Pour améliorer l’éducation des filles, les gouvernements ouest-africains doivent adopter des politiques nationales de lutte contre toutes les formes de violence envers les écolières – qui sont exposées au risque d’être violées par leurs enseignants, sont confrontées aux violences verbales des écoliers ou contraintes par leurs parents à des mariages précoces – selon un groupement de décideurs, de syndicats d’enseignants et d’organisations de la société civile.
« Pour que toutes les filles aillent à l’école, cette question de la violence à l’égard des filles doit être réglée », a déclaré Victorine Djitrinou, coordinatrice internationale d’ActionAid International pour l’éducation, le plaidoyer et les campagnes, qui a organisé une conférence sur la violence contre les filles à l’école, à Saly, au Sénégal, du 1er au 3 décembre.
« Il faut que les gouvernements la prennent comme un problème. Pour le moment, ce n’est pas encore fait », a-t-elle déploré.
L’Afrique de l’Ouest regroupe une majorité des pays où, en matière d’éducation, les disparités entre les sexes sont les plus importantes au monde. Dans la région, plus de huit millions de fillettes ne vont pas à l’école primaire – elles sont donc 1,6 million de plus que les garçons, selon l’édition 2008 du Rapport mondial de suivi du mouvement de l’Education pour tous.
Depuis plusieurs années, ActionAid insiste sur le fait que la violence contre les filles représente un obstacle de taille à leur éducation.
Pourtant, d’après les participants à la conférence, qui rassemblait les pays francophones d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, la plupart des pays n’ont pas adopté de politique spécifiquement consacrée à la lutte contre la violence envers les fillettes ; les lois qui sanctionnent ces violences ne sont que rarement appliquées ; et bien souvent, il n’y a aucune collaboration entre les ministères de la Justice, les femmes et les représentants de l’éducation.
« Il n’y a pas beaucoup d’acteurs qui travaillent sur cette question », a indiqué à IRIN Adam Ahanchede, qui dirige le ministère béninois de l’Enseignement maternel et primaire. « Et chacun travaille de son côté ».
M. Ahanchede a expliqué que le Bénin élaborait actuellement une politique nationale sur l’éducation des filles, mais que « cette vision de la violence n’y était pas intégrée ».
Un problème négligé
Au Sénégal, une loi sanctionne les viols, la mutilation génitale féminine/l’excision et le harcèlement sexuel, mais elle n’est « jamais appliquée » et les populations se résolvent à des arrangements sous la table pour résoudre ces délits, selon Ndeye Astou Sylla du ministère sénégalais de la Famille et de l’entreprenariat féminin.
Photo: WFP/Lori Waselchuk |
Ecolière cap-verdienne. Les spécialistes de l'éducation exhortent les gouvernements à adopter des politiques nationales de lutte contre toutes les formes de violence envers les écolières |
Pour Mme Sylla, le Sénégal a besoin d’une politique nationale qui prévoirait de porter la loi à la connaissance des populations de tous les villages et de désigner, dans chaque école, une personne chargée de s’atteler à ce problème. Jusqu’ici, a-t-elle expliqué, le problème a été négligé.
« On agit toujours autour de la violence contre les femmes, mais pas autour de la violence envers les filles [en particulier] ».
Même problème au Burkina Faso. « Le concept de violence faite aux filles n’est pas visible. Il n’est pas expressément écrit », a expliqué Marie Claire Guigma Nassa, qui dirige le service de promotion de l’éducation des filles au sein du ministère burkinabè de l’Education élémentaire et de l’alphabétisation. « Nous avons reconnu cette faiblesse dans les textes ».
Une approche holistique
Dans le domaine de l’éducation pour les filles, les acteurs élargissent toujours davantage la définition du terme « violence ». Outre les viols collectifs dans la cour de récréation et les bonus accordés aux fillettes qui couchent avec leurs professeurs, bien d’autres violations du droit des filles à l’éducation sont commises, souvent bien plus régulièrement.
Dans de nombreuses sociétés, les directeurs d’école renvoient chez elles les fillettes enceintes, les mères forcent leurs filles à faire le ménage pendant que leurs fils étudient, et les parents retirent leurs filles de l’école pour les marier.
Dès lors, une simple loi contre le viol – même si elle est appliquée – ne suffira pas à résoudre le problème, selon la directrice du Forum des éducatrices africaines (FAWE).
« A la fois au niveau politique et dans le cadre des démarches entreprises individuellement par diverses organisations, la question n’a tout simplement pas été envisagée de façon intégrée », a déclaré Coudou Diaw à IRIN.
L’approche holistique devrait inclure à la fois les problèmes pédagogiques, tels que la formation des enseignants, et les questions qui entourent la perception des femmes, la maturité sexuelle et la puberté, la violence et la sécurité (notamment, la constitution même des établissements scolaires), a-t-elle indiqué.
« Nous avons vu des retraits de filles dans les écoles parce que leur établissement n’était pas équipé de toilettes séparées pour les filles », a expliqué Moustapha Sourang, ministre sénégalais de l’Education. « Les parents refusent que leurs filles partagent les toilettes de garçons ».
Prendre des mesures
ActionAid a conçu un modèle de politique nationale sur la violence contre les filles, baptisé Making the Grade [L’école à la hauteur], que les gouvernements sont libres d’adapter selon leurs besoins. L’organisation encourage les gouvernements à regrouper toutes les politiques qui traitent de la violence envers les enfants, pour créer « un ensemble législatif complet ».
Toujours selon ActionAid, les gouvernements devraient recueillir des données ventilées par sexe sur la violence en milieu scolaire. Ces informations sont essentielles : les cas de violence étant rarement déclarés aux autorités, il est quasi impossible, à l’heure actuelle, de mesurer l’ampleur du problème.
« Les gouvernements ne sont même pas conscients du fait qu’ils devraient relever ce [type d’information] », a expliqué Mme Diaw, de l’organisation FAWE.
Le modèle de politique suggère également aux gouvernements de prévoir un programme scolaire qui tienne compte des spécificités de chaque sexe, de vérifier les casiers judiciaires des enseignants avant de les engager, et d’organiser des campagnes nationales contre la violence envers les fillettes en milieu scolaire.
Selon le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), « c’est en Afrique de l’Ouest et centrale que les obstacles à la réalisation, d’ici à 2015, de l’OMD [Objectif du millénaire pour le développement] relatif à l’éducation primaire pour tous sont les plus redoutables ».
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