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Faible soutien populaire au mouvement de grève

Le limogeage d’un important responsable politique réformiste et la réaffirmation par le président Lansana Conté de son contrôle sur l’action du gouvernement ont confirmé les craintes d’un blocage du processus de réforme politique.

Parallèlement, la réticence générale des Guinéens à vivre une nouvelle grève, prévue le jeudi 10 janvier par les centrales syndicales, laisse penser que le soutien apporté aux manifestations populaires est en train de faiblir. Suite à l’appel au dialogue lancé par des mouvements de jeunes, des institutions nationales et des partis politiques, les responsables syndicaux ont, après de longues négociations avec le gouvernement, accepté de suspendre le mot d’ordre de grève.

Les Guinéens ont déjà connu quatre mouvements de grève générale au cours des 13 derniers mois, manifestations dirigées par les centrales syndicales pour dénoncer la cherté de la vie et la corruption, et exiger le départ du président Conté.

Ces grèves étaient initialement considérées comme extrêmement importantes, car elles venaient briser l’image de pays ouest-africain autoritaire mais stable que renvoyait la Guinée, et laissaient penser que la transition politique tant attendue était peut-être arrivée, après 23 années de régime Conté.

Toutefois, bon nombre de Guinéens estiment que ce nouveau mouvement de grève créera plus de perturbations qu’il ne résoudra de problèmes, et préfèreraient, disent-ils, employer d’autres méthodes, plus pacifiques et moins perturbatrices, pour manifester leur mécontentement.

« Moi, je ne suis pas contre la grève, mais je suis inquiet parce que je me demande si cette grève sera la solution à nos problèmes », a affirmé Ban Mamadou Sanoussy, professeur d’anglais à Conakry.

« Je pense qu’il est temps pour les leaders politiques, les chefs des syndicats et la société civile de trouver une solution durable. Sinon, nous allons continuer à saccager nos biens matériels et à détruire des vies humaines sans issue favorable », a poursuivi M. Sanoussy, exprimant certains doutes sur le « pouvoir du peuple », des doutes rarement évoqués en public au plus fort des manifestations antigouvernementales de 2006, mais abordés plus ouvertement aujourd’hui.

Appel à la grève

Le dernier appel à la grève a été lancé par la Confédération nationale des travailleurs guinéens (CNTG), importante centrale syndicale ; il fait suite au limogeage par le président Conté de Justin Morel Junior, ministre de la Communication du gouvernement et l’un des plus proches collaborateurs du Premier ministre réformiste Lansana Kouyaté.

M. Kouyaté avait été nommé au poste de Premier ministre au début de l’année 2007, à la suite d’un accord entre M. Conté et les responsables de la société civile, après plusieurs semaines de grève et de violents affrontements entre l’armée et les manifestants hostiles au gouvernement, affrontements qui s’étaient soldés par une centaine de morts et des milliers de blessés.

Dans son discours prononcé à l’occasion du Nouvel An, le président Conté a critiqué les mesures prises par le gouvernement de M. Kouyaté, des critiques publiées par l’agence de presse guinéenne le 1er janvier, puis retirées par le cabinet du président.


Photo: Nicholas Reader/IRIN
Malgré les importants gisements de minerais et le sol fertile de leur pays, le Guinéens font partie des populations les plus pauvres de la planète. Selon l'UNCEF, à peine 13 pour cent d'entre eux ont accès à des systèmes sanitaires convenables
L’intervention de M. Conté faisait suite à des spéculations en cours depuis plusieurs mois, selon lesquelles des partisans de M. Conté préparaient le limogeage de M. Kouyaté, qui avait réussi à redorer l’image de la Guinée de façon à gagner la confiance d’importants bailleurs de fonds, contribuant ainsi à marginaliser certains des plus influents partisans de M. Conté.

Initialement prévues en octobre, puis en décembre 2007, les élections législatives ont finalement été reportées et M. Conté s’est, par le biais de décrets présidentiels, réattribué d’importantes fonctions gouvernementales, dévolues à M. Kouyaté, en sa qualité de Premier ministre.

Faisant fi des rumeurs selon lesquelles il remettrait sa démission pour protester contre cette décision du président, M. Kouyaté est resté à son poste cette semaine, conforté par de petites mais violentes manifestations organisées à Conakry le 5 janvier pour protester contre le limogeage de M. Morel Junior.

Scepticisme à propos de l’impact des grèves

« Il faut trouver une alternative autre que la grève. Les conséquences de la dernière grève se font encore sentir. Si le commerce est paralysé à nouveau, ce sera vraiment un retour à la case départ […] Ce n’est un scoop pour personne qu’une grève d’une telle ampleur a plus de conséquences négatives que positives ; et seule une minorité bénéficie du peu de conséquences positives », a déclaré Hadja Yayé Thiam, commerçante à Conakry, la capitale, où ont eu lieu certaines des scènes de violence et des perturbations les plus graves du mouvement de grève de l’année dernière.

Selon Mme Kadiatou, mère de famille qui vend des cigarettes et des bonbons au bord d’une des autoroutes embouteillées de la ville pour subvenir aux besoins de sa famille, les grèves n’ont eu aucune incidence sur les prix, et c’est pour cette raison qu’elle ne soutiendra pas celle-ci.

« Après les tueries de 2007, rien n’a changé. En tout cas, pas le panier de la ménagère »
« Je ne suis pas d’accord du tout pour la grève parce que nous sommes les seules victimes », a-t-elle affirmé. « Après les tueries de 2007, rien n’a changé. En tout cas, pas le panier de la ménagère. Allez demander au marché le prix d’un sac de riz, d’un bidon d’huile ou d’un simple piment. Ils n’ont pas changé ; ils sont pareils qu’avant les grèves de janvier 2007. Nous, nous ne sommes pas prêts à revivre le même cauchemar ».

L’armée, garante de stabilité

Selon certains spécialistes, avec ses gisements de bauxite et d’or, la Guinée est un pays potentiellement riche, mais politiquement instable, et menacé par l’incertitude qui pèse sur la manière dont il gérera la transition politique lorsque le président vieillissant, Lansana Conté, quittera le pouvoir.

Considéré, au début de sa présidence, comme un réformateur, par contraste avec le régime brutal de son prédécesseur, M. Conté a dirigé la Guinée d’une main de fer et a longtemps été boycotté par les bailleurs de fonds internationaux qui ont souvent épinglé ses gouvernements pour leur laxisme vis-à-vis de la corruption, le manque de transparence des élections, et la répression des journalistes et des opposants politiques.

Même si les mouvements de grève successifs et les troubles civils en Guinée ont fait craindre un effondrement plus général de l’ensemble des institutions publiques, de nombreux spécialistes considèrent souvent l’armée comme la seule garante de la stabilité du pays et pensent qu’il est peu probable que la situation change tant que celle-ci restera fidèle à M. Conté.

En mai 2007, des soldats mutins s’étaient livrés pendant deux semaines à des pillages dans Conakry et les autres villes de garnison du pays, une mutinerie qui avait pris fin grâce à la conclusion hâtive d’un accord prévoyant l’augmentation du solde des soldats et des promotions générales de grade au sein de l’armée.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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