est un mélange de désespoir et d’ignorance, surtout chez les jeunes Sud-africains.

« Je travaille tous les jours avec des gens, des jeunes, qui sont désespérés d’avoir faim et d’être au chômage. Ils ne font plus confiance aux dirigeants du pays, à la police et aux autorités locales », a-t-il dit. « Vous entrez dans la boutique d’un étranger, elle regorge de vivres ; vous avez faim, vous êtes sans le sou, que se passe-t-il ? L’effet de meute ».

« [Ces agressions] ne sont pas perpétrées par des personnes âgées, mais par des jeunes gens », a commenté M. Ngwezi. « Nous n’aurions pas pu avoir notre liberté s’il n’y avait pas eu des Mugabe, des Machel et des Kaunda. Leurs actions ont conduit à notre émancipation, mais en Afrique du Sud – et je n’ai pas peur de le dire – la plupart des jeunes ne sont pas mûrs politiquement ».

Peu après les agressions, des représentants de la Commission sud-africaine des droits humains (CSADH), un organe statutaire chargé de veiller au respect des droits humains, se sont rendus à Atteridgeville et ont recommandé aux autorités sud-africaines de ratifier la Convention internationale relative à la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles.

La ratification de la Convention devrait permettre d’assurer davantage d’équité en termes d’accès à l’emploi et aux ressources, a expliqué Vincent Moaga, porte-parole de la CSADH.

« Certains ressortissants étrangers travaillent actuellement dans des plantations du Limpopo [nord] pour un salaire de misère et dans de mauvaises conditions », a-t-il indiqué. « En l’absence de cadre juridique permettant d’assurer leur protection, ils travaillent pour rien ».

Si le système de protection juridique était étendu aux ressortissants étrangers et si l’on obligeait les employeurs à payer les mêmes salaires aux étrangers qu’aux nationaux, les travailleurs migrants cesseraient de court-circuiter les travailleurs sud-africains.

« Les populations locales se sentiraient alors moins frustrées parce qu’elles seraient traitées sur un pied d’égalité », a fait remarquer M. Moaga.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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